Comme le brochet eft un poilfon généralement eftimé u), qu’il croît
promptement, & qu’il vit dans toutes les eaux, un économifte ne fera pas
mal de faire des étangs à brochets, fur-tout dans les contrées où les
poiffons font rares. Pour cet effet, on peut prendre les étangs qui ne
feraient pas propres aux carpes, à caufe des ombrages, ou qui auraient
une fource froide dans le fond, ou un fond marécageux. I faut feulement
fonger à leur fournir une nourriture fuffifante; ce qu’on fait avec des
poilfons de peu de valeur, tels que le rotengle, la roffe, le gardon, la
bordélière, ou même quelques caraffms, ou quelques carpes, félon la
nature des eaux. Les trois premiers conviennent à un fond fablonneux,
& les trois dernières efpèces fe piaffent mieux dans une eau marécageufe.
E faut avoir attention d’empoiffonner avec des petits brochet, & de choifir
pour nourriture de gros poilfons fur le point de frayer; parce qu’un gros
brochet avalerait bientôt la mère & les petits. On peut efpérerun double
avantage, quand on met des jeunes brochets dans un étang à carpes,
où il y a des petits poilfons blancs : car comme ces derniers cherchent la
même nourriture que les carpes & que les brochets mangent les petits
poilfons blancs; cela fait que les carpes y profitent auffi; parce qu’alors
elles trouvent plus de nourriture. E eft prudent d’ôter les brochets dès
qu’ils ont acquis une certaine groffeur; fans quoi ils pourraient devenir
auffi dangereux aux carpes.
Pline remarque que le brochet à fouie extrêmement fine *); & Morel
raconte, que du tems de Charles IX , on nourriffoit dans un canal du
Louvre, un brochet, qui s’approchoit pour manger toutes les fbiSÈ#Eon
l’appelloit y ). Richter affure auffi qu’E a: vu un exemple de cette nature.
Mais il n’eft pas vrai, comme l’affure le même auteur, que le brochet
épargne la tanche, en reconnoiffance de ce qu’elle lui fert de médecin 7).
E faut mettre ce fait avec ce que dit Kramer a); que l’ufage des oeufs de
brochets caufe le vomiffement ou la diarrhée. .
On croit que le brochet ne fut connu en Angleterre qu’en 1537, fous
le règne ÿHenri V I I I , où on le mit dans les eaux de ce’pays b). Mais
dans ce cas, ce poilfon devrait avoir en Angleterre une dénomination
reffemblante aux noms qu’E portait alors dans les pays d’où on l’a apporté
en Angleterre.
u) H faut que du tems d’Aufone on n’en ait •
pas fait grand cas; car ce poète dit :
Lucius obfcurus ulva, cænoque laeunas
Obfidct, hic nullos mnfarum leclos ad ujus
Fervei fwnojis olido nidore popinis. V . I ni.
ic) Hift. nat. Life. io. cap. 70.
j ) Voyez Richter. Ichthyol, p. 6a. 1
l ) Livre citii, p. 75J.
a) Elench. p. 588-
b) Penn. B. Z. HL p. ^10.
L’ORPHIE.
flI
I