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le u r description p a r cette phrase b an ale: «Cette P oire n ’est p eu t-ê tre pas dep ren iiè ro qualité
, mais elle est excellente à cuire.» J ’a jo u te ra i: « avec un peu de su c re» , comme je l’ai
entendu répé te r, avec une légère ironie, p a r c ertain d é g u sta teu r de nos jurys d ’expositions.
Si la Poire à cuire ne devait être qu ’une sorte d ’éponge employée à absorber le vin,
le sucre e t les parfums que l’on prodigue pour la re n d re passable au goût, ou rempla c er
les côtes dc melon et les quartiers do courge dans certaines confitures dc ménage, souvenir
de mon enfance, je ne m’élèverais pas contre ces appréciations tro p louangeuses;
mais là ne sc b orne pas Tusage de ce genre de fru it qui sem b lerait si commun e t que je
tiens cependant p our assez rare. Toute P o ire ,m êm e p a rm i lesm eilleures à couteau, n ’est
pas bonne à cuire. La véritable bonne Poire à cuire ou Poire destinée à Téconomio du
ménage, comme la nommaient nos anciens, doit c o n stitu er un aliment sain, agréable et
d ’un p rix peu élevé, et comment peut-elle rem p lir to u te s ces conditions? L’arb re d ’abord
doit ê tre rustique et d ’une fertilité à to u te épreuve ; son fru it de facile conservation et
de longue ga rd e ; la cbair en ê tre fine, serré e, même cassante, un p eu sèche, riche en
sucre et en parfum des plus prononcés. Je passe volontiers su r son volume, pourvu que
sa peau ne soit pas trop épaisse, ni ses pépins tro p gros. Parmi les fru its réunissant ces
conditions, je citerai, entre les fruits anciens déjà décrits dans le Verger, le Bon-Chrétien
d ’hiver, le Messire-Jean, le Martin-sec et le Rousselet d'hiver, et en tre ceux de date plus
récente : le Colmar Van Mons ou Colmar des Invalides, la jmire de Curé, la Cassante de
mars. Si Ton désire des variétés plus précoces, c a r la P o ire à cuire jo u e un rôle utile
dans les desserts de toute saison, on choisira la Chair à Dame, la p lu p a rt des Blanquets,
T.-l/i, mon Dieu! le Rousselet de Reims. Ces Poires cassantes ou de ch air un peu ferme
doivent ê tre employées de pré fé renc e aux Poires fondantes, assez insignifiantes en compotes,
avant q u ’elles aienl, p a r le u r ma tu ra tio n , achevé leu r sucre et le u r p a rfum, et qui,
à leu r ma tu rité complète, ont l’inconvénient de fondre tro p facilement à la cuisson et
de p e rd re ainsi la plus grande p a rtie de le u r saveur. On doit aussi se ra p p e le r que la
Poire à cuire n ’est pas dans toute sa perfection au moment où Ton vient de la cueillir. Il
faut, comme pour les autres fru its, lui laisser achever ce travail mystérieux dont la
chimie est encore à c h e rch e r le secret, que Ton appelle m a tura tion, et p a r lequel sa
chair, auparavant froide e t sans chaleur, devient sucrée et ag ré ab lem en t parfumée. La
cuisson, comme on s em blerait le c ro ire , ne supplée pas à c ette élab o ra tio n , à cette
ré a ction lente des différents composés de la ch air les uns sur les au tre s. Essayez-le, e t
vous trouverez une grande différence de qualité en tre une Poire cuite avant ma tu rité et
celle dont Todeur ou l ’apparence vous annonce que le travail de matu ra tio n est achevé.
Ce que je viens de dire de la Poire à cuire s’applique aussi à la Poire à sécher, et si
elle d o it ê tre mise entière au four ou à Tétuve, je lui demande deux qualités de plus,
une peau mince et une chair encore plus sèche. Elle se relire moins, so conserve plus
facilement, et, comme sa peau no p eu t ê tre enlevée lo rsq u ’on la consomme plus tard,
elle co n tie n t alors moins de matières non nutritives qui chargeraient Testomac en pure
p e rte . Cette méthode de p ré p a re r les Poires ainsi que certaines variétés de Prunes est,
je crois, p eu rép an d u e, e t, cependant, je connais des localités où des variétés rustiques,
do n t le fru it serait dédaigné p a r la p lu p a rt de nos pomologistes, fournissent à Thabilant
de la campagne d’excellentes provisions de ménage d ’une facile conservation et dont
l ’usage est p e u t-ê tre encore plus hygiénique que celui du Pruneau. Les poires destinées
à cet usage sont plus vineuses et plus toniques que les Prunes.
M a s . .
CINQUIÈME ANNÉE. N® 6 15 JUILLET 1 8 6 9 ,
LE VERGER
PUBLICATION PÉTl lOUIQUE D’ATÎBOBICÜLTUIÎE ET UE POMOLOGIE
REYÜE MENSUELLE
CHRONIQUE HORTICOLE.
— C’est avec bien grande raison que les gens sensés, to u t en approuvant la franchise
des convictions e t l ’in dépendance de la c ritiq u e , b lâm en t les attaques hargneuses e t les
colères de mauvais goût, et l ’occasion sc p ré s en te à moi d ’être ch,armé d ’avoir pu m é rite r
ju s q u ’ici les félicilations qu’ont bien voulu m’adre sse r à c e sujet certains de nos lecteurs.
Dans ma d e rn iè re c hronique , et avec une m o d é ra tio n dont je suis ou ne p e u t plus
h e u reu x en co m om en t de ne pas m ’ê tre d éparti, J ’ai combattu Topiuion personnelle
d ’un de mes collègues, M. Uouillard; j ’ai le ch ag rin d ’annoncer que fil. Rouillard, abattu
rap id em e n t p a r une grave maladie, a succombé il y a trois semaines. C’était un gran d
am a teu r de flo ric u ltu re , et le Jo u rn a l do n o ire S ociété est rempli des Revues qu’il
pu b lia it depuis plusieurs années. Tous les pomologues qui suivent les travaux du Congrès
savent q u ’il avait accepté la ru d e besogne de Secrétaire-général des dernières sessions..
C’était en o u tre un travailleur consciencieux, et qui, lui aussi, donnait son avis avec
fran ch ise. Il ren d a it depuis longtemps des services à Thorticulture, et rien ne faisait
c ro ire qu’il ne d û t pas lui en re n d re longtemps encore. M. Rouillard avait soixante-un
ans.
— J e reçois à l ’instant le p rogram m e de l ’im p o rtan te Exposition in te rn a tio n a le qui
va avoir lieu, l ’automne prochain, à Tournay, les 12, 13, l à et 15 septembre. En fait
d ’exposition, nos voisins les Belges savent faire les choses, et nous prévoyons ce que
sera celle-ci. On y affecte à la Pomologie S)7 médailles, p a rm i lesquelles 38 pour les
lots de Poires, 18 p o u r ceux dc Pommes et 22 p o u r ceux de Raisins. Le programme
me p a ra ît g énéralement étudié avec s o in , on voit que la Société s ’est beaucoup
plus p réoccupée, dans la p lu p a rt des cas, de T u tilité des visiteurs e t du développ
ement des bonnes cultures que des facilités données si souvent aux exposants d ’entasser
des masses de variétés de fru its, d o n t b ie n souvent un bon tiers ne vaudraient
pas seulement la corde p o u r les suspendre. Certains concours exigent positivement des
variétés re commandables et dont ils d o nnent la lis te ; fo rt bonne mesure. J ’en aperçois
toutefois avec reg re t un déplorable, le àà% p o u r les Poires de parade, lequel se cache
to u t honteux à la fin d ’une section.
Si la Belgique voulait acc ep te r un h umble avis de ma p a rt, elle p o u rrait ren d re un
bien plus grand service. Qu’à sa p rochaine Exposition internationale elle ouvre im
im m en se concours spécial p o u r les arbresqm p ro d u isen lc es détestables fim ts de parade;
q u ’elle fasse un ch,aleureux appel à to u te s les nations p roduc trice s, Europe, Amérique
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