affez fortes pour fauter par - deffus les grilles, relient dans l’étang, &
appartiennent au propriétaire. Lorfque les carpillons ont atteint huit à dix
pouces, on les Ôte de l’étang par les eaux baffes, pour les vendre ou
les tranfporter dans d’autres étangs. On a vu par expérience, que ces
fortes de carpes quand elles font bien nourries, deviennent fort groffes,
& font d’un bon goût.
Quoique la carpe foit expofée à la pourfuite des poiffons voraces &
des oifeaux pêcheurs,- elle fe multiplie pourtant beaucoup, vû qu’elle
a reçu de la nature une ü grande quantité d’oeufs,: que j’en ai compté
jufqu’à 237,000 dans une femelle d’une livre.
Bientôt après M. de Schlegel, confeiller provincial à Croffen, m’envoya
une de fes carpes, dont il avoit coutume de fe fervir pour empoiffonner
fes étangs. Il m'écrivit en même tems, qu’il ne favoit comment faire
pour empêcher d’avoir une quantité d’alvin auffi grande que celle qu’il
avoit eue jufqu’alors : car la grande quantité les empêchoit de trouver la
nourriture convenable, & d’atteindre à la groffeur de fix à fept pouces,
pour être en état d’être tranlportées dans d’autres eaux. Quelques carpes
feulement lui donnoient 100,000 carpillons. La carpe en queftion pefoit
neuf livres, & fes oeufs une livre & quatorze onces. Or, comme une
drachme de ces oeufs encontenoit 1395, l’ovaire entier étoit de 631,600.
On voit par-là, i°. qu’un gros poiffon a infiniment plus d’oeufs qu’un
petit; 2°. qu’on peut expliquer par-là la grande différence que l’on trouve
dans les différens écrivains par rapport au nombre des oeufs des poiffons;
30. qu’on ne peut jamais déterminer ce nombre, parce que l’âge & la
nourriture peuvent y apporter des changemens conlidérables. Les carpes
des étangs de M. Schlegel deviennent très-groffes : ce qu’il faut attribuer
à la plante nommée noyade y ) , qui y croît en grande quantité. Cette
plante eft fi alcaline, qu’elle ébouillit avec de l’eau forte ; & comme elle
a des graines, on pourroit aifément la faire venir dans les autres étangs.
Quand un économifte s’apperçoit que fes mères -carpes donnent trop
d’oeufs; ce qu’on peut connoître aifément à l’épaiffeur & à la dureté du
ventre ; il fe conduirait avec beaucoup plus de fureté, pour obtenu- de
bonne femence, en ne mettant dans fon étang qu’une feule carpe oeuvée
& une feule laitée. Mais fi malgré cela le nombre étoit encore trop grand;
il faudrait auffitôt après le frai, mettre avec les carpes un petit poiffon
vorace pour détruire l’alvin fuperflu, ou une partie des herbes où font
dépofés les oeufs; ou enfin au lieu de poiffon, n’employer que des herbages
chargés, d’oeufs.
Dans
développent plus vite, enflent le ventre, & for- " frotter, & fe délivrer par-là d’un fentiment défacent
le poiffon à chercher plutôt qu’à l’ordinaire gréable.
les endroits couverts d’herbages frais, pour s’y y ) Naya. Linn,
D li l A Ig îk ’lS P "È. 81
Dans les grands lacs, on pêche ce poiffon avec la feine; dans les
étangs, on le prend avec des colerets, des louves & des naffes dans
lefquelles on met un appât. En général, la carpe ne fe laiffe pas prendre
aifément; car dès qu’elle apperçoit le filet, elle enfonce fa tête dans la
bourbe, & le laiffe paffer par-deffus fon corps. Si le-fond eft dur, elle fait
avec fa queue un certain mouvement, qui la fait fauter de quatre à cinq
pieds par-deffus le filèt. Voilà pourquoi dans les petitsdacs on fe fert
pour les pêcher de deux trahies, dont les ouvertures font tellement
placées, que lorfque la carpe faute de l’une, elle retombe dans l’autre.
On les prend auffi à l’hameçon quand on les attire avec des pois cuits,
ou quelqu autre nourriture, qu’on jette à l’endroit où on leur donne à
manger , ou qu’on attache un ver à un hameçon.
La différence qu’il y a entre la conformation des parties internes de
ce poiffon & celle des autres du même genre, c’efl qu’il a à chaque
mâchoire cinq dents larges, qui forment au milieu un angle ohms. Le
canal des inteltins a cinq finuofités ; l’épine du dos trente-fept vertèbres, &
' on trouve feize côtes de chaque côté. La véficule du fiel eft groffe, & le
fiel eft d’un verd foncé, très-amer, & fournit au peintre une couleur verte.
Comme elle a la chair molle & graffe, on ne fauroit la recommander
aux malades. S’il arrive qu’on crève la véficule du fiel en vidant la carpe,
on peut faire paffer l’amertume avec du fort vinaigre. Le tems où les
carpes font les meilleures ; c’eft depuis l’automne jufqu’au printems.
Ce poiffon fe nomme :
Karpfe ou Karpfen, dans quel- Karper, en Hollande,
ques provinces d’Allemagne. Carpe, en France.
Karpe, dans d’autres. Carpa, en Italie.
Strich ou Karpfenbrut, lorfqu’il Carpena, dans les environs de
n’a qu’un an. " Padoue.
Saamen ou Sat{, dans fa fécondé Rayna, à Venife.
& troifième année. Poruty & Poidka, en Hongrie,
Karp, en Suède & en Angleterre.
Il y a des hermaphrodites parmi les carpes; & je pourrais en convaincre
par leurs propres yeux ceux qui en douteraient; car je garde dans ma
colleétion les entrailles d’une carpe de cette nature. L’ovaire, qui, dans
ce poiffon, confifte toujours en deux facs, eft auffi double dans celle-ci,
avec la différence, qu’un des facs eft interrompu au milieu par la laite
qui y eft contenue; de manière qu’elle eft bordée également par en haut
& par en bas par les oeufs, qui font verdâtres. La laite, au contraire, eft
fimple; elle a cependant à l’extrémité inférieure une petite pièce, & eft
une fois plus épaiffe qu’elle ne l’eft ordinairement Le refte des inteftins
conferve fa fituation & fa forme ordinaire. La carpe d’où l’on a thé ces
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