feulé raifion qu’il en donne, c ’eft que dans l’IIIyrie, (a
Poeonie & dans quelques autres iieux , il fè trouve des
cochons foiipèdes. Cet animal eft encore une cfpèce
d’exception à deux règles générales de la Nature, c ’eft
que plus les animaux font gros, moins ils produifent, &
que les tibipèdes font de tous les animaux ceux qui produifent
le plus; le cochon , quoique d’une taille fort au
delfus de la médiocre, produit plus qu’aucun des animaux
fiffipèdes ou autres ; par cette fécondité, auffi-hien
que par Ja conformation des telliciiles ou ovaires de la
truie, il femble même faire l’extrémité des efpèces vivipares
, & s’approcher des efpèces ovipares. Enfin il eft
en tout d ’une nature équivoque, ambiguë, ou, pour mieux
dire, il paraîtra tel à ceux qui croient que l’ordre hypothétique
de leurs idées fait l’ordre réel des chofes, & qui
ne voient, dans la chaîne infinie des êtres, que quelques
points apparens auxquels ils veulent tout rapporter.
C e n’eft point en reflerrant la fphère de la Nature &
en la renfermant dans un cercle étroit, qu’on pourra la
connoitre ; ce n’eft point en la faifant agir par des vues
particulières qu’on faura la juger, ni qu’on pourra la
deviner ; ce n’eft point en lui prêtant nos Idées qu’on
approfondira les defTeins de fon Auteur ; au lieu de
refFerrer les limites de là puiflancc, il faut les reculer,
les étendre jufque dans l’immenfité ; il fuit ne rien voir
d’impoffîble , s’attendre à tout, & fuppofèr que tout ce
qui peut être, eft. Les elpèces ambiguës, les produélions
irrégulières, les êtres anomaux cefferont dès-lors de nous
étonner, & fe trouveront auffi néceffairement que les
autres, dans l’ordre infini des chofes; ils rcmpliïïent les
intervalles de la chaîne, ils en forment les noeuds, les
points intermédiaires, ils en marquent auffi les extrémités :
ces êtres font pour l ’efprit humain des exemplaires précieux
, uniques, où la Nature paroiflant moins conforme
à elle-même, fe montre plus à découvert ; où nous pouvons
reconnoître des cara&ères fingulie-rs, & des traits
fugitifs qui nous indiquent que fes fins font bien phis
générales que nos vues, & que fi elle ne fait rien en
vain, elle ne fait rien non plus dans les deffems que nous
lui fuppofons.
En effet, ne doit-on pas faire des réflexions fur ce
que nous venons d’expofer ! ne doit-on pas tirer des
inclusions de cette fingulière conformation du cochon !
il ne paraît pas avoir été formé fur un plan original,
particulier & parfait, puifqu’il eft un compo'fé des autres
animaux ; il a évidemment des parties inutiles, ou pluftôt
des parties dont il ne peut faire ufage , des doigts dont
tous fes os font parfaitement formés, & qui cependant
ne lui fervent à rien. La Nature eft donc bien éloignée
de s affùjétir à des califes finales dans la compofition
des êtres ; pourquoi n’y mettrait-elle pas quelquefois
des parties furabondantes , puifqu’éfle manque fi fbuvent
d y mettre des parties effentrelles ! combien n’y a-t-il
pas d animaux' privés de fens & de membres ! pourquoi
veut-on que dans chaque individu toute partie foit utile
aux autres & néceffàire au tout ! ne fuffit-il pas , pour