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tems du frai, il vient fur les écailles des milles, comme c’eft l’ordinaire
chez les autres mâles de ce genre, dés petits boutons, qui leur font donner
différens noms par les pêcheurs. Pline a remarqué les mêmes excrefcences
aux poilfons des lacs Larius & P'erbanus ; & Salvin les décrit exaéiemcnt
en parlant dupoilfon qu’il nomme Pigo, qui était une efpèce de carpe. Il
dit que les boutons ne paroiffoient que fui- les mâles; qu’on les remarquoit
ordinairement fur le dos & iür les côtés, & quils difparoiffoient au bout
d’un mois g). Lorfqu’il furvient un tems froid pendant le tems du frai, ce
poiifon fe retire dans le fond : le nombril des femelles fe referme,
s’enflamme; le poiffon enfle, dépérit & meurt. Il eft fingufier qué dans
les poilfons comme dans les'autres animaux, les femelles, en propagant
l’efpèce , font expofées à un plus grand nombre de maladies que les mâles.
Quoique les mâles de la brème fe retirent auffi dans le fond lorfqu’il
furvient un mauvais tems, ils ne font pourtant pas lùjets à cette maladie.
On m’a apporté une brème dont le corps avoit dépéri, & dont le ventre
étoit exceflivement enflé. Elle pefoit trois livres & trois quarts. Vers
l’enflure, les écailles paroiffoient auffi grandes que celles de la carpe; ce
qui venoit fans doute de la trop grande tenfîon de la peau; car au lieu
d’être arrangées les unes fur les autres comme des tuiles, elles étaient
rangées les unes à côté des autres en lignes parallèles. Ayant ouvert le
poiffon, j’y trouvai une fubftance gluante & rougeâtre, qui paroiffoit auffi
granuleufe que le millet cuit. J’en fis cuire une partie; mais au lieu de
devenir rouge ou jaune comme les oeufs cuits des poilfons, elle fe changea
en bouillie blanche. Outre cette maladie, la brème, auffi bien que le
fandre, eft fujette à laphthifie. J’en ai vu une attaquée de cette maladie,
qui étoit fi maigre & fi exténuée, que lorfque je voulus la prendre par
la tête, le tronc tomba comme un chiffon. On trouve dans l’intérieur du
bas-ventre de ce poiffon, fur-tout lorfqu’il eft jeune, le Fiech, efpèce de
ver folitaire. J’y ai auffi trouvé, dans le canal inteftinal, le léchin ; c’eft
une autre efpèce de ver des inteftins A).
Ce poiffon a de petits oeufs rougeâtres. J’en ai trouvé environ 137,000
dans une femelle qui pefoit fix livres. ‘ Quoiqu il foit fans ceffe expofé à la
pourfuite des hommes, du filure, du brochet, de la perche, du fandre,
de la lotte, de l’anguille & des oifeaux pêcheurs, il n’eft pas étonnant
qu’avec une fi grande quantité d’oeufs, il fe multiplie fi prodigiëufement.
Le grèbe & le plongeon font auffi du nombre des ennemis de ce poiffon.
Ces oifeaux s’affemblent ordinairement en automne, en troupes de dix ou
douze, & plongent les uns après les autres. Les petites brèmes effrayées
par la couleur blanche de leur plumage, fe retirent. Les oifeaux
continuent à plonger jufqu’à ce qu’ils ayent pouffé les poilfons vers le bord,
où ils les prenent & les mangent. Quand on veut avoir des brèmes pour
g) Àquatil. p. 83. A,) Voyez ma Diffère, fur les vers des inteftins. p. <1.
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empoiffonner quelque pièce d’eau, il eft três-aifé alors de les prendre à
la truble. La bufe cherche auffi fouvent à contenter fa faim aux dépens
de la vie de la brème ; mais elle y perd quelquefois la fienne lorfqu’elle
veut attaquer une groffe brème. Le poiffon plonge au fond dès qu’il fent
les ferres de l’oifeau. Si celui-ci n’a faifi que la chair du poiffon, le bruit
des ailes de la biffe lui fait faire un effort, &.le morceau refte entre les
ferres de l’oifeau; mais auffi s’il a faifi l’épine du dos, le poiffon tire avec
lui fon raviffeur dans le fond de l’eau.
On prend la brème, dans le tems du frai, à la louve, à la naffe & au
coleret. En hiver, on la pêche fous là glace avec la feine. Comme elle
eft avide des vers, elle mord auffi fort aifément à l’hameçon : & dans un
endroit où il y en a beaucoup, on peut avec cet infiniment en prendre
une douzaine en un quart d’heure. M. Taube, médecin de la cour à Zelle,
décrit une manière de pêcher ce poiffon, qui eft en ufage dans ce pays-là.
Au mois d’Aoùt, quelques pêcheurs fe mettent dans un bateau par un
tems clair. Pendant que les uns rament à force, un autre fait du bruit
avec un tambour; deux autres, de chaque côté de la rivjère, battent
l’eau avec des perches, & chaffent auffi les brèmes vers une partie de la
rivière, où d’autres pêcheurs les attendent avec des filets , & en prenent
ordinairement une grande quantité ¿).
Ce poiffon, quand il eft bien nourri, croît auffi vite que la carpe. Sa
chair eft blanche, de bon goût, & affez généralement eftimée. On peut
le tranfporter à peu de frais : il fuffit de prendre, dans le tems du frai,
des herbes fur lefquelles il a frayé, & de les mettre dans un petit vafe
avec un peu d’eau; enfuite il faut les dépofer vers des bords unis. Au bout
de quelques jours, on voit fortir plufieurs mille de petits poiffons. Je
'ftiis d’autant plus fur du fuccès de cette expérience, que je l’ai faite
plufieurs fois dans ma chambre, & que des amis à qui j’avois donné
des herbes de cette efpèce, ont vu les mêmes effets. Ils feront bien
plus féconds, fans doute, fi on met les oeufs dans l’élément qui leur
convient. Ces petits poiffons ont vécu pendant plufieurs femaines dans
ma chambre.
La brème a la vie affez dure, fur-tout pendant la failbn froide. En
l’empaquetant dans de la neige, après lui avoir mis dans la bouche un
morceau de pain trempé dans de l’eau-de-vie, ori peut la tranfporter
vivante à vingt lieues: mais pendant la chaleur elle meurt bientôt,
Parmi ces poiffons, on en trouve quelquefois un qui fe diftingue des
autres par fa belle couleur, & que les pêcheurs nomment chef des brèmes.
Il eft toujours fuivi d’une nombreufe fuite, qu’il femble conduire. Lorfque
les pêcheurs le prenent, ils le rejettent ordinairement, afin que les antres
brèmes le fuivent & qu’ils en prenent une plus grande quantité. J’ai
z) Beitrage zur Naturkunde desHerzogth. Zelle. ites Stük. p. 56.