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AMÉNAGEMENT DU JARDIN FRUITIER.
Q u e lle e s t la m e i l le u r e p r o p o r t io n ù é t a b l i r e n t r e l e s v a r i é t é s <Ie p o i r e s p r é c o c e s
e t le s v a r i é t é s «le p o i r e s ta r d iv e s .
Voilà bientôt le moment de rep ren d re les ])lantations interrompues par les rigueurs
de la saison, et l ’on po u rrait assurer d’avance que chaque am a teu r ou ja rd in ie r so prépare
à introduire dans ses cultures plus de variétés de poires d ’hiver que de variétés de poires
d ’été ou d’automne. L ’ambition d’obtenir un prix élevé d ’un fruit ré e llem en t de luxe et
dont la vente n ’est cependant rém u n é ra tric e que dans c ertaines circonstances, e n tre tien t
cet engouement que je voudrais comba ttre , parce q u ’il nuit aux progrès de l’aimable et
utile science de la pomologie. Heureux si p a r mes arguments j ’arrive à temps p o u r faire
modifier les notes do demandes aux pépiniéristes déjà préparées avec tant de soin.
Dopiiis longtemps je suis rangé à l ’opinion de rniè rement émise dans la Bevue de rhorticulture
p a r l ’honorable professeur Gressent, sur la nécessité de ren d re l’aménagement
des jardins fruitiers plus démocratique. Sans donner à mes motifs la même âp re té de
récrimination contre une organisation sociale qui a disparu, je veux p la id e r la même
cause avec lui. Sans approuver tous les moyens qu’il juge impérieusement nécessaires à
cotte reforme, je veux en in d iq u e r un qui n ’a pas, je crois, encore été signalé ot que je
regarde comme le pins radical : p lan te r plus de poiriers à fruits précoces que de poi-
l’icrs à fruils tardifs.
De nombreuses oppositions vont s ’élever contre u n e proposition si peu conforme aux
idées propagées p a r tous les maîtres en arboriculture et trop facilement acceptées p a r le
plus grand nombre do leurs élèves. Qu’ils veuillent bien m ’enten d re et on recevoir la
preuve basée sur une expérience assez longue pour être concluante.
Depuis vingt ans, je cultive p lusieurs milliers d ’arbres fruitiers et j ’on écoule les produits
sur le marché de la pe tite ville que j ’h a b ite .. Dès le début, je m’étais atta ché à l’idéal de
tous les planteurs : cultiver une grande p ro p o rtio n de variétés à fruits d ’hiver ; ils devaient
atteindre un prix plus élevé et je me p rép a ra is une condition de succès. Qu’ai-je obtenu ?
Les variétés précoces que j ’avais réd u ite s , dans mes plantations, au nombre seulement
utile p our les éludes que je poursuis, so sont, à peu près toujours, bien comportées.
Elles so sont montrées pour la p lu p a rt plus rustiques que les variétés d ’hiver. Leur fécondité
ne laisse rien à d ésirer et leurs récoltes, malgré leur abondance, n ’ont jamais
manqué de preneurs. Les variétés tardives, au contraire, deviennent pins délicates à
mesure que leurs arbres avancent en âge. Quoique très-nombreuses dans mes collections,
après le déchet occasionné p a r les vents, p a r la p o u rritu re , leurs récoltes o n t toujours
été beaucoup plus faibles e t j ’en trouve à g ran d ’peine le placement à des prix qui ne sont
pas on ra p p o rt avec les dépenses nécessaires à les produire. En un mot, recettes satisfaisantes,
dès le milieu de ju ille t, maximum en août et septembre, diminuant graduellement
depuis le mois d ’octobre p o u r devenir en hiver tellement au-dessous do celles
de l’été que je n’ose en accuser le chiffre. La raison de ce fait d o n t j ’ai acquis la certitude
est bien simple. Ma clientèle so compose p rincipalement, comme p artout, d ’ouvriers, de
marchands, de petits ren tie rs , tous gens obéissant aux instincts na ture ls qui ne so n t pas
faussés chez eux p a r des habitudes de luxe. En été, ils font avec du pain et quelques
fruits un repas hygiénique, auquel les invite l ’a rd e u r de la s.aison. En hiver, le même
besoin ne se fait plus sen tir; les aliments plus substantiels, plus p ro p res à suppléer à la
déperdition du c.alorique, leu r conviennent mieux ; les fruits sont p o u r eux du supcrllii,
môme au p rix qu ’ils no disculaient pas en été.
Je vais au-devant d ’uno objection. Si j ’étais à proximité d’uno grande ville on si je me
décidais à expédier au loin, je tirerais un meilleur profit de mes fru its ; c ’est probable.
Mais en calculant la dill'érence de production entre un p o irie r à fruits d ’hiver et celui à
fruits d ’été ou d ’automne, ditfércnce beaucoup plus grande que l ’on ne semble le croire,
en a joutant à cette différence les frais de tran sp o rt et de commission, j ’ai acquis la conviction
que le p rem ie r a rb re paye bien moins largement que le second la rente de la
place q u ’il occupe dans mon ja rd in et les soins bien plus nombreux qu’il exige, tels
q u’abris, palisssage nécessaire à préserver les fruits dont le nombre diminue p a r les
coups do vent en raison du tem p s plus long qu ’ils doivent a tte in d re la cueillette ; puis
encore surveillance et rem aniem ent successifs ju sq u ’à ce que le meilleur choix soit enfin
confié à l ’en trep ô t repré sentant bien aussi une valeur locative. Je cite un exemple pour
ôtre mieux compris : jamais, chez moi, un arbre de Doyenné d ’hiver ou de Beurre d ’Har-
denpont, à conditions égales de ijorce et do santé, n ’a donné un bénéfice u c t aussi grand
qu’un arbro de Bon-ohrétien William ou de Louise-bonne d ’Avranches. Les fruits des
premiers p euvcntfairo bonne.mine à l’étalage du re s tau rateu r ou du m a rchand de comestibles
de la grande ville, mais à des prix tels q u ’ils sont ra rem e n t renouvelés dans la
montre. Los fruits des seconds commencent à abonder sur les marchés ot ne suffisent
pas à la consommation de chaque jo u r.
Admettons même que dans quelques positions, à la portée des grands centres et dans
de certaines conditions de sol et de climat, la culture des poires d’hiver soit réellement
rém u n é ra tric e ; ce ne serait que des exceptions ot dans la généralité des cas, l’a rb o ricu lte
u r soumis aux mêmes nécessités que je viens do signaler a rrivera aux mêmes résulfats.
Pourquoi donc lui conseiller une cu ltu re qui peu t-ê tre satisfaira son amour-propre, mais
qui ne le payera ni de ses peines, ni de scs avances. La grande masse des consommateurs
ren tre dans la classe de la clientèle d o n t je dispose, c ’est donc pour elle que nous devons
p lan te r à moins d’indications spéciales de lieux e t de climats.
Nous sommes bien décidé à m u ltiplier les poires précoces et à d o n n e r à peine un
qu a rt de no tre emplacement aux poires d ’h iv e r; il faut bien en cueillir quelques-unes
destinées aux cadeaux et au dessert des jo u rs de fêtes. Les variétés de poires d ’été sont
assez nombreuses, voyons quelles sont celles les plus propres à remplir no tre but. Dès
le commencement de ju ille t se présente une série de fruits petits, il est vrai, mais no
manquant pas de m érite. Ce défaut de volume n ’est pas, à mon avis, un m o tif suffisant
d ’exclusion. On voit toujours les a rbres à petits fruits plie r sous le poids de leurs ré coltes,
l ’a rb re à gros fru it se dresse fièrement p o u r frappe r l ’oeil par des apparences
extérieures et mieux cacher la stérilité de l’in té rieu r do sa c h arpente. Si le fruit est
pe tit peu m ’im p o rte; si sa ch air n ’est pas tro p cassante, si elle est suffisamment sucrée
e t parfumée, il sera toujours d ’une digestion facile ot par conséquent salutaire. J e pourrai
le céder à la demi-douzaine à plus bas prix que le gros fru it vendu à la pièce ; mon
acheteur sera plus satisfait et mon profit sera plus grand, car l ’arbrc à pe tit fruit p ro du
it bien plus de six p o u r un donné par l ’arbre à gros fruit.
D’ailleurs les fru its un peu gros sont rares à c ette époque, ot je me souviens à ce p ro .
pos de la confidence d ’un pomologiste semeur pe rsévé rant, mais ignorant sans doute
le système des compensations. Il me fatiguait de ses a spirations ambitieuses ; il voulait
o b ten ir un fru it très-gros, très-bon et mûrissant dans les p remiers jours de juillet. C’est
la pierre pliilosophale en pomologie que vous cherchez, lui répondis-jo, e t vous y p e rdrez
votre peine. La n a tu re a bien une v éritable complaisance à se lie r quelquefois à vos
désirs, mais ello ne peut en votre faveur rompre ses lo is ; jamais elle ne p ro d u ira sous
votre main, dans le court espace de trois mois, un fru it aussi gros, aussi parfait que celui
q u ’elle m e t cinq mois à former.
La limite naturelle de la m a tu rité de la poire est d ’août jusque en octobre. En deçà e t
au delà, les fruits de première qualité deviennent de plus on plus des exceptions à mesure
que lau r maturité s ’éloigne de cette époque. Les pomologistes semeurs le savent bien, et
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