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& longue, qui n’eft pas ordinaire chez les poiffons à écailles, lui à fait
donner par les anciens le nom d’aiguille. Les , côtés font verds par en
haut, tirant fur le bleu: jufqu’à la moitié, ils font couverts de longues
écailles tendres; au-deifous, ils font unis, aufli bien que le ventre, &
brillent d’une belle couleur argentine. Le mélange agréable des couleurs
de ce poiifon, & les mouvemens variés qu’il fait en ferpentant, lui donnent
un coup-d’oeil très-agréable. Le bout de la queue ell mince; il redevient
large vers les nageoires; de forte qu’elle forme un trapèze. La ligne
latérale, qui eft près du ventre, a une direétion tout-à-fait différente de
celle des autres poiffons que nous avons décrit jufqu’à préfent. Elle ne
commence pas comme les autres près de la nuque, & ne finit pas non
plus au milieu de la nageoire de la queue : elle fort de delfous les opercules
des ouïes, va parallèlement près du ventre, & fe perd près de la nageoire
de la queue. Les nageoires font courtes à proportion de la longueur du
corps. Celles de la poitrine & du ventre font grifes, & ont des rayons
ramifiés en plulieurs branches; celles de l’anus & du dos font bleuâtres,
& les rayons fimples. La nageoire de la queue a une petite échancrure,
une bordure bleue, & des rayons ramifiés aux extrémités.
On trouve ce poiifon dans prefque toutes les grandes mers : de forte
que les Grecs & les Romains l’ont aufli connu. D féjourne dans les
profondeurs de la mer, d’où il fort en troupe depuis Mars jufqu’en Juin,
pour chercher les endroits unis & les côtes, afin d’y multiplier. Ils
annoncent ordinairement l’arrivée des maqueraux, avec lefquels leur chair
a le plus de rapport
On voit par les dents dont les mâchoires de ce poiifon font armées,
qu’il appartient à la claffe des poiffons voraces. Lui-même devient fouvent
la proie des chiens de mer, des cabliaux, des dorfes & des autres elpèces
voraces qui habitent les mers. L’orphie a ordinairement un pied ou un
pied & demi de long, & pèfe alors deux a trois livres. Le célèbre chevalier
Hamibon m’a raconté que près de Naples, on avoit pris un poiifon de
cette efpèce qui pefoit quatorze livres ; & qu’on l’avoit porté au Roi
comme une rareté. Selon Mr. Renard, on en trouve en Orient qui ont huit
pieds de long, & dont la morfure eft mortelle a). On les prend avec une
efpèce particulière de pique, qui confifte en un manche de bois, armé
d’un fer à plulieurs pointes fourchues : chaque inftrument de cette elpèce
a au moins vingt pointes longues de fix pouces. On pêche ce poiifon la
nuit, de la manière fuivante : Ordinairement quatre pêcheurs fe placent
dans un bateau. L’un d’eux, qui eft fur le devant, porte un flambeau
compofé de paille & de bois, afin d’attirer les poiffons par l’éclat de la
lumière. Les autres épient avec leurs piques l’inftant où ils apperçoivent
ces poiffons ; & quand ils les croient affez près, ils tombent fur eux, &
a') Hiftoire des Poiiîons. Tom, IL Pl. 14.
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en percent ordinairement plufieurs à la fois. De cette manière, quand la
pêche eft heureufe, on en prend douze à quinze cents dans une feule
nuit. Il faut pourtant pour cela que la nuit foit obfcure & l’eau calme,
afin que les poiffons ne voient point les hommes, & n’entendent point le
mouvement du batéaq.
La pêche de ce poiifon eft fort confidérable dans certains pays : mais?
comme il n’eft pas fort eftimé, à caufe que là chair eft maigre & dure,
on en fait de l’appât pour attrapper les autres poiffons. Monfieur le
profelfeur Camper m’a affuré qu’en Hollande, on en prenoit en quantité,
& qu’on ne s’en fervoit que pour prendre le dorlè.wne qualité remarquable
de cepoiffon, c’eft qu’en le cuifant, ou en le fumant, fes arrêtes prennent
une belle couleur verte. Mais d’un autre côté, cet effet particulier empêche
plufieurs perfonnes d’en manger.
La cavité du ventre eft longue ; le canal inteftinal court & fans
finuofités: il commence à lefophage par une large ouverture; & fe rétrécit
peu à peu, fans qu’on apperçoive une interruption particulière qui indique
la fin de l’eftomac. Les autres inteftins font comme dans le précédent
On compte quatre-vingt huit vertèbres à l’épine du dos, & cinquante-une
côtes de chaque côté.
Ce poiifon fe nomme :
Hornhecht, Nadelhecht, en Aile- Cierne-Fur, en Islande,
magne. Orphie, aiguille de mer, en France.
Schneffel, dans les environs de Éguillette, en Bretagne.
Danzig. Nagojo ou Aguiüo, à Marfeille.
Horn-fi.sk, en Dannemarc. Acuchia & Anguficula, en Italie.
Horn-Give, Nehhe-Sild, Horn- Charman & Choram, en Arabie. •
Igel, en Norwège. Timucu, P eifcc-Agutha, au Brélil.
Geep- JVifch, en Hollande. Gar-Fijh, à la Jamaïque.
Naedlfifh, Garfifh , Hornfifh, Ikan Tfijaka/ang Hidjoe, Grône
Sea-Needel& Garpike, en Angleterre. TJjakalang ofi Geep^ en Orient.
Pennant fe trompe lorfqu’il cite pour notre poiifon l’aiguille de mer de
Wulff a), qui appartient à la claffe des poiffons cartilagineux.
Bomare fe trompe aufli lorfqu’il dit que ce poiifon n’a qu'une feule
vertèbre qui devienne verte F). Non feulement toute l’épine du dos, mais
aufli les côtes & les arrêtes prennent cette couleur iorfqu’on les cuit
ou qu’on les fume. J’ai repréfenté dans la planche un morceau cuit de
l’épine du dos.
Gronov a tort de citer la fphyrène d’Aldrovand pour notre poiifon c).
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