D e l a B o r n é l j è r e .
le cours eft tranquille, & le fond fablonneux ou marneux. On ne l’eftime
guère,. parce qu’elle eft peu charnue & qu’elle a beaucoup d’arrêtes. Il
n’y a prefque que le peuple qui l’achète. Elle fraye au mois de Mai & de
Juin, fur l’herbe des rivages unis. Alors elle eft fi occupée de cette action,
qu’on peut la prendre à la main. Hors de ce tems, elle eft fort peureufe,
fe précipite dans le fond au moindre bruit, & eft par conféquent affez
difficile à prendre. La manière dont ce poiffon fraye, donne occafion d’en
diftinguer trois claffes. , '
La plus groffe paroît la première, & fraye auffitôt après la brème.
Elle commence à pondre au lever du foleil, & continue jufqu’à dix heures
du matin : elle finit dans trois ou quatre jours, à moins qu’un froid
fubit ne fe faife fentir; car alors elle finit dans la journée. Neuf jours
après, paroiffent celles de la fécondé grolfeur; enfuite les plus petites
après un autre efpace de neuf jours. Toutes frayent en faifant un grand
bruit, caufé par leurs divers mouvemens.
La bordélière multiplie extraordinairement ; & comme elle a la vie
dure, elle eft une des meilleures proie pour les poilfons voraces. Celle que
j’ai examinée pefoit quatre onces, & avoit environ cent huit mille oeufs
Verdâtres plus petits que des grains de millet a).
Ce poiffon ne pêfe ordinairement que trois à quatre onces : cependant
on en trouve quelquefois qui pèfent jufqu’à une livre. On le prend à la
ligne, au filet & à la naffe. Il vit comme les autres, d’herbe & de vers ; il
eft auffi très-avide du frai du rotengle. Pour lui, fon frai ne devient la
proie d’aucune efpèce; ce qui fait qu’il multiplie beaucoup. Le canal
des inteftins a dSix finuofités ; l’épine du dos trente neuf vertèbres, &
chaque mâchoire fept dents en deux rangées. Les autres parties intérieures
font comme dans les autres carpes.
La bordélière a pour ennemis tous les poiffons voraces, les oifeaux
d’eau & l’aigle de mer. Les pêcheurs de ce pays en font un appât pour
prendre des anguilles à la ligne. La chair de. la bordélière eft mollaffe :
mais comme elle n’eft pas fort graffe, elle ne peut pas être mal-faine
pour les perfonnes foibles.
a ) C’eft fur-tout dans le bas-ventre de la des inteftins. Auprintems, on trouve rarement ce
bordélière que fe tient ordinairement le ver que ver. Peut-être que preiTéipar les oeufs & les laites
Linné nomme fafciola inteflinalis. On y en trouve qui augmentent alors, il eft forcé de quitter ce
fort fouvent jufqu’à flx à huit, longs d’un pied cha- poiflon, & difparoît entièrement. Il attaque plus
cun. On connoît aifément à l’enflure du ventre communément les jeunes que les vieux. On trouquand
ce poilïbn eft attaqué de ce ver. Comme on vera plus de détails fur ce fujet dans ma Diflèrta-
fait qu’il eft fujet à cette maladie , plufieurs per- tionfur les vers des inteftins, qui a remporté le prix
fonnes en ont du dégoût, & n’en mangent point. Les à l’Académie de Coppenhague. Il eft remarquable
pêcheurs tâchent de faire fortir le ver en preflànt le qu’Ariftote a obfervé ce ver dans la bordélière,
ventre du poiflon; mais ils n’y réuififlènt que rare- pourvu que fon bcûlcrus foit le même que notre
ment, parce qu’il s’entortille ordinairement autour pçiflon. Voye[ fon Hift. Nat. Lib. VIII. cap. ao.
Part. I. P