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D’ailleurs, quoique le poiffon grofliffe àffez lentement, fon accroiffement
devient cependant vifible les huit premières heures. Dans ce court efpace,
fon corps acquiert tout d’un coup la groffeur marquée à la fig. 9. b. Mais
après cela il croît d’une manière fi peu remarquable , qu’au bout de trois
lemaines'il n’eft que de la grandeur marquée à la fig. 5. c. Le iièuvième
jour, outre les deux points noirs, on en remarque un troifième, qu’on
àpperçoit à l’aide du microfcope ; c’eft l’eftomac avec la nourriture' qu’il
contient, fig. 10. a. Le même jour, j’ai compté foixante battèmens.de pouls
dans une minute; au lieu que le coeur de l’embrion n’avoit que trente à
quarante articulations dans le même elpace. Les petits globes font rouges
tant qu’ils font dans le coeur ; mais dès qu’ils paffént dans d’autres
vaiffeaux, ils prennent une couleur blanche. Le fécond jour, ceux du
coeur deviennent plus rouges,- & ceux des vaiffeaux jaunes. Le troifième
jour, ils font entièrement d’un rouge clair. Dans les veines, ils prennent
un rouge pâle, & forment alors ce fluide auquel on donne le nom de
fang. Outre cela,, on reconnoît -'dês le premier jour les nageoires de la
.poitrine; mais les autres nageoires font inviiibl.es, auffi bien que les
inteftins ; parce quêtant extrêmement tendres, ils laiffent paffer les
rayons de lumières. Ce n’eft que le troifième jour qu’on àpperçoit la
nageoire de la queue; qui eft encore droite, fig. 10. b. Celle du dos paroît
Je cinquième; celles du ventre & de l’anus fe découvrent le huitième jour à
l’aide d’un microfcope. Environ vers ce tems, on découvre fur lè corps avec
un bon microfcope, des points noirs, fig. 11. b. b. les uns ronds, les autres
allongés, tels qu’on les voit à la fig. 15. a. b. c. Ce font lés premiers
contours des écailles dont le poiffon doit être couvert. Ceux de la tête
font les plus petits ; ceux du dos les plus grands, & ceux dés côtés
tiennent le milieu entre les premiers & les féconds. Ori remarque auffi
déjà à la queue une échancrure” en forme de croiffant. fig. 11. c. Ces
parties offrent déjà à l’oeil un fpeétacle fort agréable; mais il eft bien plus
.amufant encore de confidérer là circulation du fang & des' autres liqueurs.
Ici fe préfentent des jets d’une couleur rouge, compofée de petits globes
extrêmement délicats. Près de la tête, on remarque le coeur, qui confifte
en un fac membraneux & mince fig. 14. a. ; qui verfe le fang dans une
artère en forme.de fac L)-; fig. ii. b. 14. b. qui dès qu’elle l’a reçu fe
reffère pour le faire paffer dans l’aorte /). fig. 14. c. Pendant que
l’artère fe comprime, la veine cave porte du nouveau fang au coeur
qui étoit fans aftion ; fig. 14. i. & alors le coeur le fait jaillir dans les
veines, qui pour lors font auffi fans aétion. Comme les poilfons ont la
poitrine très-courte, & point de cou, ces animaux n’ont point d’artères
carotides m); mais l’aorte paffe tout d’un coup aux ouïes, qui font fort
A) Saccus arteriofus. /) Aorta. m) Carotides.
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près; &. de-là dans les autres parties dii xorps. Comme - dans les jeunes
poilfons, les ouïes ne font pas encore vifibles, j’ai vu les artères monter
immédiatement à la tête, revenir derrière l’oeil, &,defcendre enfuite le
long de l’épine du doS n ). fig. 14. e. J’en ai remarqué une autre fur le
devant, qui defcendoitle long du ventre jüfqu’à la queue fig. 14. d.d., qui
commençoit près de la tête, & tiroit fon origine de l’aorte. De la première
fort, en angle-droit, à chaque, vertèbre, une a r t è r e - 14, f i fig qui
prend fa direition le longde la' côte. Le fang qui paffe dans les artères,
qui font extrêmement délicates, feraffemble en partie dans la veine cave
afcendante fig. 14. g. à la partie dans la defcendante o~).fig. 14. h, Ces
deux veines fe touchent en angle obtus fig. 14. i. derrière la vélicule
aérienne, & conduifent de nouveau le fang vers le coeur. Dans les
poiffonS nouveaux-nés la tête eft petite en comparaifon des autres
animaux, & la vélicule ' aérienne eft groffe ; ce qui tient l’animal en
équilibre quand il eft dans une fltuation droite; ;
Une chofe qu’il eft encore bon de dire ici, c’eft qu’il faut écarter les
mouches aquatiques />), parce qu’elles mangent les petits, J’avois trente
petits poilfons dans un vafe,. ou les plantes avoient, dépofé des vers
& .d’autres infeétes aquatiques; mais au bout de quelques jours les
poilfons difparurent tout-à-fait, fans qu’on pût remarquer la moindre trace
de leurs corps. Ayant enfuite trouvé un petit limaçon à la gueule d’une
frigane, cela me lit croire que cet infeéte avoit aufli mangé mes poilfons.
D’après ce petit nombre d’expériences, je crois pouvoir tirer des
conclufions utiles pour l’économie & la phyfiologie.
i°. On peut empoiffonner les lacs &' les étangs à très-bon marché &
d;une manière très-commode, en obfervant le tems précis ,du frai de
chaque efpèce. Afin de faciliter cette obfervation, je donnerai à la. fin de
cet ouvrage une table où je déterminerai le mois du frai de . chaque
efpèce. Comme les poilfons de la même efpèce ne frayent.pas. à.la fois,
mais en trois périodes, félon la différence de leur groffeur; & comme
d’ailleurs il y a un intervalle de neuf jours après chaque époque, & que
les oeufs relient encore huit à neuf jours avant que d’éclorre., on a affez
de tems pour fe pourvoir des plantes où ils dépofept leurs .oeufs.
3°. Par le moyen de cette méthode, on fe trouve à l’abri des tromperies
des marchands de poiffon, & on ne rifque,pas d’acheter des caraffms ou
des gibèles pour des carpes, & de confondre le nourrain de la blême, de
labordélière, du rotengle, de la roffe & de l’ablette, qui font très-difficiles
à diftinguer les uns des autres, tant qu’ils font petits,
30. Les expériences décident avec affez de certitude la queftion agitée
tant de fois, & fur laquelle les philofophes de nos jours font encore
n ) Arterïx ijitercoftales. - o) Vena câva afcendens & defGendens.
p ) Phryganæa grandis. L.