
Les bonnes Pommes sont assez ra re s à c ette époque p o u r qu’on mette la main sur ce
qui nous arrivent, e t j ’engage fortem ent les frères Baltet à soumettre, au moment voulu,
des spécimens de leur récolte au jugement des Commissions de pomologie des Sociétés
d ’horticulture. Tout le monde y gagnera.
— Je n ’étais pas d ’accord, a v ant-hie r, au sujet d’un fruit douteux, avec un de mes
collègues. — Voyez Duhamel, me dit-il. — J ’ai vu Duhamel; il me donnait raison. Eh
bien ! malgré to u te la reconnaissance que je dois eu c ette circonstance au savant a u te u r,
je demande à risquer ici une observation. Ce n ’est certainement pas le respect qui me
manque pour les auteurs anciens et renommés qui nous ont laissé la description des
fruits qu ’on cultivait de leu r temps, mais je n ’ai jamais pu m’empêcher d ’éprouver un
c ertain étonnement en voyant comment, en présence des défiances qu’on oppose si
volontiers aux a u teu rs de nos jo u rs , même les plus érudits et les plus consciencieux, on
s ’e st toujours si bien gardé d ’opposer le moindre doute à l ’opinion des anciens. Sans
compter qu’au temps où ils écrivaient, n ombre de synonymies ou de renseignements,
uniquement transmis p a r la trad itio n , — qui sait si bien a lté re r les choses I — pouvaient
ê tre iiiconiplets ou inexacts, personne n’oserait soutenir q u ’il ne le u r manquait pas, en
outre, pour mieux vérifier leurs dires, la facilité des communications et des correspondances
que nous possédons m a in te n an t; personne ne p o u rra it nier qu’aujourd’hui, avec
les voyages si faciles, avec les écrits si multipliés, avec ces réunions d’hommes spéciaux,
q u ’on ne connaissait pas alors. Sociétés d’h o rlicu ltu re. Comices et Congrès, avec les
Journaux, les Hevues, les Bulletins e t les Annales, nous ne soyons à même d ’être au
moins aussi bien informés que nos prédécesseurs. Et cependant, quand vous avez cilé
ou M e r le t, ou La Quintinye, ou les Chartreux, ou Duhamel, ou n ’im p o rte qui d ’a u tre fois,
il n ’y a plus rien à dire et l ’opinion est fixée, comme s’il était impossible q u ’aucuii
d ’eux ait pu se trom p er aussi hioii que nous nous trom perions nous-mêmes ! Est-ce
q u ’il n ’a pas pu a rriv e r alors, comme cela arrive parmi nous, q u ’un fru it nouvellement
obtenu, par exemple, ait été d é crit p a r l ’un d ’eux de confiance et sur le dire d ’un autre
qui se trom pait lui-m êm e ? q u ’un peu d ’enthousiasme pour un a rb re qui leu r é ta it cher
ou d ’antlpaüiie pour un gain étranger a it pu modifier le u r ju g em en t dans un sens ou
dans l’a u tre ? que le besoin même de décrire les premiers un fru it connu à peine, — et
ils nous ont bien laissé cela dans le u r héritage ! — les ait conduits k a p p o rte r des
alTirmations douteuses el sur lesquelles nous nous basons encore de nos jours ? Est-ce
que, pour avoir vécu dans un siècle précédent, ils seraient p our nous infaillibles? Non;
a tous CCS hommes de travail cl de science nous devons certes une forte somme de
reconnaissance e t dc considération, mais sous peine de ne pouvoir sortir de l ’e rre u r et
de la propager encore nous-rnéraes, rien ne nous empêche de nous soustraire, au besoin,
à leur tutelle et de reclificr leurs décisions, si l’une nous p a ra ît despotique et les autres
inexactes. — Voilà cc qu’aurait pu me rép o n d re mon collègue ; il ne l ’a pas fait, parce
q u ’il s’est incliné devant son idole, et su rto u t parce qu ’il n ’est ni cassant ni opiniâtre
dans la défense de ses idées S’il ouvre jamais école, j ’enverrai son adresse à
d ’autres.
— Avez-vous in tro d u it dans votre ja rd in fruitier quelques pieds du poirier Duchesse
deMouchy? Non? — En avez-vous du moins fait quelques greffes î Non p lu s? ......
— Allons, tant mieux !
T h . B ü c u e t e ï .
LE VERGER
PUBLICATION PÉRIODIQUE D’ARBORICULTURE ET DE POMOLOGIE
REVUE MENSUELLE
CHRONIQUE HORTICOLE.
— C’était dernièrement, ici, à Paris, au sein de no tre Société d ’h o rticu ltu re ; une
Commission nommée p our faire un rap p o rt sur L 'a r t de greffer, dc M. Ch. Baltet, déposait
son travail. Elle avait pris son temps, c ’est vrai, mais enfin elle avait achevé. Elle
concluait par une demande de récompense; pour qui connaît l ’ouvrage, n e n ici que de
fort naturel. Une voix s’éleva c ependant, déclarant que L 'a r t de greffer ne contenait n e n
de nouveau et q u ’une récompense devenait dès lors inutile. — C’est bien ce que vous
avez dit, n ’est-ce pas, mon cher collègue ? Aussi, moi qui connais la rectitiffle habituelle
de votre ju gement, je ne vous cache pas que j ’ai cherché en ce moment-là si la protesta
tio n ne sortait pas d ’une autre bouche que la vôtre. Rien de nouveau! Mais q u e lp n r e
de greffe nouvelle voulez-vous donc q u ’on nous trouve m a intenant, — exécutable ou
non, — qui n ’a it pas été inventée, prônée, mise en oeuvre — e t manquée même, — depuis
qu ’on a eu l ’idée de p ren d re deux brins de végétaux et do les forcer à se joindre, a
s’embrasser, à se be cque te r, à se pincer, à se p e rc er, à so mordre, à se m a rie r enfin
malgré eux et de toutes manières ? Vous avez lu sans doute, je lo vois bien, to u t ce qui
s’est écrit su r le greffage depuis Caton ju sq u ’à Noisette, en passant par Columelle,
P ie rre Bellon et L a n d ric ; mais, franchement el la main sur la conscience, est-ce que
vous avez souvent rencontré , dans la ma tiè re , un ouvrage simple e t pra tiq u e , sans p -
d an te rie ni charlatanisme, q u in e dise ni trop peu ni trop, qui renvoie les vieilles greffes
enchevêtrées et impossibles re jo in d re les vieilles lunes rousses dans le domaine de la
fantaisie? En avez-vous vu beaucoup de ces petits livres bien étudies, clairs et "
le praticien trouve to u t ce qu’il sait et l ’amateur to u t ce qu’il veu
n ’a it pas sa place et où le nécessaire ait to u t juste la sienne, ou 1 auteur ®
q u ’il ne l’ait pratiqué lu i-même , où le dessin accoure à to u t in s ta n t à 1 aide de ‘ >
où chaque plante enfin indique soigneusement tous les genres de greffes qu elle ™PPO •
Vous n ’en avez guère trouvé de ceux-là, bien sûr, dans cette spécialité. Croyez-mo ,
mon cher collègue, - il y a si peu de choses nouvelles ! - ne disons pas ‘™P ;
„ Est-ce nouveau? B disons plutôt : « Est-ce bon? est-ce bien fai ? est-ce ut>le ■ E
p uis, remarquez-le bien, - car ce n’est pas un mince mérite par ce lemps-ci, - ‘ “ ®u
L t h o n n ê te ; à l ’instar de beaucoup d ’autres, il ne dévalise pas ses
vivants, pauvres ou riches ; les procédés qu’il décrit, il en renvoie, ®
mérite à leurs véritables auteurs, e t c’est même lui parfois qui se charge de les fane
c o n n aître . Ajoutez encore à cela le travail palient.-le choix judicieux, les sages conseil ,
e t j ’aime à lo croire, à tous ces mérites réunis vous no refuserez plus une mince recoin