pour réuffir dans le tranfport des poiffons, il faut confidérer s’ils aiment
les eaux courantes ou dormantes, s’ils font accoutumés à un fond de
marne, de pierre, de fable, de glaife, ou à un fond couvert d’herbages.
En général, toutes les efpèces de poilfons fe plaifent dans des lacs d’une
profondeur confldérable, où il fe trouve des foUrçes ou des eaux cornantes
qui les traverfent, & dont le fond eft diverfifié par du fable, de la glaife
& des herbages. Les lacs dont les: bords font élevés pi ne font pas fi
propres à recevoir de nouveaux poilfons que ceux dont le rivage eft bas
& uni. L’élévation des bords empêche les rayons du foleil de porter dans
le fond alfez de chaleur pour faire éclore heureufement les oeufs. On
peut cependant mettre auffi des poilfons dans ces fortes de lacs, pourvu
qu’on ait foin d’y conftruire, près des bords;, <des viviers de planches. Ces
fortes de viviers doivent être larges, plats & découverts. Les cloifons
des côtés doivent être pofées de manière qu’on puilfe les ôter après le
tems du frai. Le fond & les côtés feront garnis de broulfailles: de fapin,
où les poilfons pourront fe frotter & dépofer leurs oeufs. Le tems le plus
favorable pour tranfporter des poilfons, eft celui où ils font fur le point
de frayer. Si l’on veut faire multiplier plufieurs efpèces à la fois, il eft
prudent de donner à chacune un réfervoir particulier, où les poilfons
aient un elpace proportionné à leur grolfeur & à leur nombre. Après le
frai, on tire les poilfons du vivier avec un épervier ou autre filet, & on
les met ailleurs. Alors on écarte les broulfailles , afin d’expofer autant
qu’il eft poffible aux rayons du foleil, les oeufs fécondés, & de leur
procurer la chaleur qui doit les faire éclore. Cette manièrgvide multiplier
les poilfons dans .de nouvelles eaux, pouvant en produire iirie quaritité
prodigieufe, par le moyen de quelques individus feulement ,; on' doit
fur-tout l’employer à l’égard des poilfons rares, ou qif|>n trouve dans
des contrées éloignées. On y réufîiroit bien plus aifément de la manière
fuivante: Il faut prendre, peu de tems après le frai, des herbages , ou
des pierres contré lefquels les poilfons ont dépofé leur frai , & les
tranfporter dans d’autres-eaux pour y éclore. J’ai fait éclore de cette
manière plufieurs oeufs de poilfons dans ma chambre. Ce ne font pas
feulement les lacs profonds & à bords unis dans lefquels ont peut mettre
de nouveaux poilfons : les eaux troubles & bourbeufes recevront auffi
des gibèles & des tanches. Il faut auffi avoir égard à la faifon dans le
tranfport des poilfons. Le printems & l’automne font les pluS . favorables.
En Été, la chaleur & les orages qui peuvent lurvenir, font mourir les
poilfons. Il faut auffi faire attention à l’efpêce des poilfons qu’on veut
tranlporter. Ceux qui ont la vie dure, comme l’anguille, la brème &
la carpe, n’exigent pas tant de précautions que ceux qui, comme le
fandre, l’éperlant & l’ablette, meurent quelque tems après être fqrtis de
l’eau. Quelques-uns, comme les loches & les truites, ont fi peu de vie,
. qu’ils
qu’ils meurent dès que:fl'eau dans laquelle on les met eft un peu
tranquille. Ainfi il eft nécelfaire que les vailfeaux dans lefquels on les
tranfporte foient toujours en mouvement, même lorfque la voiture qui
les porte eft arrêtée; & il eft auffi fort prudent, dans'lès grandes
chaleurs.,- de ne voyager que de nuit. Une autre précaution qu’il eft
encore bon de prendre ; c’eft de ne point trop remplir les tonneaux,
afin qu’ils ne fe blelfent pas la tête lorfqu’ils montent précipitamment
vers le haut. Pour tranlporter environ un quintal depoilfon, il faut un
tonneau qui contienne au moins vingt féaux d’eau.
Dans les voyages de long cours, il faut de tems en tems changer
l’eau courante, fur-tout lorfqu’on tranfporte des., poilfons tels : que les
truites & les loches , qui font accoutumées à ces eaux, i l faut auffi avoir
foin en Eté de ne mettre dans les tonneaux que moitié moins de poilfons
qu’on n’en mettroit en hiver; parce que dans les grandes chaleurs, ils
ont plus que jamais befoin d’air frais. En général, il faut, dans toutes
les faifons, lailfer à l’air une libre entrée dans les vailfeaux. Cependant
en làilfant le trou du bondon ouvert , il faut prendre garde qù’un
mouvement trop violent n’en faffe jaillir l’eau;, ou ne lui communique
trop d’agitation; car dans ces deux cas les. poilfons poulfés les uns
contre les autres, peuvent être blelfés & périr. On peiit prévenir la
trop grande agitation de l’eau, en mettant dans les tonneaux une
couronne de paille, ou quelques petites planches minces. On empêche
auffi l’eau de jaillir, en adaptant au trou du bondon un tuyau quarré
de bois. Ce tuyau d’environ un pied & demi de long, doit finir en
pointe par. le haut, être alfujetti au trou .du bondon par de petites
lattes, & avoir par le haut plufieurs petits trous, afin de lailfer à l’air
une voie de communication. D’ailleurs, on n’a pas befoin de dire qu’en
prehnant les poilfons, il faut prendre garde de les heurter ou de les
prelfer trop fort dans les mains.- En général, il vaudroit mieux, quand
l’ëloignement n’eft pas trop confldérable, porter les poilfons, que de
les voiturer. Pour empoilfonner, il faut prendre des poilfons qui foient
un peu grands, ou qui foient âgés de trois à quatre ans, & mettre deux
mâles pour une femelle. Les poilfons d’un an font encore trop jeunes
pour cet ufage. Quand on veut faire frayer des poilfons voraces, il faut
y joindre ceux qui leur fervent ordinairement de nourriture; & oh
préfère, pour cet ufage, ceux dont on fait peu de cas pour les tâblesj
tels que les poilfons blancs, la rolfe, la bordelière & la gibèle. On y
met auffi l’éperlan & le goujon, qui fe plaifent dans les mêmes eaux que
les poilfons voraces.
Comme il eft important à l’économifte de connoître les inftrumensinitmmens
dont on fe fert pour la pêche, nous en traiterons dans la fuite en parlant che'1 p°"
des différentes efpèces de poiffons. Mais comme nous n’avons encore
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