j’avois réuni une partie des matériaux que je m’étois
procurés jusqu’alors,, et je m’étois efforcé de faire
sentir de quelle importance il seroit pour la France
d’introduire dans nos forêts diverses espèces d’arbres
de l’Amérique septentrionale, remarquables par la
bonne qualité de leur bois , et par une végétation
vigoureuse et accélérée. Quelque temps après, j’offris
mes services, sous ce point de vue, à l ’administration
forestière, qui les accepta : je retournai aux Etats-
Unis, et, malgré la difficulté des circonstances, j’ai
fait des envois de graines qui ont donné d’heureux et
abondans résultats , et j’ai eu la satisfaction de remplir
les espérances que l’on avoit conçues de mon
voyage.
Suivant le plan que je m’étois tracé, j’ai d û , à mon
arrivée en Amérique, consacrer presque tout mon
temps à l ’étude des arbres forestiers, considérés sous
leurs différens degrés d’utilité dans les arts. Les con-
noissances relatives à cet objet étoient principalement
dans la possession des artisans, et ce fut auprès d’eux
que je m’occupai de les recueillir, dans la vue de les
répandre , non-seulement parmi les Européens,
mais encore parmi les Américains des différentes parties
de l’Union. J’ai entrevu, dès mes premières tentatives,
toute l’étendue de la tâche que je m’étois
imposée, et j’ai reconnu combien étoit juste la réflexion
de M. Correa de Sera, dans son rapport à la
Société d’Agriculture du département de la Seine,
sur le voyage que je venois d’exécuter. « Quoique les
« sciences et les arts dussent se communiquer et
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« s’entr’aider, disoit cet habile naturaliste, le plus
« souvent ils marchent à leur but à l’insçu les uns
« des autres » C’est ainsi que les Eotanistes sont arrivés
au point de connoître scientifiquement le plus
grand nombre des arbres de l’Amérique septentrionale,
sans se douter à peine des propriétés de chacun
d’eux ; tandis qu’au contraire, un siècle et demi d’expérience
en a instruit les artisans des Etats-Unis.,
dont la plupart cependant ne peuvent pas toujours
discerner les espèces avec précision, dans les forêts,
par.leur feuillage, leurs fleurs ou leurs fruits. J’ose
me flatter que l’ouvrage que je fais paroitre remplira
le double but de faire connoître aux uns, les propriétés
de ces mêmes arbres, et aux autres les caràc-
tères extérieurs qui les distinguent, de manière à
éviter toute méprise.
Avant d’entrer dans aucun détail sur la marche que
j’ai suivie , je crois à propos de faire remarquer combien
les espèces d’arbres de haute futaie sont plusvvaf';
riées dans l’Amérique du nord qu’en France; et je
cite la France préférablement aux autres pays de
l’Europe, parce qu’elle est très ^favorisée sous le
rapport de la température. Le nombre des arbres
qui s’élèvent au-dessus de 9,7 4 mètres (trente pieds)
en Amérique, que j’ai tous observés et que je me
propose de décrire, : est de cent trente-sept, dont
quatre-vingt-quinze sont employés dans les arts. En
France, nous n’en avons que trente.-sept qui parviennent
à cette élévation , dont dix-huit servent
à former nos forêts, et, parmi ces derniers, Sept