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Le vif éclat dont brille la Rose passe vite; le même jour qui, le matin, voit
ôclore cette belle fleur, la voit se l'anncr le soir. TIIÉOCRITE , à cause du peu de
durce de cette fleur, lui compare la vie humaine. SAINT AMBROISE compare aus.si
le coui-s de k vie à la llose, car, quel que soit le charme de cette fleur, elle
présente aussi ses desagrëmeus, par les épines dont elle est accompagnée. Un
Poète lalin a fait parfaitement allusion à la courte existence de la Rose et au peu
de dure'e de la vie dans le distique suivant :
Uinianè Rosa vigel, tamcn et mox vespere languet;
Sic modo qui fiiiinus, c ras le vis umbra siinms.
MALHERBE , en déplorant la perte de la fille d'un de ses amis , morte au priiilems
•de sou âge, fait ainsi allusion a la courte durée des Roses :
Ta Glle était du monde on Je? {)hi.? Lelles choses
Ont lu j)ire destin ;
Et Hose, elle a >écu ce que vivent les Roses,
I.'espace d'un Tnalin.
L'usage de se couronner la tète de guirlaades de Roses pendant les derniers actes
d'un fesliu joyeux est généralement connu par les vers de plusieurs. Poètes de
l'antiquité.
Me juvat et multo nifitiicm vineire IvcCo,
l ù cnpui in venià semper LaLere Ilofîà.
l'aOPEn'T.
lloec hors est tua, dum finit Ivwu';,
Cùm régnât liosa, eiira madeni capilli.
Tune me vel rigidi legani Cniones.
MARTIAL.
Les anciens poussèrent très-loin ce genre de Itise ; ils couvraient d'une couche
de Roses les lits oii se plaçaient les convives, cl surtout les tables.
Temj)ora subtiliiis piiiguntur b
lit latet injecta splendida n
Anmiit et moii
Decidère i
sa [iosii. '
OviD. Tast. ]
s cecidcre capillis^
sas , ut Rosa missa solei.
A Rome, daus les réjouissances publiques, on jonchait quelquefois les rues de
Roses Les vers suivans de Lucrèce paraissent se rapporter a cet: iu sage.
Erj^o citm iirimfim magnas
Munilicat taciia mortales rr
/ t r e atque argeuio stcruu
Largificii stipe ditantes, n
liorihuS; uinbiant'js
uucjiie Rusaru
comitiuncjue
A Baies, lorsqu'on donnait des fêtes sur l'eau, tout le lac Lucrin paraissait
couvert de Roses. Pour ne pas être privé de ces jouissances pendant l'hiver, on
produisit dans des serres, par des tuyaux pleins d'eau chaude, une température
artihcielle qui permettait aux TJs et aux Roses d'éclore au mois de ,lécem])rc.
isÉXEQCE déclamé avec une ridiculo afibclation contre ces inventions. Les Romains
sans s'arrêter aux conclusions rigides du philosophe , perfectionnèrent icllemeiit
leurs serres chaudes que, lursijuc, sous DOMIT.LX , les ËgjpLicus crurent avoir ofll-il
a lu cour un magnifique hommage ou euvoyant des Roses au milieu de l'hiver, oc
présent n'excita que le rire et le dédain, tant les Roses d'hiver, que l'art avait
lait éclore, étaient abondantes ii Rome. « Dans toutes les rues, dit M.VRTIAL, on
respire les odeurs du printcms, on voit briller l'éclat des fleurs fraîchement
cousues en guirlandes. Envoyez-nous du blé, Egyptiens , nous votis enverrons
des Roses (i).
Les médecins avaient détermine quelles espèces de fleurs il convenait d'admettre
dans les couronnes des i'estius pour ne pas nuire à la santé. Le l'ersil, le Lierre,
le Myrthe et la Rose passaient pour avoir une vertu <jui dissipait les vapeurs du vin.
Les Roses étaient encore, chez les anciens, au nombre des fleurs qui servaient
à orner les tombeaux. Les Romains considéraient ces soins pieux comme tellement
agi'éables aux mânes, qti'ils destinèrent par teslamont des jardins entiers à être réservés
pour fournir des fleurs a leur tombeau. Les malédiclions les plus fortes menaçaient
ceux qui oseraient violer ces plantations sacrées. Quelquefois le défunt
avait ordonné que les héritiers se réuniraient tous les ans, au jour anniversaire <1G
sa mort, pour diner auprès de son tombeau, en se couronnant de Roses cueillies
dans la plantation sépulcrale.
Les premiers cliréliens improuvèrent l'emploi des fleurs, soit dans les festins,
soit auprès des tombeaux, à cause des rapports qu'il avait avec la mylliologie payenne:
Tcrlullien a fait un livre contre les courouues et les guirlandes ; Clément d'Alexandrie
ne veut pas que les chrétiens se couronnent de Roses, tandis que Notre Seigneur
a été couronné d'épines.
Lorsque Saladin prit Jérusalem , en 1188, il ne voulut point entrar dans la mosquée
du Temple, convertie en église par les chrétiens, sans en avoir fait laver les
murs avec de l'eau de Rose. Ciu({ cents chameaux, dit Sanut, suflirent à peine
pour porter toute l'eau de Rose employée dans cette occasion: ce conLe est digne
de l'Orient. Voila ire dit qti'après la prise de Gonstantinople par Mahomet ÏI, le
29 mai 1453, l'église de Sainte-Sophie fut de même lavée avcc de l'eau de Rose
avant d'être convertie en mosquée.
Ou lit dans l'Histoire du Mogol, par le père C.VTROU, que la célèbre princesse
Notiritiahal fit remplir d'eau de Rose un canal entier, sur lequel elle se promena
avcc le grand Mogol. La chaleur du soleil dégagea de l'eau dr. Rose Thuile essentielle;
on remarqua celte substance, qui flottait à la surface de l'eau, et c'est ainsi que
se fit la découverte de l'essence de Rose.
On portait jadis aux baptêmes de grands vases remplis d'eau de Rose. Bayle
raconte, à ce sujet, qu'à la naissance de Ronsard, sa nourrice, en chemin pour
aller h l'église, le laissa tomber sur un tas de fleurs, et «pie, dans ce moment, la
femme qui tenait le vase d'eau de Rose, le répandit sur lenfant. Tout cela, ajoute
Eaylc, fut regardé depuis comme un présage licureux de la bonne odeur que devaient
un jour réi)andrc ses poésies.
Les Roses furent souvent, daus les Icms de ehevalcric, un enddcmc que les preux
aimaient à placer sur leurs armes. Lue Rose dans l'écu d'un chevalier annonçait que
la douceur doit accompagner le courage , et que la beauté est le seul prix digne de
(i) Ut nova dona tihi, Caesar, Mloliea lellus
Misei ai liibenias ambitiosa Rosas :
Kavila derisil l'Iiarios Mempliiiicus hortos ,
lirbis ui iiitravii limiua primaMioe.
1 anius vei is liojios , et odoie graiia FIOI'OE,
Tantacjiie poesiani gloria ruris erat.
Sic cmac'uin<|nti vagiis, gi essuiiiiiiie oculosqne fe
Textilibus sertis omne iiibcbat iier.
At tu RomaiiiC jiissus jam cecieie bruina;,
Miue tuas messes; accipe, ^i]e, Rosas,
MIIIT. lib. 'NJ. epigram. LXXX.
' 4
in