X e x p l i c a t i o n
étés moins chauds, et des hivers moins froids. Cette uniformité
de la température des pays maritimes, tient évidemment
à l’influence des vents et à la proximité d’un réservoir immense
d ’eau dont la température est sensiblement constante. Or les
provinces de l’ouest de la France, qui sont toutes maritimes ,
jouissent de cette espèce d’uniformité que ne peuvent avoir les
provinces de l’est, qui sont éloignées des mers, et voisines des
montagnes.
On doit aussi diviser les plantes en deux classes ; les unes
qui craignent les grands froids de l’hiver , mais qui, pendant
l’é té , n’ont pas besoin d’une grande chaleur; les autres qui ne
craignent point les grands froids de l’hiver, mais qui ont besoin,
pendant l’é té , d’une assez grande chaleur. Dans la première
classe , il est évident qu’on doit placer , par exemple, les arbres
qui, sans être résineux , conservent leurs feuilles, et par
conséquent leur seve, pendant 1 hiver; et en effet la plupart des
arbres du midi qu’on retrouve , soit indigènes , soit naturalises,
vers le nord dans les provinces maritimes , appartiennent à
cette classe j tels sont le chêne-ieuse , le chêne-liège, le chêne au
kermès, l’arbousier, le laurier franc , le figuier, les philana, la
pervenche à grande fleur. On doit, au contraire, placer dans
la seconde classe, c’est-a-dire , parmi les plantes qui ne crai^
gnent pas les grands froids de l’hiver , celles qui peuvent leur
résister, parce que la sève y est interrompue par la chute des
feuilles, comme la vigne , etc. , et celles qui leur échappent,
parce que les plantes, ou au moins leurs tiges, sont annuelles,
comme le maïs , etc. On conçoit donc facilement que les plantes
de cette seconde classe naîtront plus Volontiers , et seront naturalisées
plus facilement dans l’est que dans 1 ouest de la France.
Relativement aux plantes cultivées, il est nécessaire d’ajouter
une dernière observation, savoir , que celles qui se cultivent
pour obtenir leurs fruits, devront être préférablement réserr
vées pour les pays oh il fait très-chaud pendant l’été ; ainsi la
vigne est cultivée avec profit sur les revers méridionaux des
Alpes , dans les lieux dont la température moyenne est plus
froide que la Bretagne ou la Normandie, mais oh il fait très-
chaud pendant l’été , et oh on est sûr que le raisin mûrira.
Ce même a rbus te n’ e s t pas cu ltiv é dans le nord de la France,
non qu’il y périsse, mais c’est que ses fruits y mûrissent mal ,
parce que l’été n’y est pas assez chaud. Au contraire , les plantes
D E L A C A R T E B O T A N I Q U E . xj
que nous ne cultivons pas pour obtenir leurs fruits , quoique
indigènes des pays les plus méridionaux, sont facilement cultivées
dans toute la France : tel est l’artichaud , 'la lavande , le
micocoulier , etc. Je ne pousserai pas plus loin ces observations,
qui me paroissent, suffisantes pour expliquer pourquoi, en France,
les plantes du midi approchent plus vers le nord du côté de
l’ouest que du côté de l’est, et pourquoi plusieurs plantes cultivées
suivent une marche inverse.
Quelque importance que j ’aie attaché jusqu’ici à la hauteur au-
dessus du niveau de la mer, en tant que cause de la température,
je suis loin cependant d’attribuer à cette hauteur autant
d’influence sur la végétation , que le font plusieurs Naturalistes
célèbres, qui pensent que la diminution de la densité de l’air
influe beaucoup sur les plantes : comment concilieroit-on celte
influence de la raréfaction de l’air, avec d’autres faits très-généraux
et connus de tout le monde ; savoir que dans toutes les
montagnes oh le sol permet la végétation, on trouve des plantes
jusque auprès des neigeséternelles, quelle que soit leur hauteur ;
que les plantes des hautes Alpes se retrouvent dans le nord de
l’Europe , dans les lieux oh l’air est beaucoup plus dense , mais
oh la température est égale à celle de ces montagnes; que ces
plantes des Alpes peuvent, avec des précautions, être cultivées
dans les plaines les plus basses ; que quelques-unes même de celles
qui croissent sur les hautes Alpes , se retrouvent sur les bords de la
ïiier; que dans les mêmes montagnes les mêmes plantes s’élèvent
plus haut sur le revers méridional, que du côté du nord ; que
dans les zones tempérées oh la hauteur ne détermine pas seule
la température , on observe beaucoup d’anomalies relativement
aux élévations auxquelles les mêmes plantes se trouvent, tandis
qu’on en remarque très-peu dans les pays voisins de l’équateur,
oh la hauteur presque seule détermine la température. Je crois
donc que , d’après ces faits , on peut regarder comme prouvé
que la hauteur des montagnes n’influe sur la végétation qu’en
tant que cause de la température.
‘On a encore, dans quelques écrits, attribué une grande importance
à la nature chimique des terreins dans lesquels les
plantes croissent, et peut-être pensera-t-on que j ’aurois dû les
indiquer dans cette Carte botanique; mais j’observerai que tous
les faits de la Botanique générale tendent, ce me semble, à
prouver le peu d’influence de celte cause. Je ne nie point que