
d ’un problème dont la solution surpasse les bornes de notre
entendement.
Cependant la nature, aussi inépuisable en ressources
qu’elle est simple, économe dans ses moyens, en assignant
aux cétacés les mers pour domaine, a triomphé de tous ces
obstacles. Ici l’immense multiplication d’animaux qui en
peuplent les profondeurs assure à nos espèces gigantesques
une subsistance abondante. D’un autre côté , la pesanteur
d’un fluide plus dense. que l’atmosphère soutient en équilibre
cette lourde masse, que des muscles' vigoureux font
agir avec une rapidité dont les animaux terrestres n’offrent
point d’exemple ; car, supportés dans toute leur longueur et
par toute leur surface, respirant à l’aide d’amples poumons,
ils flottent, descendent à des profondeurs inaccessibles , ou
remontent à la surface des eaux, avec la même facilité. Un
organe locomoteur, plus simple que ceux des animaux terrestres,
remplace les extrémités fémorales. Les bras et la
main battent l’eau par une plus grande surface ; aussi l’enveloppe
des mammifères pélagiens, leur façon de vivre, et la
forme des extrémités, ont de si grands rapports avec la forme
extérieure, avec les habitudes et les organes de mouvement
des poissons, qu’il ne faut pas s’étonner si plusieurs naturalistes
, anciens et modernes, les ont confondus dans une
même classe. L ’échine fort allongée, une tête beaucoup plus
grosse que dans aucun des mammifères terrestres, le col
masqué par les épaules, les membres antérieurs et la queue
transformés en nageoires, sont autant de caractères qui, sans
recherches ultérieures, devaient leur assignèr cette place
dans nos méthodes ; mais cette apparence n’ est qu’un masque,
SUR LA STRUCTURE ET LE SQUELETTE DES CETACES. I I
une conformité trompeuse, puisque l’intérieur recèle des
organes semblables à ceux des quadrupèdes terrestres ; et la
nature, jalouse de concilier. dans ses oeuvres ce qui nous
paraît incompatible, a réuni, dans la structure des géans
de la création, des propriétés communes aux habitans de
deux élémens contraires.
Ces colosses en effet, placés à l ’extrémité de la chaîne,
rattachent les mammifères aux ordres inférieurs. Les espèces
très-rapprochées, improprement appelées amphibies (i) ,
participent encore à la ressemblance des animaux terrestres ;
car les phoques, les morses, ont quatre membres. Ils sont
couverts de poils ; ils sont armés de trois sortes de dents; et
leurs doigts sont pourvus d’ongles. Les dugons et les lamantins
n’offrent déjà plus que des membres pectoraux: cependant
les organes de la manducation, leurs bras allongés et
flexibles , leurs doigts onguiculés, et quelques poils clairsemés,
retracent encore l’image d’un animal des continens:
c’est du moins le buste d’un quadrupède ne ressemblant aux
poissons que par l’extrémité du corps; mais dans les cétacés,
le moule primitif a subi sa dernière altération. Ici les organes
de la manducation ne sont plus conformes à ceux des autres
mammifères ; les bras accourcis ne sont flexibles qu’à la
jointure des épaules; les doigts, privés d’ongles., sont compris
dans un commun fourreau ; la peau lisse, onctueuse, est dégarnie
de poils. Hors des eaux , le mouvement progressif est
(') H est évident que le nom d’amphibie ne saurait convenir qu’aux animaux
doués de poumons et de branchies en même temps, tels que la sirène et le
prêtée. -.