
lumières pour en tirer parti. La boucherie dégoûtante de ces
énormes animaux ne laisse même au naturaliste transporté
sur les lieux, que les regrets de voir échouer une entreprise
aussi fatigante que périlleuse (i). Qu’on se figure en effet
ces expéditions limitées dans le court espace de deux mois.
Ajoutons que la plus grosse baleine est dépecée, même entièrement
depouillee, dans quatre heures de temps; que,
pour remplir cette tache, quarante à cinquante personnes
s empressent en toute diligence d’emporter, à coups de
hache et avec d immenses coutelas, les fanons et cette
épaisse couche de lard qui enveloppe les chairs; et l’on sera
convaincu que jamais l’histoire naturelle ou l’anatomie
comparée ne pourront en espérer des avantages.
L ’histoire naturelle des cétacés, fondée sur des rapports
fautifs, resta long-temps défigurée par les fables dont les
voyageurs, plus avides du merveilleux que partisans de la
vérité, amusaient le public. D’un autre côté, les nomencla-
teurs se copiant sans s entendre, ont fini par embrouiller le
sujet d’une façon presque inextricable; et bien qu’aujourd’hui
nous possédions d’excellentes observations, rédigées par des
savans respectables, il n’en reste pas moins à compléter pour
le naturaliste qui, sur 1 anatomie de ces étranges mammifères,
voudrait établir une classification raisonnable.
M. Camper remarqua de bonne heure le défaut de nos
ti) Le célèbre John Hunter, dans l’espérance d’enrichir son musée , engagea ,
pour une somme considérable, un jeune chirurgien anatomiste d’assister à la
pêche des baleines; mais celui-ci ne rapporta de son voyage qu’une petite portion
de la peau couverte d’insectes. Trans. philos. , vol. 77 , année 1787.
PRÉ L IMINA IRE ,
connaissances dans cette partie si importante de la zoologie.
Profond anatomiste, il était pénétré d’une vérité énoncée
dans tout son éclat par le plus éloquent des naturalistes (1) ;
faut-il s’étonner qu’il s’attachât de préférence à l'examen des
organes de l’intérieur et à l’étude du squelette ?
Le séjour d’Amsterdam, des relations dans les villes de
Hollande particulièrement en possession de la pêche, des
baleines, le secours de ses élèves-établis sur les côtes ou
répandus chez l’étranger, tout a concouru pour seconder
ses vues.
L appareil sensitif occupait l’auteur dès sa jeunesse (2) : 011
sait qu il découvrit la structure de l’oreille dans les poissons (3).
Ayant leve le voile qui en cachait le mécanisme, il entreprit
aussi de faire mieux connaître l’ouïe des ..cétacés (4). Habitant
avec les poissons un même fluide, on pouvait supposer
qu’ils percevaient les sons d’une manière analogue; mais ,
dans cette recherche aussi délicate que pénible, la nature ne
lui trahit qu’une partie du secret (5) : cependant il s’en défi)
Buflon , dans la Description de l’unau et de l’a ï , vol. X I I I , ajustement
remarqué que l ’intérieur, dans les êtres vivans , est le fond du dessein de la
nature, la forme constituante, tandis que l’extérieur n’en est que la surface ou la
draperie.
(2) Voyez sa dissertation de v isu, Leyde, 1746.
(3) Ouvrage adopté dans les Mémoires de mathématiques et de physique de
l’Académie royale des Sciences de Paris, année 1774.
(4) Mémoires de la Société de Haarlem , t. X I , part. I I I , et t. X V I I , part. I.
(5) On sait que l’auteur nia l’existence des canaux demi^circulaires que Monro a
si bien décrits. L ’extrême petitesse de ces organes , la difficulté de les poursuivre
dans le rocher,, contribuèrent à l’abuser.