chent le plus du chien*, & fur-tout du chien à oreilles
droites, du chien de berger, que je regarde comme la
louche & le type de l’efpèce entière, font le renard &
le loup; & comme la conformation intérieure eflprefque
entièrement la même, & que les différences extérieures
font affez légères, j’ai voulu eflayer s’ils pourraient produire
enfemhle : j’efpérois qu’au moins on parviendrait
à les faire accoupler, & que s’ils ne produifoient pas
des individus féconds, ils engendreraient des efpèces
de mulets qui auraient participé de la nature des deux.
Pour cela, j’ai fait élever une louve prifé dans les bois
à l’âge de deux ou trois mois, avec ug mâtin de même
âge;ils étoient enfermés enfemble & feuls dans une affez
grande cour où aucune autre bête ne pouvoit entrer, &
où ils avoient un abri pour fe retirer ; ils ne connoiffoient
ni l’un ni l’autre aucun individu de leur efpèce , ni même
aucun homme que celui qui étoit chargé du foin de
leur porter tous les jours à manger: on les a gardés trois
ans, toujours avec la même attention, & fans les contraindre
ni les enchaîner. Pendant la première année,
ces jeunes animaux jouoient perpétuellement enfemble
& paroiffoient s’aimer beaucoup ; à la fécondé année
ils commencèrent par fe difputer la nourriture, quoiqu’on
leur en donnât plus qu’il ne leur en falloit. La
querelle venoit toujours de la louve : on leur portoit de
la viande & des os fur un grand plat de bois que l’on
pofoit à terre; dans l’inflant même la louve, au lieu de
fe jeter fur la viande, commençoit par écarter le chien,
& prenoit enfuite le plat par la tranche fi adroitement,
qu’elle ne laiffoit rien tomber de ce qui étoit deffus,
& emportoit le tout en fuyant ; & comme elle ne pouvoit
fortir, je l’ai vue.fouvent faire cinq ou fîx fois de
fuite le tour de la cour tout le long des murailles, toujours
tenant le plat de niveau entre fes dents, & ne le
repofer à terre que pour reprendre haleine & pour fe
jeter fur la viande avec voracité, & fur le chien avec fureur
lorfqu’il vouloit approcher. Le chien étoit plus fort
que la louve; mais comme il étoit plus doux, ou pluftôt
moins féroce , on craignit pour fa v ie , & on lui mit un
collier. Après la.deuxième année, les querelles étoient
encore plus vives & les combats plus frequens, & on
mit aufîi un collier à la Jouve, que le chien commençoit
à ménager beaucoup moins que dans les premiers temps.
Pendant ces deux ans il n’y eut pas le moindre ligne
de chaleur ou de defir, ni dans l’un, ni dans l’autre;
ce ne fut qu’à la fin de la troifième année que ces
animaux commencèrent à reffentir les impreffions de
l’ardeur du rut, mais fans amour; car loin que cet état
les adoucît, ou les rapprochât l’un de l’autre, ils n’en
devinrent que plus intraitables & plus féroces : ce n’étoit
plus que des hurlemens de douleur mêlés à des cris de
colère ; ils maigrirent tous deux en moins de trois
femaines, fans jamais s’approcher autrement que pour
fe déchirer : enfin ils s’acharnèrent fi fort l’un contre
l’autre, que le chien tua la louve qui étoit devenue la
plus maigre & la plus foible, & l’on fut obligé de tuer
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