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pendant toute l'année fur les côtes d’Angleterre ; ' & lès pêcheurs de
Scarborough ne tuent jamais leurs filets fans trouyer quelque hareng
parmi les poiifons qu’ils prennent n). Et lorfque les pêcheurs Hollandois
ne font pas contens de leur pêche, ils la continuent jufqu’en Février fur
les côtes d’Écolfe. Dans le nord de la Hollande, c’eft - à - dire vers
Enkhuifen, Monckendam & Hoorn, on pêche le hareng en Février, Mars
& Avril. Enfin, on en pêche auffi en Suède au milieu de l’hiver o). :
i°. Si ces poiifons viennent en troupes du pôle Arctique, pourquoi la
plus petite elpèce tourne-t-elle du côté de la Baltique, & laplusgrolfe
vers la mer du Nord ?
5 . Si les baleines pourfuivoient les harengs, pourquoi feroient-ils
encore plufieurs centaines de milles de plus qu’il n’eft nécelfaire, pour
éviter ce danger? A la vue de cet animal, ou le bruit affreux qu’il fait,
félon Mr. Strohm p'), leur infpireroient.-ils donc une crainte alfez forte
pour qu’elle pût durer longtéms après que le danger eft palfé ? Et dans
ce cas, je ne vois pas pourquoi ils viéndrôient s’expofer de nouveau en
retournant, en hiver, à.la pourfuite de ce terrible ennemi?
6°. Si les harengs venoient du nord, les pêcheroit - on pendant tout
l’Été en fi grande quantité en Nonvège ? Ne lès trouverait - on pas,
comme les oifeaux de palfage, en quantité dans quelques faifons, &
rarement ou point du tout dans d’autres ?
7°. N’aurions-nous pas auffi alors des traces de leur retour? Et fuppofé
qu’ils ne s'approchaient pas des côtes, les oifeaux,, les chiens de mer,' le
cabliau & la baleine, qui les pourfùivent fans ceffe, ne ferviroient - ils
pas à les décéler?
8°. Si c’étoit feulement le manque de nourriture qui forçât les harengS
à envoyer des colonies, pourquoi cela arriveroit-il toujours dans le même
tems & dans la même faifon? Eft-ce que leurs provifions finiraient
toujours précifément à la fin de l’année?
9°. Si les baleines les pouffoient en troupes dans les baies , pourquoi les
trouve-t-on en troupes dans les mêmes endroits , dans la mer du Nord
& dans la Baltique, où il n’y a point de ces animaux terribles ?
Mais toutes ces difficultés font levées, fi nous obfervons attentivement
la nature dans toutes fes opérations. Les harengs ont cela de commun
avec tous les autres poiifons, qu’ils quittent leur féjour ordinaire dans le
tems du frai, & qu’ils cherchent des endroits où ils puiffent frayer
commodément. Ainfi ils fortent comme les autres, du fond, afin de trouver
des endroits- unis, rudes & efcarpés par l’aéhon des couransg.'& d’y
pouvoir frayer. Voilà pourquoi dans ce tems, lorfque la pêche eft la plus
abondante,
n) Penn. B. Z. DI. p. 336. fchender Freunde. Tom. V. p. 357.
0) Schrift der Berliner Gefellfchaft naturfor- p) Linn. S. N. p. 5013.
J ) V ' H A R E iîf: G. ' j r a
abondante, le mâle a les laites liquides, & la femelle les oeufs féparës y).
Le tems du frai approche, & c’eft ce penchant & non la peur des baleines
qui les attire dans ces endroits. Comme tous les autres poiifons, ainfi
que je l’ai dit dans plufieurs endroits, frayent par parties en trois différens
tems, ordinairement félon leur âge. D’ailleursils comme le tems du frai du
même poiffon arrive tantôt plutôt, tantôt plus tard, félon la température
de l’eau & de l’air, il eft aifé de concevoir pourquoi le hareng paraît en
différens tems. Par exemple, dans la Baltique & fur les côtes de Norvège,
on voit paraître, au printems, une petite efpèce qui vient y frayer; en
Eté, il en vient une plus greffe; en automne, on en voit venir encore
une petite, qui eft pleine d’oeufs & de laites, & qui eft par conféquênt
fur le point de frayer. C’eft ce qui arrive auffi fur les côtes d’Écofle ;
voilà auffi pourquoi les marchands de harengs hollandois divifent- cette
marchandife en trois qualités, qu’ils appellent harengs vierges, harengs vides
& harengs pleins. Ils appellent harengs vides, ceux où l’on ne trouve ni laites
ni oeufs ; harengs vierges, ceux dont la laite & les oeufs .font liquides, &
harengs pleins, ceux dont le corps eft plein de faites, ou d’oeufs. Les
harengs vides ne font autre chofe que ceux qui ont frayé au printems, &
les harengs pleins, ceux qui le font en automne & en hiver; au lieu que les
harengs vierges frayent en Été. Il eft donc décidé que les poiifons de mer
«u de lac, qui remontent au printems dans les fleuves ou dans les rivières,
ne reviennent qu’en automne à l’endroit de leur féjour ordinaire. Voilà
fans doute auffi le cas des harengs, & voilà pourquoi ils fe difperfent dans
plufieurs endroits en hiver, fl eft poffible auffi que le hareng, qui eft un
petit poiffon de mer, fraie plus d’une fois dans l’ahnée, comme plufieurs
petits poiifons de rivière. La nature a différens moyens pour arriver au
même but ; car comme les petits deviennent fréquemment la proie des
gros, il faut bien que les premiers multiplient beaucoup plus que les
derniers ; c’eft ce qui arrive par le frai plus fréquent. Nous voyons la
même chofe dans les petits oifeaux & quelques autres éfpêces d’animaux.
C’eft cette multiplication prodigieufe qui porta quelques écrivains à croire
qiie ce poiffon frayoit auffi au pôle Arétique fous la glace. Quand nous
fongeons à l’étendue immenfe qui a été donnée au hareng pour fa
demeure, il ne faut pas nous étonner de la prodigieufe quantité de ces
animaux, & de fa multiplication étonnante, déjà connue à Arijlote /-), &
qui repare la quantité immenfe qu’on eh confume tous les jours : tout cela
arrive fous nosiyeux à l’égard de nos poiifons de rivières, à proportion
dü petit efpace qu’ils occupent. Si l’on n’inquiétoit pas tant les poiifons
dans le tems du frai, ils multiplieroient d’une manière bien plus prodigieufe
encore. C’eft ce que je puis confirmer par les expériences qu’a faites
q) Schied. Abhandl. Tom. X. p. \i6.
Part. I.
r ) Lib. IV. cap.