Ceil une fauvegarde
pour eux.
Ces deux nations
vivent en mclinteliigcace.
Pourquoi.
Suivant le fyftême
politique actuel
, ces deux peuples
feront détruits
ou afîèrvis pir les
Eui'opéans.
40 VO Y A G E
primant entre deux planches dès qu'ils font nés , ce qui
rend difforme & monilrueufe.
Cet ufagc avoit pour eux un avantage plu5 important
que pour les Caraïbes. Leur couleur noire auroit pu fervir
un jour de prétexte aux Europeans pour les confonidre
avec les autres negres de nos Colonies , & pour les
rendre efclaves ; elle les auroit au moins expofés à l'aviliffement
de la fervitude & à plufieurs -méprifes defagrëables.
Ils font à l'abri de toutes ces craintes par cette marque
diftiniSbive , qui eil le figne de leur liberté.
Ils demeurent à Saint-Vincent avec les Caraïbes ; il?
jouiffent des mêmes privileges. Ces privileges ne confiftent
que dans cette même liberté , & dans la poiTelîlon douteufe
du petit domaine où ils font réduits les un? ôc les autres.
On les appelle Caraïbes noirs.
Ces deux nations font fans cefle en méfmtelligence. Les
noirs accueillis anciennement'par les Caraïbes, font devenus
plus puiifins par la population. Ils voudroient dominer
dans cette lile, ou en chaffer les véritables maîtres,
leurs bienfaiteurs. Les Caraïbes font obligés de reclamei?
contr'cux de tems en tems l'autorité du Générai de la Martinique.
Les noirs ont fur eux l'avantage des ufurpateurs & des
conquérans, l'audace & la bravoure. Ils font plus aâiifs ÔC
plus induilrieux. D'ailleurs les Caraïbes peuvent fuir , 8c
trouver un afyle parmi ceux de leur efpece dans la terre
ferme , les negres ne fauroient où fe réfugier. Leur fîtuation
leur impofe la loi de vaincre ou de mourir , plutôt que
de céder leur unique retraite.
A juger de l'avenir par les progrès du commerce , par ia.
marche de la politique moderne , & par les principes du
droit des gens établis par l'Europe armée , en vertu duquel
•elle prétend pouvoir s'approprier les pays qui lui étoient inconnus,
on peut ailurer que r
:s pa
îfle deS. Vincent ceiTcra comme
les autres Iflcs du V e n t , d'être habitée par fes anciens poffefîèurs.
Les vrais Caraïbes venant nous demander du fecours
contre les noirs , on faiiîra peut-être ^ne de ces occaiîons
i!f
A L A MARTINIQUE.
caGons pour détruire les uns par les autres, & pour s'affurer
ia propriété de cette Ifle.
J'ai oui-dire plus d'une fois qu'on ne devroit pas perdre
de vue ce projet, afin de l'exécuter au premier moment
favorable. Ce confeil ne peut être que celui de ces efprits
bouillans ou ambitieux , qui regardent leurs premieres faillies
comme les regies que devroit fuivre le gouvernement.
La prudence & l'humanité répugnent à cette voie odieufe,
elle pourroit n'aboutir qu'à nous faire des ennemis dangereux
6c ir réconcihables. Il feroit plus fage d'attendre cet -
événement du tems que de la force. Il arrivera tôt ou tard ,
fans que nous nous en mêlions. Us fe détruiront d'euxmêmes
infenfiblement, leurs moeurs en font garantes.. Ils
fe dégoûteront aulïï du voifinage des Européans ; ils leur
abandonneront la petite portion de l'Iile qu'ils occupent,
pour aller habiter ailleurs.
Pour juger fi cette entreprife à force ouverte feroit auiîî
facile qu'oii le penfe , il ne faut que fe rappeller celle qui
fut tentée en 1718. Nous ne la rapportons , que parce
qu'elle fera mieux connoître le caradere de ces peuples.
On fe plaignoit que les Caraïbes noirs donnoient afyle
chez eux aux negres efclaves de nos Ifles , ^qui fuyoient de
chez leurs maîtres. Cetteimputation devoir être très-dîihcile
à prouver; il auroit fallu au moins leur en défigner quelqu'un
qui fe trouvât chez eux ; alors il n'eit pas douteux qu'ils ne
Feuffent rendu à ion maître. Soit que cette imputation fût
bien fondée , foit qu'elle fervît de prétexte , elle parut fuffîfante
pour aller les attaquer à Saint-Vincent.
• On fit un détachement des milices de la Martinique ;
on dcfcendit chez eux lorfqu'ils s'y attendoient le _ moins.
Le peu de monde qui fut employé à cette expédition, la
méfintelligence des Commandans , la mapvaife volonté
des vrais Caraïbes, qui, au lieu de fe joindre à nous, comme
ils l'avoient promis , avertirent au contraire les Caraïbes
noirs & leur donnèrent des armes ; la difficulté d'apporter
des vivres , ÔC d'attaquer des gens ou cachés , ou retranchés
dans des bois ôc des défilés ; tout concourut à faire
Entrepriiè faite
contr'eux en pleine
paix en 17