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dernièrement un économe trêsréelair'é, H fit un étang à carpes, dans un
elpâce de fept arpens, qu’il pourvut d’une bonne nourriture, & y mit
trois femelles & quatre mâles. Il eut de-là cent dix mille carpillons :
quantité trop confidérable, & qui les empêcha de groflir. On peut tirer
encore une autre preuve de la prodigieufe multiplication des poiifons, de
la quantité plus confidérable de mâles que de femelles, i) ,' La polyandrie
elifort favorable à la population des poiifons, comme je l’ai déjà prouvé t).
Les endroits où ils frayent y contribuent aufli beaucoup : car comme cela
fe fait ordinairement au fond, & à quelque diftance du rivage, ils font
bien moins en-danger d’être battus & dilperfés par les tempêtes & les
inondations. J’ajouterai encore une chofe.
Les lois fages que les Provinces-Unies ont faites pour conferver
la réputation de leurs harengs, ne contribue pas peu à faciliter leur
multiplication. Tout matelot & tout pêcheur eft obligé avant que de partir
pour' la pêche , de s’engager par ferment, dé ne pas tendre fes filets
avant le 2 5 de Juin; & à leur retour, il-faut qu’ils affinent , encore par
ferment qu’ils ont été fidèles à cette promefféi rIl eft vrai que le but de
ces précautions tend particulièrement à fe procurer la meilleure forte
de harengs; & non feulement ils y parviennent, mais auffi ils favorifent
par-là la multiplication de ces animaux, en empêchant qu’on ne les
interrompe penda nt le printems dans leurs amours. Une autre loi défend de
pêcher plus longtems'que jufqu’au vingt-cinquième de Janvier; & n’eft pas
moins favorable à leur multiplication : par-là on laiffe auffi en repos ceux
qui frayent plus tard. Ces chofes font auffi, que depuis quelques üèclés la
pêche des harengs eft toujours plus heureufe chez les Hollandois que chez
les autres nations; parce que les poiifons aiment à revenir dans les lieux
où ils ont frayé fans être interrompus, & dans ceux où ils font nés u).
Autrefois cette pêche étoit beaucoup plus confidérable en Norwêge qu’elle
ne l’eft à préfent. Elle a auffi beaucop baillé en Suède; & en Pruffe, où
elle étoit autrefois confidérable v ), elle eft prefqué tout-à-fait tombée.
Cependant l’interruption de la pêche n’eft pas la feule caufe qui fait qu’un
poiffon ne paroît plus fur une côte : il en échappe toujours afféz des filets
pour conferver l’efpèce, pourvu cependant que les pêcheurs pouffés par
l’avidité, ne faffent pas des mailles trop petites, & qu’ils ne pèchent pas
en même tems l’alevin avec les gros, comme font les pêcheurs fuédois x).
Cette méthode caufe le plus grand dommage; & c’eft peut-être auffi de
la même manière que la pêche eft tombée en Pruffe. La loi qui ordonne
en Hollande; que les mailles des filets foient toujours de la même grandeur,
eft très-utile. De cette manière, non feulement, ils prennent toujours de
j ) Schied. Abhandl. Tom. X.p. 114. v) Hartknochs, Alt und Neupreufsen. p. aotf.
t) De la manière de faire éclorre les oeufs. x') Sckwed. Abhandl. Tom. X.. p. 130,.
u") P. Kalms. Reife n.Nordamerika. T.II. p. 43 2.
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gros haréngs, mais ils s’aflurent auffi ce poiffon pour l’àvènir, parce que
les petits paffent par les filets, & peuvent enfuitë produire. Enfin, nous
favons auffi par expérience, que l’eau, la nature du fond, & d’autres
circonftances contribuent auffi beaucoup à rendre les poiffons plus gros,
plus gras, & de meilleur goût dans un' pays que dans d’autres. Les
faumons & les truites faumonnées que l’on prend dans la Baltique font
bien inférieurs à ceux que l’on pêche dans la mer du Nord. li me femble
que c’eft par la même raifon que les harengs de la Baltique font beaucoup
plus petits & plus mauvais que ceux de la mer du Nord.
Le hareng, qui eft fi fouvent expofé à la voracité des autres animaux,
appartient lui-même à.la claffe des poiffons voraces. Il vit fur-tout de
petits crabes : Neucrant^ en a trouvé plufieurs dans fon eftomac qui
étaient à demi digérés ; Loewenhoek a auffi trouvé des oeufs de poiffon
dans l’éfophage. Il aime auffi les vers ; & les pêcheurs de Norwêge. ont
fouvent trouvé fes boyaux remplis d’une efpèce dé ver rouge,; ■ qu’ils
appellent Roe-aat y). On croit communément lorfque le poiffon eft plein de
ces animaux, qu’il a une maladie; mais c’eft que ces vers étant beaucoup
plus fujets à fe corrompre, gâtent le hareng avant qu’il /bit falé. Dès
qu’on remarque ces animaux dans les harengs qu’on vient de pêcher, on
les laiffe encore pendant quelque tems dans l’eau, afin qu’ils les digèrent
entièrement, & qu’ils fe confervent énfuite quand ils font falés:
Nous avons vu que le hareng fraie dans différens tems; & on a fait à
;cet égard lès obfervations fuivantes : Quelques jours avant qu’ils paroiffent
,en troupes, on voit quelques mâles dilperfés; & outré cela, on voit dans
la troupe même plus de mâles que de femelles. Quand ce poiffon eft finie
point de frayer, il fe frotte le ventre contre les pierres, fe met tantôt
fur un côté, tantôt fur l’autre, afpire vivement l’eau avec fa .gueule
ouverte, la rejette auffitôt, & fait des mouvemens rapides avec fes
nageoires. Or commé il paroît ordinairement en grandes troupes;, l’eau
devient trouble de la grande quantité de femenCe humide qu’ils répandent
Dans ce tèms, ces poiffons donnent au loin, autour d’eux, une odeur
défagréable ; ils perdent auffi en fe frottant, une partie de leurs écailles,
qùe l’on voit alors flotter fur l’eau. Ce font ces lignes qui indiquent aux
pêcheurs les endroits où ils doivent jetter leurs filets ç).
Le ftromling ou le hareng du printems de la Baltique fraie quand la
glace commence à fondré; & cela continue jufqu’à la fin du mois de Juin.
Enfuite vient, la plus grande efpèce ou le hareng d’Eté; & enfin le hareng
d’automne, qui fraie depuis la St. Barthélemi jufqu’au milieu du mois de
Septembre. Toutes ces elpèces ne fraient pas tout d’un coup, mais peu
à peu. Pour cet effet, elles paroiffent en troupes; & après avoir frayé
y ) Selon-Mr. Fabriciüs,. ce font de petits écrévilTes. Voyez Pontopp. p. 94 & 130.
{) Schwed. Abhandl. Tom. X. p. 114.