le chien quelques jours après, parce qu’au moment qu’on
voulut le mettre en liberté, il fit un grand dégât en le
lançant avec fureur fur les volailles , fur les chiens, &
même fur les hommes.
J ’avois dans le même temps des renards, deux mâles
& une femelle, que l’onavoit pris dans des pièges , &
que je fàifois garder loin les uns des autres dans des
lieux feparés : j’avois fait attacher l’iin de ees renards
avec une chaîne légère > mais affez longue , & on lui
-avoit bâti une petite hutte où il fe mcttoit à l’abri. Je
le gardai pendant plufieurs mois, il fe portoit bien ; &
quoiqu’il eut l’air ennuyé & les yeux toujours fixés fur
la campagne qu’il voyoit de fà hutte, il ne laiffoit
pas de manger de très-grand appétit. On lui préfenta
une chienne en chaleur que l’on avoit gardée, & qui
n’avoit pas été couverte ; & comme elle ne vouloit
pas relier auprès du renard , on prit le parti de l’enchaîner
dans le même lieu, & de leur donner largement
à manger. L e renard ne la mordit ni ne la maltraita
point: pendant dix jours qu’ils demeurèrent enfichable,
il n’y eut pas la moindre querelle, ni fe jour, ni la nuit,
ni aux heures du repas pie renard s’approchoit même
affez familièrement, mais dès qu’il avoit flairé de trop
près fà compagne, le ligne du defir difparoiffoit, & il
s’en retournoit triflement dans fà hutte ; il n’y eut done
point d’accouplement. Lorfque la chaleur de cette
chienne fut paffée, on lui en fubflitua une autre qui
yenoit d’entrer en chaleur, & enfuite une troifième
& une quatrième; le renard les traita toutes avec la
même douceur , mais avec la même indifférence : &
afin de m’afï'urer fi cetoit la répugnance naturelle ou
l’état de contrainte où il étoit qui 1 empechoit de s accoupler,
je lui fis amener une femelle de fon efpèce,
il la couvrit dès le même jour plus d’une fois , & nous
trouvâmes, en la difTéquant quelques femaines après,
qu’elle étoit pleine, & qu’elle auroit produit quatre petits
renards. On préfenta de même fucceffivement à l ’autre
renard plufieurs chiennes en chaleur, on les enfermoit
avec lui dans une cour où ils n etoient point enchaînes ,
il n’y eut ni haine, ni amour, ni combat, ni careffes,
& ce renard mourut au bout de quelques mois, de
dégoût ou d ’ennui.
Ces épreuves nous apprennent au moins que le renard
& le loup ne font pas tout-à-fait de la même nature que le
chien ; que ces efpèces non feulement font differentes ,
mais féparées & affez éloignées, pour ne pouvoir les rapprocher,
du moins dans ces climats ;, que par confisquent
le chien ne tire pas fon ori ine du renard ou du loup,
& que les nomenclateurs * qui ne regardent ces deux
animaux que comme des chiens fàuvages, ou qui ne
prennent le chien que pour un loup ou un renard devenu
domeflique, & qui leur donnent à tous trois le
nom commun de chien, fe trompent, pour n avoir pas.
affez confiilté la Nature.,
* Canis caudâ (fimjhorfim ) recurva , fe Chien. Cm h cmidâ inairvâ,,
f e Loup. Canis caudâ nttâ,. f e RenarA. Limuei jÿjt- Uctt..
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