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& dans divers'étangs , où on les entretient;- dans les parties moritagneufés
de la Siléfîe, & fur-tout dans les environs de Danzig hy.
La truite a la chair tendre & d’un bon goût. Plus l’eau où elle a vécu
eft froide, plus fon goût eft agréable. On trouve à la fource de l’Orbe,
qui fort d’un rocher dans le canton de Berne, des truites qui ont un goût
d’écréviffe, & qui furpaffent toutes les autres en bonté, far-tout fi on les
accommode dès qu’elles font foities de l’eau ¿). Les traites font graffes
quand les autres poilfons font maigres , & maigres quand ils font gras.
De forte qu’en hiver, elles ont une chair blanche & de mauvais goût;
mais en Été elles ont la chah- rouge & tendre.
La truite paffe pour Jle roi des poiifons d'eau douce. Du tems des
Romains, il ornoit déjà les tables les plus fomptueufesL), Dans plufiéurs
pays, les feigneurs fe font réfervés les truites, & en ont défendu la pêche
fous des peines févères /). En Saxe, cette pêche eft défendue fous peine
de prifon. Darts quelques autres provinces d’Allemagne, fous peine de
perdre la main; dans le royaume de Congo, fous peine de la vie ro)« -!':
La chair de la truite eft de facile digeftion, & elle peut fournir une
bonne nourriture aux perfonnes foibles & maladives.
Les parties intérieures font telles que je l’ai dit dans la première
feétion, en parlant de ce genre. La peau de l’eftomac eft feulement
beaucoup plus forte, & elle a foixante vertèbres à l’épine du dos & trente
côtes de chaque côté. Ce fut pour moi un fpeétacle imprévu, & eii même
tems agréable, de voir en ouvrant cette truite, des oeufs couleur d'orange,
gros comme des pois ri), placés en rangées les uns à côté des autres.
Cela me furprit d’autant plus, que dans les plus gros poilfons, comme le
filure & l’efturgeoni je n’avois jamais trouvé des oeufs plus gros que: de
la graine de millet Cette truite étoit au moment' du frai, & les oeufs
étoient fépàrés de la peau dans laquelle ils font ordinairement. Ces oeufs
cuits font aufli un manger fort délicat On s’en fert aufli d’appât pour
prendre l’ombre d’Auvergne. D eft remarquable que là couleur de ces
oeufs eft fi durable, que j’en conferve depuis trois ans dans de l’efprit
de vin, qui n’ont prefque rien perdu de leur vivacité.
Ce poiffon fe nomme :
Fore, Bachfore, Forelle, Teich- Lashens & Norjar, en Livonie.
forelle & Goldforelle, en Allemagne. Forel-Krà, Elv-Krâ, Muld-Kra,
Forelle, en Dannemarc. Or-Rivie, en Norwège.
. Forell,
h ) Klein, MiiT. Pifç. V. p. 19. Marche, par le marquis Charles, de pêcher des
i ) Bomare, au lieu cité. truites dans le fleuve Oftro, fous peine de prifon
k) Joev en parlant des poiflons du .lac Laris, & de banniflèment.
met la truite au-deflus de tous les autres, & dit: ni) Allgem. Reif. 4. B. p. 693.
Truttadecus menfoe. Richter. Icht. p. 877- n) Voyez Pl. XIX. fig. 13.
I ) Autrefois il étoit défendu dans la nouvelle-
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Forell, Stenbit, Bickrà & Rofisk, Trotta, Torrennna, èh Italie.
en'jSuède. ' ■ ■ ■ Truite ôu Troütte, èt.truite de ri*
Krasnaja Ryba, en Ruffie. vière, en France.
Dawatfehan, en Tartarie. Troiit, en Angleterre.-
Selon ce que nous venons de voir, la truite eft un des principaux
poilfons de nos rivières; & comme elle ne féjourne que dans les ruiffeaux
des contrées montagneufes, elle eft aufli un des plus chers. Elle mérité
par conféquent l’attention de l’économifte. Il eft dommage que tous les
endroits ne foient pas propres à nourrir ce poiffon. Pour former un étang
à truites, il faut : 1°. une eau claire & froide, avec un fohd dé fable ou
de cailloux. 2°. Des fources, ou un rüiffeàu qui y ramène toujours de
l’eau fraîche. Si c’eft un raiffeau, il fout qu’il coule fous des ombrages
frais, ou qu’il ne foit pas fort éloigné de fa fource, fans quoi l’èau eft trop
chaude en Été lorfqu’elle entre dans l’étang. 30. Les bords doivent être
élevés, fans quoi la traité, qui aime à faùter, toucherait à terre & y
périrait. 40. L’étang doit êtrè 'entouré de grands arbres, dont l’ombrage
procure de la fraîcheur à fes eaux. 5°. Il doit y avoir dans le fond ou des
racines d’arbres, ou de greffes pierres entre lèfquelles je poiffon puiflë
frayer. 6°. On doit y prévenir les inondations, foit par un foffé, foit de
quelqu’autre manière: il faut fur-tout prendre garde quelles ravins
n’y conduifent des eaux de pluies fales & bourbeufes; f°. Il faut que
l’étang ait fept à dix pouces de profondeur, fans quoi la truite monte fur
la liirface de l’eau en tems d’orage, & elle y memt fouvent, fi l’orage
dure longtems. On peut prévoir fa mort, à des petits pdints pâles qui
pareiffent fur fon corps : plus il y en a, plus lé poiffon eft près de fa fhï;
de forte qu'il faut fe preffer de le prendre. 8°. Il faut fonger à leur fournir
une nourriture fuffifante. Comme les truites font carnacières, il faut
mettre'avec elles des'poilfons qui vivent dans une eau de même nature,
mais qui ne foient point voraces. Les plus convenables font les goujons,
les cataphraéles, les loches;, les dobules, les raphes , les Vérons & les
meuniers. Mais comme on n’a pas toujours de ces poilfons, fur - tout
dans les pays de montagnes, on peut aufli leur donner de petits morceaux
de foie hachés, des entrailles d’animaux, des gâteaux fecs, faits de fang
de boeuf & d’orge mondé. Il faut réduire l’oige en bouillie ; on y mêle le
fang de boeuf; on jette le tout fur une planche garnie d’un rebord ; on le
laiffe refroidir; on le coupe en petits morceaux, que l’on fait fécher &
que l’on garde pour s’en fervir au befoln. Il faut caffer la glace dans les
étangs de traites comme dans ceux de carpes, & regarder tous les jours
que les embouchures ne gèlent pas. Du refte, il faut garnir la bonde
d’une grille fine , pour arrêter l’alevin. Enfin, il n’eft pas befoin de dire,
qu’il faut tâcher d’en éloigner les poilfons voraces & les oifeaux pêcheurs,
de même que les grenouilles & les voleurs.
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