
que ce grand naturaliste a pu examiner par lui-même, confirme
ce doute ; témoins les observations anatomiques sur la
structure des dauphins qu’il avait eu l’occasion de disséquer
(i). Nous verrons cependant que, pour n’avoir pas bien
examiné les os du crâne , Aristote s’est trompé sur la véritable
position des narines (2), et que son autorité a induit en
erreur les nomenclateurs modernes.
Pline, peintre éloquent plutôt qu’observateur scrupuleux ,
ne s’occupant guère d’anatomie, s’en est complètement rapporté
au jugement d’Aristote dans les discussions de cette
espèce (3).
Elien (4), ainsi que d’autres auteurs contemporains,, en
donnant au terme cétacé la plus grande latitude, ont compris-
dans une même classe les lions marins, les squales, le physale
( que les modernes ont cru reconnaître dans le gibbar), et
d’autres monstres pélagiens. Il en résulte que , sans avoir
égard au système respiratoire ou sexuel , les Grecs désignaient
indistinctement, sous le nom de mra'J'ti et de »«r»,
tous les- animaux marins d’une très-grande taille : preuve,
s’il en fallait encore r combien l’anatomie est nécessaire pour
établir de justes limites entre les espèces d’animaux dont,
la ressemblance extérieure est souvent trompeuse.
Linné, se prévalant des avantages que les modernes, et
surtout le célébré Ray, avaient introduits dans leurs mé—
(1) Aristote , Histoire des animaux, liv. Ht.
(2) Le même d it, liv. I , chap. V , Habent delphini fistulama dorso , JUttS
(3) 11 parle cependant des e'yents au plurieL Ora balcenoe habent infrontibus
Nat. Hist., 1. IX , c. 6.
(4) Liy. I X , chap. X U X ,.. et liy. X V I , chap. XYIH.
thodes, comprit les cétacés dans une classe, qu’il distribua
en cinq genres. Les narwals en composent le premier ; les
baleines occupent le second rang; les oudres, les cachalots
et les dauphins, terminent la série (1). On est surpris, après
cela, de voir son disciple Artédi (2), d’ailleurs excellent observateur
et rempli d’idées philosophiques, confondre les
cétacés, le dugon et le lamantin dans la classe des poissons.
Fabricius (3) et Bloch (4) ont adopté la classification du
naturaliste suédois; mais Brisson (5) a corrigé cette méthode,
en y portant une plus grande précision. Il établit deux ordres
séparés, qui se distinguent par la présence ou le défaut de
dents osseuses. La sous-division des genres est basée sur la
forme et la distribution relatives de ces organes.
Les services rendus à la zoologie par les célèbres naturalistes
que nous venons de citer, n’ont pu garantir M. Castel
de ressusciter d’anciennes erreurs. On doit en effet s’étonner
de trouver dans son ouvrage les cétacés confondus parmi
les poissons. L ’auteur nomme, en conséquence, les membres
pectoraux du cachalot les nageoires branchiales, comme
s’il pouvait douter que les cétacés sont de véritables mammifères
(6). 1
(1 ) Systema Natures, 12e édition, année 1766.
(2) Descript. Piscium, Ichtyologioe , pars P vordo V\pcrg.- 109,
N . B. I/ouvrage d’Ârtedi, imprimé en 1788, est de beaucoup antérieur à l'édition
du Systema Naturoe, où Linnæus fit ce changement dans^ la classificaiioiï
des cétacés. Cuv.
(3) Fauna Groenlandica , p. 29.
(4) Voyez l'ouvrage cité de R. Castel, à la page 10.
(5) Regnum animale} class. I l , p. 217, année 1762, édition de Leydev
(6) Hist. natur. des poissons, par Bloch > t. IX , p. 33»