
Daubenton, lui ayant donné le nom de p etit cachalot,
s était trompé. Il n’était pas connu lorsqu’en 1786 M. de
Sève fut chargé d en faire un dessin sous ma direction.
Le comte de Lacepede en a fait graver lé dessin dans
la pl. IX de l’ouvrage que nous avons cité fort souvent:
il a conserve le nom de cachalot svinewall, erreur que
le défaut de mâchoires inférieures a perpétuée, et dont
1 eusse été fort en peine de prouver la fausseté, si je
n eusse eu 1 occasion de voir un crâne pareil, avec les
mâchoires inferieures, dans le cabinet du célèbre professeur
Brugmans de Leyde.
L autorité de Fabricius, qu’on ne saurait révoquer en
doute, nous apprend que les narwals monodons ont des
defenses dans les deux sexes, et que Yanamak, dont lès
dents sont beaucoup plus petites, jouit des mêmes propriétés
; il faut donc admettre pour certain que notre
narwal a perdu les dents fort jeune, ou qu’il appartient à
une espèce constamment édentée. Dans l’exemple de Paris
comme dans le sujet du professeur Brugmans , les os
maxillaires et incisifs sont de la plus parfaite conservation;
cependant la physionomie de la tête a , dans ses proportions,
quelque chose de particulier: le crâne, y compris
la face , est plus raccourci ; les axes du crâne diffèrent
moins dans leurs proportions relatives; or il est à présumer
que la perte accidentelle des défenses n’a pas
exercé d’influence sur les proportions de la face, puisque
les os maxillaires ont atteint les dimensions ordinaires.
Ajoutons à ces considérations que la tête est plus large ;
que les fosses nasales paraissent plus éloignées de l’arrièretête
; que les os nasaux sont plus développés ; que les
os incisifs sont séparés par un hiatus dans leur partie
supérieure, et nous aurons des motifs suffisans pour
croire que le narwal en question doit former une espèce
particulière constamment privée de dents. Elle paraît
différer des monodons, comme les éléphans d’Afrique et
les dauntelahs d’Asie se distinguent des mocknas et des
m ajanis; car dans ces derniers aussi, l’axe longitudinal
de la tête diffère considérablement de celui des premiers,
d’autant que les bs incisifs ne se prolongent pas au-delà
du rictus de la bouche.
Nous ignorons de quel endroit ce narwal aodon fut
envoyé au Musée Royal de France ; on manque d’informations
sur le sexe et sur d’autres particularités ; mais
à juger du petit nombre d’exemples qu’on en trouve
dans les cabinets, et du motif de celui qui a cru cette
pièce digne d’être placée dans le Musée du Roi, il est
naturel de conclure que l’espèce n’est pas commune ou
qu’elle se laisse difficilement approcher (i).
En comparant d’ailleurs le crâne du monodon avec
celui de Y aodon on observe une plus grande solidité
dans la charpente osseuse de ce dernier ; l’angle facial
est plus' ouvert ; on remarque au reste une grande analogie
dans la disposition du frontal, dans la direction des
fosses temporales , dans celle des fosses orbitaires , dans
le développement des os incisifs. L ’étude des planches
(i) Le delphinus globiceps, auquel ce crâne appartient, arrive quelquefois en
grandes troupes vers les cotes de Bretagne. (Cuv.)