
pour combattre des animaux si supérieurs en force, dont
il semble d’ailleurs que les narwals ne sauraient tirer aucun
parti. Destitués d’armes et de moyens de préhension peut-
on supposer que la nature ait destiné des animaux relativement
si petits à se nourrir de la chair de véritables
colosses ? et n’est-il pas plus raisonnable de s’en rapporter
aux informations de Wormius, qui prétend que le narwal
se nourrit de charognes, ou bien à celles de Fabricius qui
avance positivement que la nourriture des narwals consiste
en pleuronectes et en actinies (2). En effet, les chairs et la
substance molle de ces derniers s’accordent bien mieux
avec le défaut d’organes masticatoires que toute autre
nourriture. La privation , ou la mutilation de ces longues
défenses ne saurait infirmer nos conjectures, puisque ces
mutilations sont plutôt une suite naturelle des glaces qui
encombrent les mers à ces hautes latitudes ; car le même
Fabricius explique comment à l’époque des fortes gelées
les narwals Se rassemblent et se concertent pour briser
les glaces avant qu’elles s’épaisissent, à l’exemple des canards
q u i, par leur réunion, se ménagent des ouvertures
pour nager. Les premiers ont besoin d’ouvertures pour la
respiration, et tandis qu’ils nagent en nombre dans une
enceinte aussi bornée, les Groenlandais profitent de l’occasion
de les blesser avec leurs harpons. On ne saurait
donc considérer les longues dents du narwal comme des
armes meurtrières , puisqu’elles semblent uniquement des-
\i) Yoyez la Faune du Groenland, à l'endroit cité.
tinées à écarter ou à percer les glaces. Sa mastication ne
peut différer de celle des fourmiliers et des pangolins,
car pour la nutrition il n’est pas moins édenté.
Le narwal ordinaire, qu’on appelle vulgairement licorne
, mono don, monocéros, est de couleur noire, suivant
Fabricius : son dos est lisse, sans aileron, le ventre non
sillonné de rides : il paraît hors de douté que la nature lui a
destiné deux défenses, telles qu’on en voit les exemples
dans plusieurs musées , et dans les auteurs ; mais ordinairement
l’une des défenses reste en arrière ou bien elle
se perd dans la jeunesse , de façon que l’alvéole même
s’oblitère complètement.
Une seconde espèce décrite par Fabricius, c’est le monodon
spurius, Xanarriak. des Groenlandais. Il doit être
plus petit. Son dos est muni d’un aileron. Ses dents sont
très-petites.
M. de Lacépède| appuyé de l’autorité du chevalier
Banks , a décrit une troisième espèce sous le nom de
microcéphale.
Anderson cite des exemples de narwals à défenses
lisses, mais il est douteux si ce n’est pas à quelque accident
qu’il faille attribuer ce phénomène.
Wormius, d’après le témoignage d’un certain Thorlac
Scullonius, évêque d’Islande, rapporte qu’il échoua un individu
de cette espèce dont la longueur surpassait trente
coudées ; qu’il avait trois tubérosités sur le dos et une
sur le ventre.
Il est superflu de remarquer combien il y a d’incertitude
dans cette description, et combien dans l’histoire na