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moyen du fel de mer. Vers la fin du treizième fiècle, le hàzard offrit à
Guillaume Beuckel, bon Brabançon a ), ce fecret qui fait vivre tant de
gens, comme il avoit offert à Schwartç la poudre à canon, qui en fait
périr un fi grand nombre. Lé deffein de Beuckel étoit fans doute de
garder ce poiffon pendant quelque tems; ce qui le conduifit à trouver la
manière de les encaquer avec du fel de mer. A force de foins & de
réflexions, on eft parvenu à perfeétionner fa méthode & à la porter à la
perfection où elle eft aujourd’hui. Ce bienfaiteur du genre humain, méritait
bien l’attention de l’empereur Charles H, qui cent cinquante ans après fa
mort, célébra cette invention, en mangeant un hareng fur fon tombeau.
Cette invention eft d’autant plus importante, que c’eft en lui-même un
poiffon mou & gras, que l’on prend. fur - tout dans les plus grandes
chaleurs de l’Été, & qu’il fe gâterait bientôt fans cette précaution.
Nous trouvons ce poiffon dans l’océan feptentrional, & dans la mer
du Nord & la Baltique, qui y communiquent, auffi bien que dans l’océan
Atlantique, où il habité les fonds, dont il fort partie dans le printems,
partie énÉté, ou en automne, pour venir trouver les endroits rudes &
efcarpés des bords dans les embouchures des fleuves, afin d’y frayer ou
d’y chercher fa nourriture.
C’eft une opinion affez générale, que pendant l'hiver les harengs fe
retirent dans la mer Glaciale , & que de-là ils entreprennent , dé grands
voyages dans les parties méridionales de l’Europe & en Amérique. Voici
ce qu’en difènt Dott, Anderfin b'), Duhamel c) & Bomare d'y. Les
harengs effrayés de la quantité d’ennemis qui les pourfùivent, fe retirent
dans la mer Glaciale-, où ces ennemis ne peuvent vivre fous, la glace,
parce que l’air leur manque. Mais comme ces poiffons & multiplient
prodigieufement dans. cette mer, ils font obligés, faute de nourriture,
d’envoyer des colonies au commencement de chaque année. Ces colonies
fortant de deffous la glace ^/s’étendent dans une largeur de quelques
centaines de milles mais comme ils trouvent dans leurs routes , une grande
quantité d’ennemis qui les attaquent, ils font dilperfés, & fe féparent en
deux ailes : la droite tire vers l’occident, & la gauche vers l’orient. Le?
premiers fe preffent les uns fur les autres, & cherchent un afyle vers les
côtes d’Irlande, où ils arrivent au mois de Mars; puis ils tournent du
côté de l’occident, & arrivent au banc de Terre-Neuve. On ne fait pas
précifément où ils vont enfuite. Les autres au contraire, prennent leur
route vers le Sud, & fe divifeflt en deux colonnes, dont l’une defcend
le long des côtes de Norwège dans la Baltique par le Sund & le Belt;
a ) D'autres prétendent que ce iècret fut trouvé eurent pendant longtems une grande réputation,
par un pêcheur Écoilbis, qui ayant quitté fa patrie . ¿.) Nachricht von Isl. p. 58. 78.
par dépit > avoit appris aux Flamands le fecret ■ c) Tr. des Pêches. Tom. II. p. 34a.
d’encaquer les harengs. Les harengs de la Flandre d) Dictionnaire à l’article hareng.
D v. H a r e ’ n g . 1 5 1
mais l’autre paffe à: l’occident, vers les îles Orcades & Hitland. Là, cette
dernière colonne fe partage de nouveau:-une partie: tourne vers l’Irlande
& l’Écoffe ; puis tournant autour de l’Irlande, entre dans la mer d’Elpagne,
& paffe par le canal pour-aller gagner les côtes des Pays-bas. L’autre
partie fuit les côtes orientales de l’Écoffe & dé l’Angleterre, & paffe dans
la mer du Nord, où les deux colonnes fe réuniffent. Ces grandes troupes
de harengs en envoient de: tous côtés: de plus petites, c’eft-à-dire fur les
côtes de la France, du Brabant, de la Flandre, delà Hollande, de la
Frife; de la Seeland, vers les côtes de Ifolftein, Brème,: Lübeck,
Poméranie, Suède, Dannemare & Livonie. Enfin après s’être offert aux
hommes de toutes ces .contrées, ils fe réuniffent dans la mer du Nord,
& difparoiffent. Du moins n’en trouve-t-on plus aucune trace fur les côtes
d’Europe; & l’on croit qu’ils retournent dans leur patrie.
Quoique ce récit foit ingénieux & tienne du merveilleux, & qu’il ait
été affez généralement reçu, je ne faurois pourtant m’empêcher'd’y
oppofer quelques. doutes, que. je laiffe à la décifion dés favans.
i°. Il n’eft pas vrai qu’un aile doive aller tous les ans vers l’Islande;
car Horrebow d), quia demeuré quelques années dans cette île, aflùre
qu’il fe paffe fouvent plufieurs années fans qu’on y découvre aucune trace
de hareng.: Selon Olaffin/ ) , Egedeg) & Otto Fabricius A),'ce poiffon fe
trouve rarement fur les côtes de. cette île; & cela eft très-vraifemblable;
car fi les harengs s’approchoient vers cette île; le Gouvernement danois,
qui eft fi- attentif à tirer parti de la pêche,.- ne manquerait pas de faire
faire aufli celle-là. ;
2°. Il n’eft pas poflible que dans un fi court eipace de tems; c’eft-à-dire
depuis le printems. jufqu’én automne, ils püiffent faire un trajet de
plufieurs milliers de milles; car il eft certain, comme je l’ai déjà dit
ailleurs z ) , que, dans l’eau douce, un poiffon ne peut guère faire plus
d’un quart de mille, ou tout au plus un demi-mille, dans l’elpace de
vingt-quatre heures. Le hareng en doit faire encore bien moins dans les
èaux falées, où il a à combattre.
30. On trouve des harengs pendant toute l’année : on commence, -
par exemple, à les pêcher en grande quantité dans la Poméranie fuédoife,
depuis Janvier jufqu’en Mars, & dans plufieurs endroits de la Baltique,
depuis Mars jufqu’en Novembre A) : c’eft ce qui arrive aufli pendant ce
dernier tems en Nonvège /). On les prend- anfli en grande quantité
aux environs de Gothland, depuis Octobre jufqu’en Décembre; & les
ftançois les prennent juqu’à la fin de l’année 222).. On les trouve aufli
O Nachricht von Isl. p. 213. . i ) Auprès du iàumon. & du lavaret.
f ) Reife nach Isl. Tom. I. p. 191. k) Schwed. Abhandl. Tom. X. p. 114.
g ) Befchreib.- von Grônl.-p.-116. Z ) Pontopp.-Nomr. p.‘ 278'.
A) Faun. Groenl. p. ig î ; . /n) Diiham; Tom. II.: p.'35a.