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en deux ou trois jours-, elles retournent en pleine mer, enfaifant un bruit
allez femblable à la pluie. Cependant le hareng d’Été fe tient alors plus
éloigné du bord, & fraie plus dans le fond de la mer: on le reconnoît
aux oeufs dont les filets & les cordes font fouvent couverts comme d’une
écorce. Du refte, il rïeft pas befoin de dire ici en détail, que dans ce
tems les harengs forment des troupes qui obfervent un certain ordre: car
c’eft ce qui arrive auffi aux autres poiffons, comme je l’ai dit de la rofîe,
du faumon & du lavaret. On remarque auffi la: même chofe dans les
oifeaux de palfage & la fouris des champs.
Les harengs font fort expofés à être pourfuivis : les hommes fur-tout
leur font une guerre continuelle, non feulement fui les côtes, mais
quelques-uns même, comme les hollandois; forment des flottes entières
pour les aller chercher en pleine mer. D’ailleurs, la baleine en détruit àuffi
beaucoup, principalement l’efpèce appellée Nord-eàper: elle les aVale à
milliers. Cet animal forme en fe tournant un cercle fi rapide, que non
feulement il fait entrer dans fa gueule ouverte une grande quantité de
harengs, comme dans un vafte gouffre, mais même s’il y a quelques
petits bateaux dans les environs, ils enreffentent le mouvement de l’eau à).
Les oifeaux fondent auffi à milliers fur eux du milieu des airs: telle eft
fur-tout la chouette ¿). Cet oifeau indique aux pêcheurs les endroits où
il fait bon tendre leurs filets. Quand fon vol eft élevé, c’éft une marque
que le hareng eft dans la profondeur; quand il vole bas, c’eft une marque
que le hareng s’agite vers la furface de l’eau; quand il fait très-chaud, il
fe tient dans le fond, & alors l’oifeau ne peut ni le voir, ni fervir d’indice,
& ordinairement la pêche eft mauvaifeud-
Nous avons dit plus haut que le lavaret fuit le hareng pour manger
fes oeüfs; & que par-là il forme unobftaclé à leur multiplication. On dit
ta même chofe de la truite faumonnée c).
On trouve dans l’océan plufienrs efpêcés de poiffons très-nombreufes :
telles que l’éperlan, la foie, le cabliau, 1a fardelle & le fprat: mais il
n’en eft pas une feule qui le foit autant que le hareng. Depuis plufieurs
fiècles, les hommes en font périr au moins mille millions par an: les
animaux en dévorent un auffi grand nombre, fans que 1a quantité
prodigieufe de ce poiffon paroiffe diminuer. On peut juger combien^ cette
qualité eft confidérable, puifque dans la feule paroiffe de Svande en
Norwège, on pécha dans une feule anfe tant de harengs, qu’on en remplit
quatre
a) Ôn peut juger par l’hiftoire que rapporté rent dans fon éftomac fîx cents metluches vivantes,
Horrebow p. 3.15, combien un de ces poiffons péut & outre cela une grande quantité de iprats & quel-
âvaler de harengs én une fois. Les Islandois s’étant ques oifeaux d’eau,
un jour emparés d’une baleine qui pourfuivoit des b ) Larus fufcus. L.
merluches, & qui s’étant-trop approchée dfe la c) Schwed. Abhâftdl. Tom. X .p .1 17.
terre, étoit reftée àfee furle rivage; ils trouvée
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quatre-vingt jagts. D faut cent tonnes pour charger un jagt, & une
tonne contient douze cents petits harengs du Nord. Or, comme félon
Pontoppidan d~) , il y en a autant qui étouffent dans l’anfe, à caufe de 1a
grande quantité , on peut compter qu’il s’en eft trouvé dans cet endroit
jufqu’à dix-neuf millions. Suivant le récit du même auteur e), on doit
avoir pris tant de harengs d’un feul coup de filet, qu’on pouvoit en
remplir cent jagts, c’eft-à-dire dix mille tonnes. Dernièrement encore,
Mr. Fabricius. nous a affuré, qu’en entourant une anfe du filet, on pouvoit
en pêcher plufieurs milliers de tonnes/-). Comme le hareng eft en général
en Norwège une des principales branches de nourriture, les habitans du
pays en ont fait le roi des poiffons : ils embarquent tous les ans quelques
centaines de cargaifons de Bergen feulement; & en 175a, où 1a pêche
ne fut que médiocre, on en fit exporter 133,156 tonnes de cette ville,
depuis Janvier jufqu’en Oftobre , fans compter ceux qui ont été exportés
vers 1a fin de l’année g). Si l’on compte à préfent tous ceux qui fortent des
autres villes, & 1a grande quantité que l’on cdnfomme dans le pays, ou
que l’on emploie pour fervir d’appât, on peut toujours compter qu’on en
prend année cornante feulement dans ce pays une quantité de 396,468
tonnes : chaque tonne contenant 1300 harengs ; cela fait 415,739,600:
. Les Hollandois envoient tous les ans mille à douze cents buyfes à
1a pêche du hareng. On compte ordinairement vingt - cinq lafls: pour
une buyfe; & il y en a plufieurs qui font remplis deux fois, quand les
premiers ont été apportés promptement à terre. Or fuppofons qu’il n’y
ait que mille buyfes, en comptant vingt-cinq lafts pour chacun, & ta
tonne à mille harengs: chaque laft contenant douze tonnes, on peut
compter que les hollandois prennent tous les ans 300,000,000 harengs:
On n’en pêche guère moins en Ecoffe & en Irlande: feulement d'Elide en
Ecoffe, on en mène trente mille tonnes par an en France, & quarantë
mille tonnes d’Yarmouth. Quelquefois la pêche eft fi confidérable dans
cet endroit, qu’elle y occupe jufqu’à onze cents vaiffeaux, qui prennent
cent quarante millions de harengs. Ajoutez à celà ceux que l’on prend fur
les côtes d’Angleterre, d’Écoffe, d’Irlande, de Hollandè,- de Brabant, dè
Flandre; & l’on aura une quantité prodigieufe. En 1776, différentes villes
d’Irlande envoyèrent trois cents vingt - fept chaloupés à la pêche des
harengs : chaque chaloupe l’une portant l’autre en prit cent mille; ce qui
fait en tout 33,700,000. Les françois en falent tous les ans environ
foixante mille tonnes ; & dans l’anfe de Chefapeâk , les débordemens en
jettent tous les ans une fi grande quantité fur le rivage, que 1a corruption
qui en réfulte a des fuites fâcheufes K). Dans les environs de Gothenbourg
d) Norw. Tom. IL p. agi. g) Pontoppii. p. a j6.
•«> Au lièu cité, p.; ¿78. ' A) Fermant. B. Z. III. £.<336*
/*) Reife nach Norw. p. a go*
Pan. I. R r