le fonds eft bon. Cependant on peut augmenter ce nombre, comme je
l’ai dit, quand le fond eft d’un limon bien gras. Tout ceci ne peut n'oa
plus avoir lieu que lorfqu’il y a une quantité fuffifante d’eau, pour couvrir
les prés de trois pieds. Mais fi le fond de l’étang fe deifèche entièrement
en Été, on ne fauroit en faire un étang à carpes.
Il n’eft pas néceffaire d’avertir les polfelfeurs ou les fermiers, de prendre
garde aux voleurs, qui emploient toutes fortes de moyens pour prendre
les carpes pendant la nuit. Ils emploient fur-tout les nalîes garnies
d’appâts; le feu par le moyen duquel ils attirent le poiffon, qu’ils faififfent
enfuite avec des tridens ; l’huile d’afpic dont ils frottent des morceaux
d’étoffes de laine, qu’ils attachent à leurs trahies (r). L’odeur de cette
huile attire les'poiffons. Ils jettent aufli dans l’eau de la coque de levant,
de l’éfule, de l’ariftoloche & d’autres drogues qui les endorment ; après
quoi ils les prennent à la main. Du tems de Pline on coimoiffoit déjà
la plupart de ces fecrets u'j.
L’hiver eft la faifon qui exige le plus de foins. Il faut fur-tout prendre
garde que les poiffons n’étouffent fous là glace, Quand l’étang eft'gelé,
il faut le vider un peu, afin qu’il fe faffe un creux fous la glace, & qu’il
refte un peu d’air entre l’eau & cette glace. Les trous que l’on fait à la
glace & dans lefquels on met des joncs ou de la paille, peuvent fuffire
dans les froids qui ne font pas exceffifs x). Mais il faut prendre garde
de fane ces trous trop près du baffin y ) , fans cela on troublerait les
carpes; elles fauteraient fur la glace, où elles gèleraient
On a auffi remarqué que lorfque le tonnôrc tombe dans un étang ou
dans un lac, les poiffons meurent en peu de jours; ill faut prévenir cpt
accident, en vidant auflitôt l’ancienne eau pour y en introduire de la
nouvelle. Avec cette précaution, il n’en meurt que .três-pfeu. '
Les carpes font auffi expofées à quelques maladies, qui font connues
fous le nom de petite-vérole & moujfe. La première confifte dans dés
puftules qui fe manifeftent entre: la. peau & les écailles , & elle eft
rarement
t") Pour empêcher les voleurs de pêcher avec
cet engin, il faut placer dans le fond de l’étang des
pieux d’un Bois bien fec,'longs d’un pied'ou d’un
pied & demi, & qui foient cachés fous l’eau,
zz) Hift. Nat. Lib. XXV. c. 3.
x~) Ces trous font au nombre de deux ou trois,
fuivant la grandeur de l’étang. Si on a foin de les
laiflèr toujours ouverts, il n’eft pas nécefïàire de
fajre écouler l’eau de deflous la glace; cela neferoit
que tourmenter les carpes, & leur faire quitter leur
retraite. Mais dès qu’on apperçoit dans ces trous
une eipèce de ver noir & long, ou que les carpes
y paroilïènt, il eft néceifaire alors d’ôter un peu
de l’ancienne eau, pour y en introduire de la nouvelle.
Cette dernière précaution eft aufti néceflaire
quand il'y a'beaucoup de neige & qu’il arrive un
dégel fiibit.
y ) Lorfqué ' l’étang commence à geler, les
carpes cherchent les endroits les plus profonds :
elles fouillent dans la terre, y font des trous en
forme de' bàftin, & s’y prelfent aufti près les unes
des autres que des harengs dans un tonneau ; &
c’eft là qu’elles palfent l’hiver endormies & fans
nourriture. On a remarqué qu’une carpe à trente-
cinq au quintal ne perd pas plus, d’un quarteron
pendant tout le tems d’un ii grand jeûne.
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