dans les bois : ces fangliers coupés groffiffcnt beaucoup
plus que les autres, & leur chair eft meilleure
que celle des cochons domeftiques.
Pour peu qu’on ait habité la campagne, on n’ignore
pas les profits qu’on tire du cochon ; là chair fe vend
à peu près autant que celle du boeuf, le lard fe vend
au double, & même au triple ; le fàng, les boyaux , les
vilcères, les pieds, la langue, fe préparent & fe mangent :
le fumier du cochon eft plus froid que celui des autres
animaux , & l ’on ne doit s’en fervir que pour les terres
trop chaudes & trop fèches. La graiffe des inteftins
& de l’épiploon , qui eft différente du lard , fait le fàin-
doux & le vieux-oing. La peau a fes ufàges, on en fait
des cribles , comme l ’on fait auffi des vergettes, des
brodes, des pinceaux avec les foies. La chair de cet
animal prend mieux le fel , le falpêtre, & fe conferve
fàlée plus long-temps qu’aucune autre.
Cette efpèce, quoiqu’abondante & fort répandue
en Europe, en Afrique & en A fie , ne s’eft point trouvée
dans le continent du nouveau monde; elfe y a été
tranfportée par les Efpagnols, qui ont jeté des cochons
noirs dans le continent, & dans prefque toutes les
grandes ifîes de l ’Amérique; ils fe font multipliés, &
font devenus fauvages en beaucoup d’endroits ; ils ref-
femblent à nos fangliers, ils ont le corps plus court,
la hure plus greffe, & la peau plus épaiffe * que les
* Voyez Thift. gén. des Antilles, par le P. du Tertre. P æw, i 66j .
tome II, page 2 p j .
D U C O C H O N , ifc . 123
cochons domeftiques, qui, dans lés climats chauds, font
tous noirs comme les fangliers.
Par un de ces préjugés ridicules que la feule fùperfti-
tion peut faire fubfifter, les Mahométans font privés de
cet animal utile : on leur a dit qu’il étoit immonde,
ils n’ofent donc ni le toucher, ni s’en nourrir. Les
Chinois, au contraire, ont beaucoup de goût pour la
chair du cochon ; ils en élèvent de nombreux troupeaux,
c ’eft leur nourriture la plus ordinaire, & c ’eft ce qui les a
empêchés, dit-on , de recevoir la loi de Mahomet, Ces
cochons de la Chine, qui font auffi ceux de Siam &
d e l’Indé, font un peu différons de ceux de l’Europe-* ;
ils font plus petits, & ils ont les jambes beaucoup plus
courtes ; leur chair eft plus blanche & plus délicate :
on les connoît en France, & quelques perfonnes en
élèvent ; ils fe mêlent & produifent avec les cochons
de la race commune. Les Nègres élèvent auffi une grande
quantité de cochons, & quoiqu’il y en ait peu chez les
Maures, & dans tous les pays habités par les Mahométans
, on trouve en Afrique & en Afie des fangliers
auffi abondamment qu’en Europe.
Ces animaux n’affeélent donc point de climat particulier
, feulement il paraît que dans les pays froids le
fànglier, en devenant animal domeftique, a plus dégénéré
que dans les pays chauds ; un degré de température
de plus fuffit pour changer leur couleur ; les
* Voyez ci-après la defcription du cochon.
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