points noirs; les côtés font gris, garnis de taches jaunes, quelquefois fi
nombreufes, qu’elles fe perdent les unes dans les autres, & forment des
raies. Cependant'la couleur change félon la nature des eaux que le poiffo|?i ::
habite, & l’abondance ou la difette de nourriture. On remarque fur-tout
que dans le.tems du frai, le gris fe change en un beau verd; les taches
d’un jaune pâle, en jaune d’or, & que les ouïes deviennent dun rouge
vermeil. On trouve quelquèfois des brochets dont le fond eft d’un jaune
d’orange, fur lequel il y a des taches noires. Les pêcheurs hollandois
lui donnent le nom de roi des brochets a). La première année, il eft
généralement vert; la fécondé, le verd fe change en gris, & l’on voit
paroître des taches pâles, qui deviennent jaunes l’année fuivante. La ligne
latérale eft droite, & le corps couvert de petites écailles oblongues & dures,
■ dont Rickcer b) fixe le nombre à 17,000. Les nageoires de la poitrine
& du ventre font rougeâtres ; celles du dos, de l’anus & de la queue
brunes & parfemées de taches noires. Elles ont toutes des rayons à
plufieurs branches.
On trouve ce poilfon dans prefque toutes les contrées de l’Europe ;
excepté enEfpagne & en Portugal, félon Amatus c). Il habite les fleuves,
les rivières, les lacs & prefque toutes les autres eaux dormantes. Le
brochet nage avec rapidité, eft très-vorace, & fait un grand tort à là
pêche. Il n’épargne pas même fon efpêce. Non feulement il prend les
petits poiflbns ; mais il fait aufli s’emparer de ceux qui font prefqu’aufli
gros que lui, en les prenant par la tête, & en les tenant ferrés entré les
dents jufqu’à ce que la partie antérieure foit amollie dans fon large gofier &
préparée à la digeftion; puis il retire petit à petit le refte jufqu’à la queue.
Quand il attrape une perche, il ne l’avale pas tout d’un coup, de peur
de fe blefler avec les pointes de la nageoire du dos; mais il la tient entre
fes dents jufqu’à Ce qu’elle foit morte. C’eft par la même raifon quil voit
tranquillement l’épinoche, qui eft un petit poilfon, jouer autour de lui. H
n’y a que le jeune brochet fans expérience, qui • la morde quelquefois,
lorfque la faim le preffe; mais il lui en coûte la vie, parce que l’épinoche
avec fa pointe perce fon gofier d’outre en outre. Il n’y a pas longtems
que je reçus un brochet qui avoit dans la bouche une épinoche, dont
la pointe de la nageoire dorfale lui fortoit par les narines. Le brochet ne
fe contente pas des poiffons, il avale aufli les autres habitans des eaux,
tels que les oifeaux, les rats, les ferpens, &c. On a aufli trouvé dans fa
gueule des parties de corps humain, des jeunes chiens ou chats qu’on
avoit jettés dans l’eau. Une chofe remarquable; c’eft que malgré fa
voracité, il diftingue très-bien les chofes vénéneufes. On a vu un brochet,
qui
a) Koning der Snoekken. Gron. Zooph. n. 361.
b) Ichthyol, p. 746.
c) Gcfner. Aquat. p. joa.
D u B.-Mi o l H E Ti' xgg
qui étoit dans une huche, à qui on jettoit des grenouilles & enfuite des
crapauds, gober avec avidité les premières, & rendre les derniers après
les avoir avalés c). !
Le brochet eft de tous les poiflbns que je connois celui qui croît le
plus promptement. La première année; il parvient à la longueur de huit
à dix pouces; la fécondé, à celle de douze à quatorze, & la troifième,
de dix-huit à vingt. Selon les obfervations de Hederftroms, un brochet
defix ans doit avoir une aune & demie de long; un de douze ans, deux
aunes d); il parvient jufqu’à la longueur de fix à huit pieds e). On en
trouve même dans nos contrées, qui reftent morts ou malades fur les
bords du lac Arend / ) , qui font aufli grands que des hommes. Comme
ce lac eft plein de monticules & dé collines, qui empêchent qu’on ne
puilfe le pêcher jufqu’au fond, les gros brochets fe cachent dans les fofles;
& s’il arrive par hafard qu’ils en prennent un dans leurs filets, il les
déchire, & s’échappe. Willughby g) parle d’un brochet qui pefoit trente-
deux livres, & d’un autre de quarante-trois, qui fut péché en 1752 à
Mortzbourg près de Dresde h). Mr. le doéteur Brand en a vu lui-même
un de fept pieds, qui avoit été pris dans fa terre deZefen, près de Berlin;
& dans le cabinet d’hiftoire naturelle de feu Mr. le confeiller Eltejler,
j’ai vu.le fquelette d’une tête de brochet, dont les mâchoires avoient dix
pouces de largeur. Scheffer raconte qu’il y a en Laponie des brochets
plus grands que des hommes z). Mais les plus grands fe trouvent en
Rufiie E) dans le Wolga I).
Ce poilfon parvient aufli à un âge très-avancé. Rjaajnsky tri) parle
d’un brochet qui avoit quatre-vingt-dix ans; & celui dont nous allons
parler en avoit au moins deux cents foixante-neuf.
Pline met le brochet au nombre des poiflbns qui parviennent au poids
de près de mille livres ri). En 1497, on en prit un à Kayferslautern dans
le Palatinat, qui avoit dix-neuf pieds de long, & qui pefoit trois cents
cinquante livres. On la peint dans un tableau, que l’on conferve au
château de Lautern, & l’on voit fon fquelette à Manheim. L’empereur
Barberofle, qui le fit mettre en 1230 dans cet étang, lui fit mettre un
anneau de cuivre doré, qui pouvoit s’élargir par reflbrt. B fut péché deux
c) Willughby. Ichth. p. a 35. de quoi remplir vingt-cinq tonnes de poiílbn ialé.
d) Schwed. Abhandl. Tom. XXI. p. a i j . Mais comme il eft dit qu’on l’a pris" fur les côtes
e) Klein. Miíf Pife. V. p. 74. de Dondan en Courlande , il eft incontëftable
/ ) Beckmann. Churm. Tom. I. p. 1077. que c’e'toit un poiflon de mer & non un brochet;
g ) Au lieu cité. car ce poiiïbn ne vit que dans l’eau douce. D’ail- ,
h) Kichter. p. 759. leurs, il eft bien poflible, comme il eft dit dans -
t ) Laponia. p. 354. le même ouvrage, qu’on trouve des brochets de
jfc) Müller. L. S. Tom. IV. p. 340.' deux cents livres.
Z) Dans l’ouvrage intitulé : Breslauer Samm- m) Hift. nat. Polon. p. 13a.
lung àe l’an 1725, p. 175, il eft parlé d’un bro- n) H. N. lib. 9. cap. 15.
chet qui avoit huit braflès de long, & qui a fourni
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