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En général, j’ai remarqué que de nos jours la partie de
fhiftoire naturelle, qui traite des poilïons, a reilé en arrière,
pendant que toutes les autres ont fait des progrès rapides.
Dans notre fiècle ou les livres & les auteurs fë font
multipliés iï prodigieufement, dans notre patrie oti l’on voit
paroître tous les ans cinq mille ouvrages dïfférens, à peine
apperçoit-on, en cinq ans; c’eft-à-dire au milieu de vingt-
cinq mille titres, un ièul ouvrage qui nous; promette quelque
choie for Fhiftoire naturelle des poiflons.
Il eft étonnant, fins doute, que cette partie eflèntielle de
l’hiitoire naturelle ait été négligée à ce point. Des Sociétés
entières s’occupent uniquement de l’hiiloire naturelle & de
l’éducation des abeilles. Les poiflons, qui font une grande
partie de nos alimens, & qui furent de tout tems une
branche confidérable de commerce, ne méritent-ils pas
autant nôtre attention ? - - ■
En confidérant le défordre qui règne encore dans cette
partie de Fhiftoire naturelle, la négligence avec laquelle on
l’a traitée, & l’utilité dont elle eft réellement, je formai le
projet de m’y appliquer autant que mes autres affaires' me
le permettroient. Pour cet effet, je paflài une partie des Etés
dans un village de pêcheur, ou je fis plufieurs obfërvations
utiles fur les poiflons.
Afin d’acquérir aufli des connoiflànces fur les autres
poiflons de notre pays, je cherchai à me procurer des
correfpondances dans toutes les provinces; j’en vins à bout,
& je fus bientôt en état d’écrire YHiftoire naturelle économique
des PoiJJons, flir-tout de ceux qu’on trouve dans
l’Allemagne. C’eft au public éclairé à juger fi mes efforts
méritent quelque fiiccès.
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J’ai fait faire les deflïns d’après nature, & la plupart
d’après des poiflons qui avoient pris leur entier accroiflèment;
parce que les jeunes font plus étroits que les vieux, & par
confëquent peu propres à donner une idée de l’efpèce. Comme
je poisède, outre cela, un manuforit avec d’excellens deflins
enluminés du père Plumier, qui repréfèntent un grand nombre
de poiflons américains, je les inférerai dans chaque genre,
afin de rendre ma collection plus complette.
J’invite les iàvans étrangers de m’aider de leurs avis ÔC
de leurs deflins, & je recevrai avec reconnoiflànce tout ce qui
pourra fervir à completter ou à perfectionner mon ouvrage.
Comme les poiflons ont fouvent beaucoup dé refîèm-
blance lès uns avec les autres, & qu’ils font par confëquent
très-difficiles à diftinguer, j’ai montré à l’artifte à porter un
regard attentif fur les plus petits détails. Ainfi il a eu foin
d’obferver exactement :
l°. La véritable proportion des parties.
â°. La véritable pofition des nageoires au corps, ainfi
que leur figure. Il a toujours indiqué, fëir-tout, fi celle de
la queue finit en croiflànt ou en fourche.
3°. Le nombre exaét des rayons, des membranes, des
ouïes & des nageoires. Cette attention étoit d’autant plus
néceflàire que les premiers fervent à diftinguer les genres,.
& les féconds, les efpèces. Les différentes deferiptions des
auteurs, à ce fujet, fembleroient indiquer que le nombre des
rayons eft différent dans les poiflons de la même efpèce ;
mais j’ai remarqué que cette prétendue différence vient
plutôt de la manière de compter les rayons, que des rayons
mêmes ; en ce que l’un compte aufli les petits rayons, &
l’autre ne les compte pas. Prenons, par exemple, un poiflon