mouvement, deviennent dans nos maifons, par fa fur-
charge de la nourriture, fi pefans & fi parefleux , qu’ils
pafient toute leur vie à ronfler, dormir & manger. C e
fommeil, prefque continuel, eft accompagné de rêves,
& c ’eft peut-être une douce manière d’exifter; ils font
naturellement voraces ou gourmands, & cependant ils
peuvent fe pafler de nourriture pendant long temps. Il
y a dans les Mémoires de l’Académie des Sciences ( a)
l'hiftoire! d’une chienne, qui ayant été oubliée dans
une maifon de campagne, a vécu quarante jours fins
autre nourriture que l’étoffé ou la laine d’un matelas
qu’elle avoit déchiré. II parok que l’eau leur eft encore
plus néceflaire que la nourriture, ils boivent fouvent &
abondamment; on croit même vulgairement que quand
ils manquent d’eau pendant long temps , ils deviennent
enragés. Une chofe qui leur eft particulière, c ’eft qu’ils
paroîlfent faire des efforts & fouffrir toutes les fois qu’ils
rendent leurs excrémens : ce n’eft pas, comme le dit
Ariftote ( b ) , parce que les inteftins deviennent plus
étroits en approchant de l’anus ; il eft certain , au
contraire ( c ) , que dans le chien, comme dans les
autres animaux, les gros boyaux s’élargiflent toujours
de plus en plus, & que le reélum eft plus large que
le colon : la féchereffe du tempérament de cet animal
fuflit pour produire cet effet, & les étranglemens qui
(a ) Hiftoire de l’Académie des Sciences, année 1 7 0 6, page J,
(b ) A ri ilôt, de partibus animal, capite ultimo.
( c ) V o y e z ci-après la defeription des inteftins du chien, fe
fe trouvent dans le colon , font trop loin pour qu on
puiffe l’attribuer à la conformation des inteftins.
Pour donner une idée plus nette de l ’ordre des
chiens , de. leur dégénération dans les différens climats,
& du mélange de leurs races, je joins ici une table , ou,
fi Ton veut, une efpèce d’arbre généalogique , où l’on
pourra voir d’un coup d’oeil toutes ces variétés : cette
table eft orientée comme les cartes géographiques, &
l’on a fuivi, autant qu’il'étoit poffible, la pofition ref-
peélive des climats.
Le Chien de Berger eft la fouche de l’arbre : ce chien
tranfporté dans les climats rigoureux du Nord , s’eft
enlaidi & rapetiffé chez les Lappons,, & paroît s etre
maintenu, & même perfeélionné en Iflande, en Rufiïe ,
en Sibérie, dont le climat eft un peu moins rigoureux;
& où les peuples font un peu plus civilifés. Ces chan-
gemens font arrivés par la feule influence de ces climats,
qui n’a pas produit une grande altération dans la forme ;
car tous ces chiens ont les oreilles droites , le poil
épais & long, l’air fauvage, & ils n’aboient pas auflï
’ fréquemment ni de la même manière que ceux qui ,
dans des climats plus favorables, fe font perfeétionnés
davantage. Le Chien d’Iftande eft le feul qui n’ait pas
les oreilles entièrement droites, elles font un peu pliées
par leur extrémité ; aulfi l’Iflande eft, de tous ces pays
du Nord, l’un des plus anciennement habités par des
hommes à demi civilifés.
Le même Chien de Berger, tranfporté dans des climats
Tome. V. F f