le nom de barbeau. Les narines font tout près des yeux. Ces derniers ont la
prunelle noire, & l’iris d’un brun clair. Les écailles qui couvrent le corps,
font rayées & dentelées, d’une moyenne grandeur, attachées fortement
à la peau, & font, félon Richter n), au nombre de plus de 5000. Le dos
eft rond & olivâtre. Au deffus de la ligne les côtés font bleuâtres, & au
delfous ils font d’une couleur blanchâtre, tirant fur le verd. Le ventre &
l'a gorge font blancs; & la ligne latérale, qui eft garnie de points hoirs,
a une direétion droite.. Les nageoires de la poitrine', du ventre, de l’anus
& de la queue font rougeâtres. Au delfous de celles du ventre, on voit
un appendice ventrale. La nageoire de la queue eft fourchue & bordée
de noir; celle du dos eft bleuâtre.
Le barbeau fe plaît dans les -courans rapides fur un fond de cailloux.
Il fe tient ordinairement caché fous les bords efcarpés & entre les greffes
pierres. Il vit de chélidoine, de limaçons, de vers & de petits poiffons.
Quand je portai à mon peintre un gros barbeau .pour modèle, il remarqua
mie queue de poiffon dans la bouche, & l’ayant tirée, il trouva une perche
toute entière & toute en vie. Il aime auffi beaucoup la' chair humaine;
car en 1683, après le fiège de;Vienne, comme on avoit jetté pêle-mêle
dans le Danube les Turcs & les animaux, on en trouva une quantité
autour des cadavres humains, où on en prit la plus; grande partie 0). Avec
une nourriture, f i variée, il n’elt pas étonnant , que le barbeau croiffe. fort
vite. On en prend dans l’Oder qui ont deux à trois pieds de long, & qui
pèfent fix à huit livres. Ceux du Vëfer en pèfent douze à quinze. On en
trouve en Angleterre qui pèfent jufqu’à dix-huit livrés p)J|jove affure que
ce poiffon vit très-longtems y). On le pêche dans" l’Oder, la Saale, l’Elbe,
le Rhin & le Véfer. Dans ce dernier fleuve, lé lin qu’on met dans l’eau- le
rend fi gras, qu il ne le cede en lien au laumon pour le bon goût. Comme
ce poiffon fuit le lin, les pêcheurs profitent de cette occafion pour le
prendre en grande quantité.
■ Le barbeau ne peut produne que vers Ta quatrième ou la cinquième
année.: Le tems du frai eft en Mai; & en Juin quand le printems eft froid.
Alors il remonte les fleuves, & dépofe fes oeufs fur les pierres du fond,
dans les endroits ou le courant eft le plus rapide. On le prend pendant
toute l’année avec des filets, des pochés', ou à la ligne, en formant un
appât avec.du fromage, du jaune d’oeüf & un peu de camphre, & en
mettant le tout dans un petit morceau dé toile. On prend auffi pour cela
des fang-fues. Afin d’avoir toujours des fang-fues prêtes, on en amaffe
une quantité; on les fèche, & on les fait enfuite revenir quand on en veut
faire
n) IcHtyol. p. 813. ÿ j Voici ce qu’il en dit :,
o) Marjigli. Danubius. Tom. IV. p. IO. taxos- exerces Barbe natatus
p ) Bcmujnt. B. Z. HI. p. 358. Tu melior * * “ * «ondgit uni
Spirantum ex numéro non inlaudata feneéhis.
faire ufage. Enfin, on le prend auffi,avec la ligne de fond, en attachant
à l’hameçon un ver de terre ou un petit poiffon. Tant qu’il eft jeune, il a
pour ennemis tous les poiffons voraces, & fur-tout la loche.
Le barbeau a la vie dure, la chair blanche, & de bon goût; & par
conféquent, quand il n’eft pas trop gras , il offre une nourriture affez
faine aux perfonnes délicates. C’eft au mois de Mai qu’il eft le plus gras.
Ce poiffon a à chaque mâchoire (fix dents recourbées vers le bout,
& placées en deux rangées. Le canal inteftinal eft comme dans la carpe.
J’y ai découvert des échines blanches & jaunes, & une nouvelle eipèce
de vers folitaires d). Le fiel eft jaune. Dans un poiffon de trois livres &
demie, péché au mois d’Avril; c’eft-à-dire peu de tems avant le frai,
l’ovaire ne pefoit pas plus de trois quarts d’once, & contenoit 8025 oeufs
de la groffeur & de la couleur des'grains de millet II avoit quarante-fix
vertèbres à l’épine du dos, & feize côtes de chaque côté.
On donne différens noms à ce poiffon dans les différentes provinces
d’Allemagne. On le nomme :
Barb, Barbel, Barbele', Barbie, Barbeau, en France.
Barbel, Barme, Steinbarben, Roth- Sfafana & ÜJsatch, en Ruflie.
ÏÏârtï\ Bdrbîê1 &t>Barff§, en®Italmr
Bann, Berm & Barbeel, en Hol- Barbio & Barvo, en Elpagne.
lande. ■- Meretme, en Hongrie. ;
Barbell, en Angleterre.
. Les anciens auteurs prétendent que les oeufs de ce poiffon font
vénimeux, & qu’il arrive des accidens fâcheux à ceux qui en mangent ¿).
Mais c’eft un préjugé qui vient fans doute de ce qu’ils prétendoient que
les femelles ont un écoulement menftrael à chaque nouvelle lune. Comme
ils étaient perfuadés que ces fortes d’écoulemens étaient, en général, un
poifon que la nature rejettoit, ils croyoient que les oeufs devoient 'auffi
en être un.
Cette affertion eftfoutenue par plufieurs auteurs modernes c); mais
elle eft combattue par l’expérience d). Je pourrais moi-même en fournir
une preuve. J’ai mangé des oeufs de ce poiffon avec toute ma famille,
& perfonne n’en a jamais été incommodé.
Klein parle aufli d’un roi des barbeaux comme d’une eipèce particulière
e), qui fe diftingue des autres par fes longues nageoires. Mais
comme il l’avoue lui-même, il n’en a vu qu’un feul dans le cabinet dé
a) Voyez ma Diflertation fur les vers des in- Elench. p. 391.11.11. Ziickert. Mat. aliment, p. 165.
teftins. p. 17 & 34. tab. 6. fig. 9— 13. Statius Müller. L. S. 14 Th. p. 330.
¿) lonfi. de Pifc. p. 131. Bonet. Med. fept. d) Richter. Icht. p. 314. Salv. Aquat. p, %6.b
P. I. p. 60. Mifc. Nat. cur. dec. II. A. I. obf. a j. Neuer Schauplatz der Natur. Tom. I. p. 533.
c) Bomare. Diûion. Tom. II. p. 558. Kramcr. e) Myftus, n. 2. M. P. V. p. 64. n. 14.