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de TAuu'ri jiif.
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V O Y A G E
Voilà, les hommes avec qui nous avons à yivrc clans ifôs
Colonies ; voilà les agens néceilàires de ces fortunes , dont
l'éclat éblouit les Europeans , èc leur dérobe les inquiétudes
qui les accompagnent. On ne les envieroit pas li je rappel-
. lois tous les accidens qui les menacent.
Les habitations de nos llles font comme l'élément qui les
entoure. La route ell facile ; elle cft féduiiante , les apparences
excitent & foutiennent les delirs les plus ambitieux ,
on avance à grands pas , quand le tems eft icrein & le vent
favorable ; mais il peut changer à toute heure , un inftant
boulevcrfc fie détrmt tout. Si l'humanité fouftre de l'efelavage
de l'Aii-ique , elle en cft vengée fouv.ent à l'Amérique-
Ont des difpo/;- •• Les organes des Nègres font finguliercment difpofés pouc
tiens pour la nu;!;- la mullquc.
Une desg-randes difficultés que rencontre la taftique de
h f X f S c - des Yoldats , c'eft d'oblervcr dans leur marche une
uniformité de tems générale , une certaine mefurc cadeiy
céc , par laquelle toute une armée auroit un pas égal , quoique
plus ou moins précipitée , fuivant les occafions. On ne
iurmonte cette difficulté que par la difcipline la plus fuivie
Se la plus rigoureuie.
On éprouve encore tous les jours cette même difficulté
dans un autre genre, qui prouve que les obftacles qu'elle
préfente , font plus coniidérables qu'on ne le croiroit.
Nous voyons iur nos théâtres -que les mouvemens des danfeurs
font prefque toujours déiunis.- Plufieurs qui forment
enfemble les mêmes pas, ne s'élevent , & ne retombent
prefque jamais tous à la fois ; les uns font encore en l'air ,
quand le corps des autres eft déjà repofé ; c'eft une fucceflion
de fauts , qui , jointe à l'inégalité de leurs tailles ,,
forme une efpece d'échelle auffi défagréablc aux yeux qu'à
l'oreille.
J'ai vu fept a'huît cens Negres , accompagnant une noce
au bruit d'une chanfon ; ils s'élevoient en l'air , ôc retomboient
tous en même tems ; ce mouvement étoit précis &
fi général, que le bruit de leur chiite ne formoit qii'un feul
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Evfmpis qui 1«
proi;ve. •
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Travaillent
cadence.
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Sont poètes
inuficiens.
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Leurs compo4-
tions.
A L A M A R- T ï N i Q U E. _
Ils ne font aucun ouvrage qui exige quelque exercice ,
qu'ils ne le faifent en cadence, & prefque toujours en
chantant.
C'eft un avantage dans la plupart des travaux. Le chant
les anime, &c la mefure devient une regie générale. Elle
force ceux qui font indolens à fuivre les autres.
Le défaut de vêtcmens mettant à découvert tous leurs
mufcles , on voit qu'il n'eft pas une partie de leur corps qui
ne foit afledée de cette cadence , èc qui ne l'exprime.
Ils font tout-à-la fois poètes & muficiens. Les regies de
ieur poëfie ne font pas ngourcufcs ; elles fe plient toujours
à la mufique. Ils alongent ou abrègent au befoin les niots
pour les apphquer à l'air fur lequel les paroles doivent être
compofées.
Leurs compoiitionsnous ramènent à l'idée que nous pouvons
avoir de la naiiTance de la poëfie dans les premiers
âges du monde. Un objet, un événement frappe un Negre,
il en fait auffi-tôt le fujet d'une chanfon. Trois ou quatre
paroles , qui fe répètent alternativement par les affiftans ,
par celui qui chante, forment quelquefois tout le poëme j
cinq ou fix mefures font toute l'étendue de la chanfon.
Ce qui nous a paru fmgulier, c'eft que le même^air, monotonie
quoiqu'il ne foit qu'une répétition continuelle des mêmes de leurs airs n'en-;
tons , les occupe , les fait travailler ou danfer pendant des
heures entières ; il n'entraîne pas ni pour eux , ni même
pour les blancs, l'ennui de l'uniformité que devroient caufer
ces répétitions. Cette efpece d'intérêt eft dû fans doute
à la chaleur ôc à l'expreiîion qu'ils mettent dans leur
chant.
Leurs airs font prefque toujours a deux tems. Aucuns
n'excitent la fierté. Ceux qui font faits pour la tendrefte ,
infpirent plutc)t une forte de langueur & de trifteiTe ; ceux
même qui font les plus gais , portent une certaine empreinte
de mélancolie.
Je donnerai dans les obfervations des années fuivantes ,
des exemples de leur mufique èc de leurs chanfons, avec
des détails fur leurs danfes>
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