
Le nombre des baleines était anciennement si prodigieux,
que nos ancêtres, qui les premiers, avec des flottes peu
nombreuses, pénétrèrent au-delà du 77e degré de latitude
boréale, en tuèrent des milliers dans le court espace de deux
mois (1). Des voyageurs les plus accrédités, les Cook (2),
les Wallis{3), et récemment le naturaliste Péron(4), en observèrent
de grands troupeaux dans la proximité des terres
australes.
D: autres espèces, plus agiles, mais aussi plus fuyardes, se
plaisent sous un ciel tempéré. Solitaires, quelquefois appariées,
on les voit errer dans les mers distantes des pôles, qui
rarement se couvrent de glaçons. De ce nombre sont les
baleines sardes, les Jubartes, les cachalots, et les tribus,
aussi nombreuses que variées, des dauphins. Ils fréquentent
les mers depuis les tropiques jusqu'aux parages de l’équateur.
Les cétacés, comparés entre eux, forment des groupes
(1) Zorgdrager, dans son livre Bloeyende ophomst der aloude en Hedendaagschè
Groenlandsche Visschery, a consigné des listes détaillées du nombre de vaisseaux
■ hollandais équipés pour la pêche des baleines depuis 1669. Nous ayons remarqué
qu’en 1701 on a pris 2071 baleines $ en 1708, 1664; en 1714» 1234* tandis que
les pêcheurs de Hambourg seuls en prirent annuellement de 5o4 à ao5. Si l’on
pouvait consulter de même les annales des Anglais, des Danois, etc., le nombre
des baleines tuées annuellement monterait à plusieurs milliers.
(2) Voyez la collection de tous les voyages autour du monde, e tc ,, rédigée par
M. Bérenger , tomes VHI et IX.
(3) Ibidem , t. IV.
(4) Voyage de découvertes aux Terres australes , 1 .1 , et le Voyage de Collnett,
intitulé Voyage to the south Atlantic and round Cape Horn, etc. London,
17.98.
dont les touches accessoires sont interrompues par des sauts
brusques. Faut-il supposer que nous n’en connaissons qu’un
petit nombre d’espèces, ou qu’il en est péri des familles entières
dans les catastrophes qu’a subies le globe (i)? Quoi
qu’il en soit, l’uniformité de type manque dans cette classe,
comme dans celle des pachydermes ; et la nature paraît avoir
laissé subsister, dans les espèces colossales, des ruptures de
rapport qu’on n’observe pas dans les animaux d’un moindre
volume. Au moins il est évident à n’en pouvoir douter que
les diverses familles des mammifères pélagiens se distinguent
par des caractères tranchans et par des anomalies frappantes
dans la forme de la tête et la structure des organes de la
manducation; car on conçoit sans peine que le mode de
progression dans un même fluide ne comporte pas une grande
variété dans la forme des organes du mouvement ; ces derniers,
en effet, ne peuvent être diversifiés que par l’application
des forces musculaires, et par le développement relatif
de leurs surfaces.
On ne saurait contester que le genre d’alimens destinés à
nourrir des cétacés; que le besoin de résister et de sur-
(1) Il est à regretter que nous manquions de renseignemens sur les espèces
éteintes , ou fossiles , de cétacés. L’attention des savans paraît cependant se
tourner vers cette partie si intéressante de la zoologie. Il a été trouvé un squelette
de baleine en Virginie, en 1802. Les ossemens trouvés dans la rue Dauphine T à
Paris , et décrits par P. Lamanon , dans le Journal de Physique , année 1781 ,
sont certainement d’un grand cétacé. J’en possède plusieurs vertèbres dans mon
cabinet, et Mr G. Cortési, de Milan , a publié récemment un Mémoire sur les
ossemens fossiles de grands animaux terrestres et marins trouvés dans le duché
de Plaisance.