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ce poilfon des ovaires três-confidérables. Celui que j’ai examiné avôit, au
mois de Janvier, tems auquel les oeufs font encore petits,. un ovaire de
cinq onces, & le poilfon entier n’en pefoit que quinze. La feizième
partie des ovaires contenoit 3600 oeufs ; ainii l’on peut fans crainte de fe
tromper, faire monter le tout à 300,000. Quelle quantité prodigieufe pour
une feule année ! Mais fi nous confidérons que ce poilfon n’a pour féjour
que les petits Jacs & les marais, où il eft expofé à être dévoré non
feulement par les cigognes, les hérons, les oies, les-corneilles & les pies,
mais encore par les grenouilles qui l’entourent, nous verrons que cette
fage précaution de la nature' n’eft pas fuperflue.
La gibèle ne devient pas greffe, fur4 out lorfqu’il s’en trouve un grand
nombre enfemble; parce qu’elles fe dérobent mutuellement la nourriture.
Ainfi, fil’onveut en avoir de greffes,, il faut mettreavec elles quelques-uns
de leurs ennemis, afin qu’ils diminuent la progéniture, .& que les plus
âgées ' trouvent affez de nourriture pour groffir. Les gibèles ne pèfent
guère plus d’un quarteron ou d’une demi-livre. Cependant lorfqu’elles
trouvent abondamment de quoi manger, ou qu’on les nourrit comme le
caraffin, elles parviennent jufqu’à près d’une livre & demie. Mais il n’eft pas
bon de leur donner à manger; car s’il arrive qu’on ne leur en fourniffo
pas une quantité fuffifante, elles y perdent plus qu’elles n’y gagnent;
parce que par-là elles fe déshabituent de chercher leur nourriture.
Tant que les gibèles font petites, elles ont beaucoup de reifemblance
avec les jeunes carpes : ainfi en achetant de l’alevin de carpe pour le
mettre dans des étangs, il faut bien prendre garde de ne pas prendre des
gibèles pour des carpillons. Un grand défavantage qu’il y auroit; c’eft que
la plupart des gibèles ne deviennent pas aufli greffes que les carpes, &
que d’ailleurs elles multiplient beaucoup & affameraient les dernières.
On prend la gibèle au tramail, à la naife & au verveux ; mais elle ne
mord pas à l’hameçon. Comme elle a la vie dure, on peut facilement la
tranlporter dans de l’herbe ou des feuilles vertes. Elles ne meurent pas
non plus aifément dans les eaux dormantes & expofées au foleil; parce
que pendant la chaleur du jour, elles fe cachent dans la bourbe. Pendant
l’hiver, elles vivent fous la glace, pourvu qu’il y ait quelques pouces
d’eau. Elles réuffiffent dans toutes les eaux tranquilles, & ont par deifus
les autres poilfons, l’avantage de prendre difficilement un goût de bourbe.
On peut les mettre dans les mares, marais & dans toutes les eaux
bourbeufes ; ce qui eft un grand avantage pour les économiftes.
La chah- de ce poilfon eft tendre, a peu d’arrêtes, & n’eft pas mal
faine pour les malades.
La gibèle a huit petites dents pointues en deux rangées; le canal des
inteftins forme deux finuolités; l’épine du dos a vingt-fept vertèbres &
dix-fept côtes à chaque côté.
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Ce poilfon eft connu fous diffêrens noms. On le nomme:
Giebel, dans la Marche de Bran- Kleiner Küraß & Giblichen, en
debourg & en Poméranie. Siléfie.
Gieben^ en-Pruffe. • - . Steinkaraußh, en Saxe.v
On trouve la gibèle dans la Marche, en Poméranie, en Siléfie, en Pruffe
& dans plufieurs autres contrées de l’Allemagne. Les anciens ichtyologiftes
l’ont connue: Geftier a'), Schwenckfeld ¿ ) & Willügbhy c), en parlent
comme d’une elpèce particulière. D’après cela, il paraît très-étonnant
qu’Artédi, Linné, Gronov & Kramer n’en ayent point fait mention, &
que Klein d) & Leske e) ne l’ayent regardée que comme une variété du
caraffin. Comme elle diffère beaucoup de ce poilfon par les parties internes
& externes, j’ai cru devoir en faire une elpèce particulière. Voici les
caraétêres qui diftinguent ces deux poiffons :
i°. La gibèle eft allongée, & le caraffin eft non feulement beaucoup
plus large, mais encore le plus large de toutes les carpes.
2°. Le caraffin a la tête & les écailles beaucoup plus petites que la gibèle.
30. Dans la gibèle, la ligne latérale eft courbée & la nageoire de la queue
en forme de croiffant; dans le caraffin, elles font droites toutes deux, &
de plus, il a le dos beaucoup plus courbé que la gibèlÊ.>
4°. La gibèle a huit rayons à la nageoire de l’anus, & dix-neuf à celle
du dos; le caraffin, au contraire, en a dix à la première, & vingt-un à
la fécondé.
50. Le caraffin a une rangée fîmple de dents arrondies ; au lieu que la
gibèle eh a une double rangée de pointues.
6°. Le canal inteftinal du carallin a plus de finuolités, & l’épine du dos
un plus grand nombre, de vertèbres.
■1°. La gibèle a la vie plus dure, & pond une bien plus grande quantité
d’oeufs que le caraffin.
Si Wulff /") donne à la gibèle vingt-trois rayons à la nageoire de
l’anus, & neuf à celle du dos; c’eft probablement une faute du copifte ou
de l’imprimeur.
D’ailleurs, il ne faut pas confondre la gibèle avec la dobule, qüe les
Saxons nomment auffi Giebel.
Les économiftes prétendent que la carpe & la gibèle produifent une
efpèce bâtarde, à laquelle ils donnent le nom de gibèle-carpe.
a') Icon. Anim. p. 19g.
b) Theriotr. p. 414.
c) Ichtyol. p. 150.
d) Miff Pifc. V. p. 60.
e ) Spec. p. 79.
f ) Ichtyol. p. JO. n. 67.