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Sont trcs-fuperftiîieux.
^O VO Y A G E
ilipériorité qu'ils ont fur eux ; ils n'ignorent pas la protection
&c les avantages que la liberté leur donne.
On éprouve , pour convertir au Chriftianifme les Negres
qui arrivent de la côte de Guinée , les mêmes difficultés
que nous avons fait remarquer au fujet des Caraïbes. L'intelligence
de la plupart d'entr'eux pour les vérités de la
religion , ne furpafle pas celle de ces derniers peuples.
L'ufage ou la regie que fuivent à leur égard les Miffionnaires
pour Tadminiftration du Baptême , n'eil pas uniforme
dans toute l'Ifle. Les ParoiiTes de la Martinique font deffervies
par les Jacobins ( les plus anciens de tous les Miflionnaires
dans ces Colonies ), par les Jéfuites &c par les Capucins.
Tous s'accordent en ceci, que les Nègres-qui viennent
de la côte de Guinée avant l'âge de dix à douze ans ,
peuvent être baptifés à leur arrivée dans nos Mes ; on ne
baptife poinrceux qui arrivent plus âgés. C'eft fur leur phy--
iionomie que l'on juge de leur âge,.
Mais lori que ces mêmes Negres âgés , à qui l'on a refufé
le Baptême ( par les mêmes raifons qu'on le refufe aux Caraïbes},
font eii danger de mor t , les uns les baptifent, quoique
ces Negres n'ayent aucune connoiffance de notre religion 5
ni par conféquent aucun defir réel ou réfléchi d'être baptifés
; d'aïKres Miffionnaires au contraire leur refufent le
Baptême en .pareil cas. Ils difent que c'eft. le profaner
que de l'adminiftrer à un homme qui ne le delire pas, qui
ne peut pas même le deiirer , puifqu'il n'a aucune idée de
Dieu èz de notre religion , 8c que fouvent même il n'entend,
pas notre langue.
Ainfi tel habitant, pour fe foumettre à la' déciiion de
Ion CuréjlaiiTe mourir fes Negres nouveaux fans Baptême,^ ,
tandis qu'il voit ion voiiin dans une autre paroiiTe , autorifd :
par fon Pafteur, en agir autrement.
Tous nos Negres, de quelque partie de Guinée qu'ils
vi ennent , ceux-memes quii naiiTce nt parmi nous font entièrement
livrés à la luperftition ; ils ajoutent foi aux maléfices
& à de prétendus forciers, .Ils les redoutent^ ils'
Tres - enclins
l'amour.
A L A M A R T I N I Q U E . i i
Ifënfent qu'il n'eil: pas de moyens , même furnaturels , qui
ne foient en leur pouvoir pour nuire aux autres.
Ce font chez eux les mêmes fables , les mêmes foibleffes
, que k' fuperftition a produites chez nos peres , chez
tous les peuples , &C dans tous les fieclcs.
Ils imaginent que ces hommes dangereux peuvent empêcher
qu'ils ne foient aimés de leurs maîtreilès. Cette
crainte eft une de celles dont ils font le plus tourmentés ;
ils en font prefque autant alarmés que pour la confervation
de leurs jours.
L'amour , cet enfant de la nature , à qui elle a confié fa
propre coni^rvation, qui n'eil; arrêté ni par les chaînes ni
par les obftacles , ce principe de vie auiTi néceflaire à l'harmonie
de l'univers que l'air que nous refpirons qui comme
lui pénétré par-tout , anime toutes les actions & toutes
les penfées des Negres ; lui feul adoucit le poids de leur
efclavage.
Ils ne font refroidis ni par les périls, ni par les châtimens.
Un Negre part de chez fon maître la nui t , traverfe
les bois , s'expofe aux ferpens , ne craint pas d'être arrêté
comme fugitif, pour aller voir fa maîtreile. Sa demeure eft
quelquefois li éloignée de la fienne , que le voyage feul
confomme prefque tous les momens deftinés à fon repos ou
à fon fommeil.
L'emportement des NégreiTes eft auffi vif que celui des
Negres. Cependant en général ils font réciproquement
aiTez fidèles. La vanité des NégreiTes eft l'écueil de cette
fidélité ; elles ne réfiftent prefque jamais aux oflies que leur
font les blancs.
On fera fans doute étonné d'un goût auffi dépravé de la
part des hommes de notre couleur ; il eft cependant géné- '
ral , foit qu'ils y ioient entraînés par Toccafion & îa facilité
, par i'oifiveté , par lephyfique du climat, par l'habitude
, par l'exemple , par l'indolence & la fierté des blanches
, ou par le peu de foin qu elles prennent de leur plaire ,
peut-être dans l'origine de nos Colonies par un motif de
curiofité , ou par la tliiette des femmes qui n'accompagne-
Les N^grei&saiilîî.
Goût de.s Euro-^
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