
C H A P I T R E I I I .
Sur les Cétacés du premier ordre, ou Cétacés à fan on s.
L a grandeur prodigieuse des baleines est confirmée du
commun accord de tous les voyageurs et naturalistes. On ne
saurait douter même que, dans les premiers temps de la
pêche, on n’ait trouvé des sujets de trente à quarante
mètres (i) ; mais., de nos jours, il est rare d’en rencontrer
qui surpassent en longueur vingt à vingt-cinq mètres. Il paraît
que la guerre continuelle déclarée aux baleines depuis
deux siècles, ne leur accorde plus le temps nécessaire pour-
atteindre au maximum de leur développement.
La peau des cétacés, en général, est lisse, onctueuse et
douce au toucher. Celle des baleines est d’un noir luisant,
grise ou marbrée. On observe même, surtout dans les plus
hautes latitudes, des baleines blanches; et comme, jusqu’à
présent, on n’a pu remarquer aucune particularité dans leur
forme extérieure, il est à présumer qu’elles ne doivent la décoloration
du tissu muqueux qu’à la rigueur des pôles, ou
à la privation de lumière pendant les saisons d’hiver (2).
C’est immédiatement au-dessous de la peau que se trouve
£1) Sans avoir égard aux récits fabuleux <Jes modernes , il suffira de citer le
Dictionnaire raisonné et universel des animaux , par Mr D. L. C. D. B ., à l’article
Haleine , et celui de Valroont de Bomare, à la page.235.
(2) Il est prouyé7 par les observations du capitaine Cook et de l’infatigable
K 7
cette épaisse couche de lard qui défend les muscles de toute
lésion. En augmentant le volume du corps des cétacés, elle
les rend spécifiquement plus légers, et établit un parfait
équilibre entre leur poids et le fluide qui les environne.
L ’huile qu’elle contient, plus encore que les fanons., a sollicité
les différentes nations à poursuivre les baleines jusque
sous les glaces du pôle. Les Hollandais emportent aussi les
mâchoires inférieures, qui, dans les prés,servent de support
aux barrières, ou à d’autres usages ; mais les peuples du
nord, et surtout les habitans répandus sur les bords de la
mer glaciale et de l’Amérique septentrionale, en retirent les
plus grands avantages. Ce n’est pas seulement chez les sauvages
du Groenland, mais en Norwège, que la chair des
jeunes baleines est estimée, et réputée de fa c ile digestion. Les
Islandais, même les Ecossais, se nourrissent de la chair de
quelques espèces de cétacés, et la font saler comme le boeuf.
Chez toutes ces nations, c’est la langue surtout qui passe
pour un mets exquis , qu’on réserve pour les fêtes ou les
grands festins (i).
Plus économes, les habitans du Kamschatka mettent à
profit toutes les parties des gibbats ‘répandus en grand
nombre dans les mers voisines. Ici l’huile Remplace les comnaturaliste
Péron, que les baleines blanches se trouvent dans les parages du pôle
antarctique, aussi-bien que dans les voisinages du pôle boréal. Voyez le Voyage de
découvertes aux Terres australes-, rédigé par M. Péron. Paris 1807.
(i)On peut consulter sur ce sujet Pontoppidan, dans son Histoire de la Norwège ;
Pennant, dans la Zoologie des Terres polaires j Stellèr, dans son Vbyage de
Kamschatka ; Sibbald , Histoire de l’Écosse , e tc ., etc.