le fumier, l ’urine & la chaleur du corps de ces animaux
ranimeront en peu de temps les terres épuifées, ou
froides & infertiles; cent moutons amélioreront, en un
été, huit arpens de terre pour fix ans.
Les anciens ont dit que tous les animaux ruminans
avoient du fuif ; cependant cela n’eft exactement vrai
que de la chèvre & du mouton, & celui du mouton
eft plus abondant, plus blanc, plus fec , plus ferme
& de meilleure qualité qu’aucun autre. La graiffe diffère
du fuif en ce qu’elle relie toujours molle, au lieu que
le fuif durcit en fe refroidiffant. C ’efl fur-tout autour
des reins que le fuif s’amaffe en grande quantité, & le
rein gauche en efl toujours plus chargé que le droit;
il y en a au/fi beaucoup dans l ’épiploon & autour des
intellins, mais ce fuif n’ell pas à beaucoup près auffi
ferme ni auffi bon que celui des reins, de la queue
& des autres parties du corps. Les moutons n’ont pas
d ’autre graiffe que le fuif, & cette matière domine fi
fort dans l’habitude de leur corps, que toutes les
extrémités de la chair en font garnies ; le fàng même
en contient une affez grande quantité, & la liqueur
féminale en efl fi fort chargée, qu’elle paroît être d’une
confiflance différente de celle de la liqueur féminale
des autres animaux : la liqueur de l’homme, celle du
chien, du cheval, de l ’âne, & probablement celle de
tous les animaux qui n’ont pas de fuif, fe liquéfie par
le froid, fe délaie à l’air, & devient d’autant plus fluide
qu’il y a plus de temps qu’elle eft fortie du corps de
l ’animal; la liqueur féminale du bélier, & probablement
celle du bouc & des autres animaux qui ont du fuif,
au lieu de fe délayer à l’air, fe durcit comme le fuif, &
perd toute fa liquidité avec fa chaleur. J ’ai reconnu cette
différence en obfervant au microfcope ces liqueurs
féminales ; celle du bélier fe fige quelques fécondés
après qu’elle efl fortie du corps, & pour y voir les molécules
organiques vivantes qu’elle contient en prodigieufe
quantité, il faut chauffer le porte-objet du microfcope,
afin de la conferver dans fon état de fluidité.
Le goût de la chair du mouton, la fineffe de la laine,
la quantité du fuif, & même la grandeur & la groffeur
du corps de ces animaux, varient beaucoup fuivant les
différens pays. En France, le Berri efl la province ou
ils font plus abondans; ceux des environs de Beauvais
font les plus gras & les plus chargés de fuif, aufli-bien
que ceux de quelques autres endroits de la Normandie;
ils font très-bons en Bourgogne, mais les meilleurs de
tous font ceux des côtes ftblonneufes de nos Provinces
maritimes. Les laines d’Italie, d’Efpagne, & même
d Angleterre, font plus fines que les laines de France.
Il y a en Poitou , en Provence , aux environs de
S Bayonne, & dans quelques autres endroits de la France,
des brebis qui paroiffent être de races étrangères, Sc
qui font plus grandes, plus fortes & plus chargées de
laine que celles de la race commune : ces brebis pro-
duifent auffi beaucoup plus que les autres, & donnent
fouvent deux agneaux à la fois ou deux agneaux par an;
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