( i u H
Lorsque nous arrivâmes dans cette ville, le i 5 juillet 1829 , nous apprîmes que le président de la
Grèce, Capo-d’Istria, s'y trouvait, depuis quelque temps, pour l’ouverture de la session législative, qui
devait avoir lieu peu de jours après. A cet effet, on déblayait, pour recevoir le public, les gradins du
théâtre antique, et l'on construisait au bas une salle d’assemblée dans laquelle d’autres gradins étaient
réservés pour les députés. Cette salle s’ouvrait de tous côtés, afin de permettre aux spectateurs, placés
dans le théâtre, de voir et d’entendre toutes les délibérations de l'assemblée. Parmi les députés qui
étaient à Argos pour cette solennité, on distinguait Nikétas, Miolis, Colocotroni, Grivas ;et Piétro Bey.
Certes : c’était un beau spectacle1 que 'de voir, après tant de siècles dé-despotisme et de 1 servitude,
la Grèce, ¡délivrée de ses .chaînes et protégée par1 les plus grandes'puissances de l’Europe, réünirdans
l’antique théâtre; d’Argos, soüs la présidence d’un habile diplomate-, Grec lui-même, les hommes qui
s’étaient immortalisés par leur bravoure dans une guerre d'extermination;'et qui allaient donner à leur
pays des lois constitutionnelles ^premier bienfait de cette grandè régénération.
Nous rencontrâmes le colonel Bory; il nous dit que son domestique était mort de là fièvre; due
presque tous les membres de.sa section;étant tombés malades à Monembasie, il les avait fait, non
sans peine, transporter à Nauplie, d’où quelques uns, qui se trouvaient.encore en très-grand danger,
devaient s’embarquer le plus tôt possible pour retourner en France, étant tout à fait hors d’état de
continuer leurs explorations. En même temps nous apprenions, d’un autre côté, que M..Dubois et un
membre de sa isection, surpris par la maladie à Patras, avaient.été>forcés de quitter la Grèce; que la
plupart des officiers d’étatrmajor, répandus dans le Péloponèse pour les opérations* géographiques, étaient
aussi arrêtés, par les mauvaises fièvres du pays,-et que déjà deüxiou trois d’entre eux y a-yaient succombé?
Un commencement de typhus venait de se déclarer à Nauplie', et emportait, -chaque jour, quelques-
uns de ses habitants. Les fatigues e t les privations que nous avions’ supportées depuis notre entrée en
campagne, jointes aux chaleurs excessives qui se faisaient alors sentir, et qui avaient eu une si fâcheuse
influence sur nos compatriotes, et même sur les habitants du pays, devaient bien nous faire penser qu’une
fois dans la plaine si malsaine d’Argos, .nous ne pourrions pas échapper à la maladie;1 G’est ce qui'arriva
en effet. Après avoir terminé nos.travaux d’exploration dans Argos, à Mycènes, à Tyrinthe, à'Nàuplie,
nous fûmes en deux> jours atteints de la fièvre. Des sept hommes qui composaient notre section, ÿ compris
deux sapeurs .français, et un domestique grec, un seul resta debont<et en état de soigner les-autres y ce fut
un de nos. soldats.
-Dès que le président Capo-d’Istria nous sut malades, il nous envoya son premier médecin, le docteur
Taglia Pétra, originaire .des îles Ioniennes, mais qui avait étudié la médecine en France. Sonrare talent,
et les soins obligeants qu’il nous prodigua dans cette circonstance, nous mirent, au bout d’une quinzaine
de jours, en état de reprendre nos travaux : cependant nous résolûmes alors d’aller, par précaution, dans
Ifis Cyclades passer le temps des plus grandes chaleürà : ce que nous ne fîmes , toutefois , qu’après
avoir embarqué M. de Gournay, qui, n’ayant pu se rétablir assez: pour nous accompagner'; était.forcé
de retourner en France;
ARGOS.
Argos est une des plus anciennes villes de la Grèce; les historiens en font remonter la fondation à
Inachus, qui fut son premier roi. Après avoir passé sous la domination romaine, elle fut cédée aux
Vénitiens eu. i 388; Bajazet s’en empara et la détruisit presque entièrement en 1897. Enfin, les Vénitiens
1 ayant reconstruite, elle tomba de nouveau au pouvoir des Turcs en i 463-
Pausanias donne les noms des principaux monuments qui se trouvaient à Argos de son tem ps ;;les voici :
« Temple d Apollon Lycien; c’est le plus beau qüedes Argiens aient dans leur ville; La statué'qu’on y
voit maintenant est 1 ouvrage d Attale, Athénien ; l’ancien temple et là statue en bois étaient une offrande
de Danaüs : trophée d’une victoire remportée sur les Corinthiens. Teruple.de Jupiter Néméenç le dieu
est debout, èt sa statue, en bronze, est l’ouvrage de Lysippe; à droite, le>tombeau de Phoronée. Au-
dessus du temple de Jupiter Néméen, s’élève l’antique temple de la Fortune ; un peu plus loin, les statues
de Polynice, fils d’OEdipe, et de tous les chefs qui furent tués avec lui devant les murs de Thèbes. A peu
de distance, le temple des Saisons, orné de statues ; le tombeau de Danaüs; le temple de Jupiter.Sauveur,
f g f f p 1 l i l i
'et l’édifice où “les femmes argiennes voùiypleurer la mort d’Adonis. Témple de Céphise ; derrière, est lé
tribunaly tOut près, le théâtre, et, au-dessus du théâtre, le temple et;la statue de Vénus Nicéphore; On
raconte que Danaüs, irrité dè ce qiie, seule de toutes ses filles, Hÿpermnestre avait refusé d’exécuter ses
ordres, la livra à un tribuual pour être condamnée. Elle fut jugée par les Argiens, gagna sa cause, et
érigea, par rëcôiinaissancé,?ün temple et une statue à Vénus Nicéphore. En descendant du temple de
Vénus pour retourner à la place publique, un temple d’Escülape, un autre de Diane, et une place nommée
le Delta. Tombeati d’Hypermnestre. Temple de Minerve Salpinx (trompette); à quelque distance, celui
de.Latone; et;Aajdroitè, cehii dé Junon Antheia; à Toppositè, .le temple dés Dioscùres. En allant au
Gymnase, on trouve, dans un chemin creux; le temple dè Bacchus, et; tout près, la maison;d’Adraste;
puis, ‘le'temple d’Amphiarâüs, l’encèinte ’d’Esciilapè; ét;enfin un temple magnifique de ce dieu'. »
On y voyait encore ; selôn-lè mêmé-écrivairi, un beau bas-relief :dé Cléobis èt Biton traînant un char,
et conduisant leur mèrè aü terûple de Junon; et une statue de Jupiter; remarquable parce quelle avait
trois yeux, et parce que-Sthéñélus l’avait rapportée dé TrQievfG’était; disait-on, celle au pied dé laquelle
Pyrrhus, fi 1s d’Achille-avait immolé le vieux Priàm.
Quant à la nouvelle Argos (Argo), elle n’a que quatre mille habitants ; mais comme chaque maison a
son jardin, elle occupe autant d’espace que l’ancienne ; l’air de propreté que nous lui avons trouvé ne se
rencontre pas toujours dans les autres villes de la Morée. Celle-ci est dans une très-belle position, à une
lièue et demie de la mer, au fond du golfe de Nauplie ou d’Argos. Elle, est adossée au mont Chaon, et
elle a d’un côté.-les montagnes de la Laconie, et de l’autre les hauteurs de l’Épidaurie.
, Nous avons retrouvé, de l’antique Argos,' les.restes du grand théâtre ; les gradins, qui ont été taillés
d'ans le roc, à la base du mónt sur lequel est bâtie la citadelle, sont très-bien conservés. En avant de ces
gradins sont de grandes ruines romaines, en briques, dei même construction que quelques autres,
moins importantes, qui se .trouvent dans les environs (voir la carte et les dessins de tous ces vestiges).
Au sud, et tout près du grand théâtre, sont d’autres gradins d’un théâtre plus petit, au-dessous desquels
on voit des substructions en blocage; probablement les restes du Proscénium.
Au nord, toüjours à la base deTâ citadelle;'së voit uiëcônstrùctiôn, au fond de laquelle est une niche
que l’on reconnaît pour le débouché d’un aqueduc, dont une'grande partie se retrouve plus loin, à la
meme hauteur. Cette ruine d’un ancien ouvrage romain a pour base un plateau que supporte une autre
construction dite cyclopéenue, e t dans laquelle, on aperçoit quelques traces d’inscriptions et dè sculptures.
Cette dernière est coupée vers le milieu par une muraille moderne, qui paraît avoir été/faite pour
fermer l’entrée d’un souterrain. L’importancè dè là cOnstractiOn ; et la particularité qué nous venons
d’indiquer, suffisent pour faire conjecturer que là pouvait être l’entrée des prisons de Danaé, ou
des galeries souterraines dont Michel Fourmont donne la description dans son voyage manuscrit,
et qué, malgré toutes nos recherches, nous n’avons pu retrouver. Plutarque parle aussi de ce passage,
par lequèl on pénétrait dans là ville.
On a creusé à Argos une grande quantité de citernes. Au sud-est, est une mosquée ombragée de cyprès,
et que quelques auteurs prétendent avoir été élevée sur l’emplacement du temple de Vénus Nicéphore. .
Le monastère de Catéchouméni (la vierge d’Argos) paraît remplacer le temple de Junon Acræa, au
nord-est de la citadelle, sur le penchant de la montagne.
En montànt à la citadelle par lé côté sud de la montagne, on trouve des fragments de mur de construction
cyclopéénne, d’un mur d’enceinte qui commençait probablement à la ville basse et s’étendait jusqu a
l’acropole.,Lés murailles de la citadelle d’Argos ressemblaient à celles de Mycènes et de Tyrinthe; elles
étaient si fortes que Cléomène, dans la guerre achéenne, ne put, malgré tous ses efforts, parvenir à les
renverser. ■
On voit encore une grande partie des murs de l’ancienne acrópolis : ils forment la base du fort moderne
intérieur, bâti par les Vénitiens; une seconde enceinte, plus grande, enferme cette première; mais nous
n’y vîmes point de constructions antiques : celles qui existent dans l’enceinte intérieure sont de différentes
époques (voir les dessins). On retrouve aussi sur l’acropole quatre belles citernes antiques, taillées dans
le roc, et revêtues de ciment. Dans les murs modernes du fort sont quantité de fragments antiques, qui y
Ont été employés comme matériaux. Nous n’àvons pas vu-, à la base de la muraille, du côté du midi, une
* Pausanias.
46