les a suffi portées en Hollande & en Suède ej. Mais pins ce poiiTon avance
vers le nord, plus il dégénéré & devient petit / ) . Voilà pourquoi on
envoie tous les ans de Pruffe à Stockholm plufieurs vaiffeaux chargés
de carpes.
On trouve, les- carpes dans les eaux qui coulent doucement, dans les
lacs & les étangs. Leur goût diffère félon les eaux où elles féjournent:
voilà pourquoi on les diftingue en carpes de rivières, de lacs & d’étangs.
Les premières paffent pour les meilleures ; les dernières pour les plus
mauvaifes : mais les meilleures de toutes, ce font celles qui vivent dans
un lac ou étang traverfé par un ruiffeau qui leur fournit continuellement
des eaux fraîches. On reconnoît déjà à leur couleur dans quelles eaux
elles ont été pêchées. Celles des rivières & des grands lacs, font plus
jaunes, & celle des étangs plus vertes ou plus noires. Les dernières ont
aulïi ordinairement un goût de bourbe ; mais elles le perdent quand on
les met quelques fêmaines, avant de les manger, dans une eau claire, ou
qu'on les laiffe pendant quelques jours dans une huche placée dans le
courant d’une rivière.
La carpë a la vie fi dure, que, pendant l’hiver, on peut la garder
dans des caves, dans des réfervoirs ou des citernes. On peut les y
engraiffer, en leur donnant du pain & de la laitue. On peut auffi les
tranfporter à trente lieues, en les empaquetant dans de la neige & leur
mettant dans la bouche un petit morceau de pain trempé dans de
l’eau-de-vie.
Quand ce poiffon eft bien nourri, il croît vite, & devient d’une groffeur
confîdérable. L’Été dernier, on m’apporta une carpe, qui avoit été prife
en Saxe dans les terres de M. le comte de Schulénbourg ; elle pefoit
vingt-deux livres, & elle n’étoit pas des plus groffes qu’on prend
ordinairement dans cet endroit Près d’Angerbouïg en Pruffe, on en
trouve qui pèfent jufqu’à quarante livres g~). A Dertz, dans la Nouvelle-
Marche, fur les frontières de la Poméranie,' on eu prit une de trente-huit
livres, & on la porta comme une rareté au Roi, qui étoit pour lors à
Stettin. En 1753, on en prit une, qui étoit groffe comme un enfant, dans
le lac Lagau, fltué dans le cercle de Sternberg À ). En 17 i r ,. on en
prit une à Bifchofshaufe, près de Francfort fur l’Oder, qui avoit deux
aunes & demi de long, une de large ; elle pefoit foixànte & dix livres, &
fes écailles étaient auffi grandes que des pièces de vingt-quatre fous ï).
Dans le lac de Golitz, près du bailliage de Lenin, on en pèche qui
pèfent trente livres & plus. On en prend dans le Dniefter, qui font li groffes,
c ) Linn:Faun. Suëc. p. iag. n. 359. im N. Schauplatz der Natur. 4 B„ p. 387«
f ) Pontoppid. Naturhifl. vonNorweg. a Th. h) Richter.. p. 8° 3-
p. 136. ' ' ' ......... ' ¿) '£eckmann. Cïwrm. T. I.p. 574., ' ^
g ) Breslauifche Sammlungen XV. Verfuch,
qu’on fait ctes manches de couteau avec leurs arrêtes ¿). La Hongrie
offre auffi des carpes de quatre pieds de long, & li grades, que leur papfe
paroît garnie de laid /).
Avec les oeufs de ee poiffon, on fait du caviar, qu’on vend aux Juifs
de Conftantinople.
Comme on nourrit des carpes dans les canaux , non feulement pour
Je profit, mais auffi pour le plaifir, on a eu occàfîon de s’affurer qu’elles
atteignent un âge très-avancé Ledel dit qu’il y a dans la Luface des
étangs où-l’on garde des carpes depuis deux cents ans m). M. de Buffon
dit avoir vû dans les foffés de Pont - Chartrain des carpes qui avoient
fûrement plus de 150 ans n). Dans le jardin royal de Charlottenbourg,
on en voit qui- font d’une groffeur prodigieufe, & qui font fi vieilles,
qu’elles ont la tête couverte de mouffe 0).
Ce poiffon vit, comme tous ceux de ce genre, de plantes, de terre
graffe, de vers & d’infeétes aquatiques. II aime fur-tout; le fumier de
brebis, & profpère dans les étangs où les pluies amènent le fumier des
troupeaux.
La carpe fraye en Juin, & même en Mai, quand le printems eft chaud.
Alors elle cherche les endroits couverts d’herbes, pour y dépofer fes oeufs.
Ordinairement une femelle eft accompagnée de trois mâles. Dans le tems
du fiai, les carpes de rivière nagent en troupes vers les eaux tranquilles,
auxquelles la rivière communique ; & lorfque dans leur courfe, elles
rencontrent une grille qui les empêche de paffer outre-,- elles fautent
par« deffuS, : quand elle auroit quatre à fix pieds de haut, Après le frai,
elles reviennent dans les rivières. Ces fauts des carpes, reffémblent à ceux
du faumon : on les remarque fouvent dans les étangs. Elles viennent fur
la furface de l’eau, fe mettent fur le côté, courbent la tête & la queue au
même inftant, de manière qu’elles décrivent un cercle parfait; enfuite
s’étendent tout à coup, battent l’eau avec vivacité, & s’élèvent ainfi à la
hauteur de quatre à fix pieds, & auffi loin de l’endroit où elles ont fauté,
du côté où leur mouvement s’eft dirigé p). Les petites, qui ne font pas
k) R{ac?ynsky. Nat,Hift. p. 141.0.163. • éprouvent fucceffivement l’Jiumidîté & la féche*
/) Marjtgli. Danub. IV. p. 58. refle de l’air. La nourriture réglée dont ils u,fenç
m) Neuer Schauplatz der Natur. T . IV. p. 3 86» doit auffi y contribuer beaucoup.
n) Hift. Nat. Tom. IV. p. 167. /?) Lotfqûe les carpes foftènt du Rhin, pouf
o) Si les poiffons vivent fi longtems, c’eft aller dans les fofîës & les lacs, les' habitans de ces
à ce qu’il paroît ? parce qu’ils vivent continuelle- contrées regardent Cette retraite comme la marque
ment dans un élément humide, oh leurs fibres con- d’une inondation prochaine; dé lorsqu'elles fe font
fervent pendant plus longtems leur flexibilité. D’ail- rendues dès le mois de Mai dans les eaux tranquilles,
leurs, ils jouiflent dans l’eau d’une température ils font aflùrés que le Rhin fe débordera bientôt. C’eft
uniforme, & font fujets à beaucoup moins de ma- Jurement la chaleur du printems qui fait que cepoiiladies
que d’autres créatures, qui par le change- fon fraye de bonne heure, que la neige fond, &que
ment continuel des faifons, fe trouvent tantôt dans le Rhin groffit plutôt qu’à l’ordinaire. Alors la
un climat fioid, tantôt dans un climat chaud-, & càrpë trouve une nourriture abondante, fes oeufs ie