s’accouple avec un chien de race décidée, ceux qu’ils produifent
doivent recevoir plus de caractères de cette race que de celle du
métis. O n pourrait en acquérir la preuve par une lui te d’expériences
fer plufieurs générations de chiens de races décidées, &
de métis mêlés enfemble ; mais au défaut du temps & des facilités
qui feraient néceffaires pour tes recherches, on peut jeter
des lumières fur ce fejet, en raifonnant d’après les faits connus.
S ’il exiftoit des chiens feuvages qui n’euflènt jamais été altérés
par l’éducation domeftique, on verrait tous les caraélères de
l’eipèce des chiens, réunis dans un feul individu, & il n’y aurait
entre les chiens que de légères variétés, comme il s’en trouve
parmi les renards, parmi les loups, & c . mais les chiens étant
devenus des animaux domeftiques, on a développé toutes les propriétés
de leur nature. Les divers climats dans lelquels ils ont
été tranlportés, les diverfes nourritures qu’on leur a données,
les divers exercices qu’on leur a fait faire, ont produit des d ifférences
dans la forme de leur corps & dans leur inftinct : iorlque
ces différences ont été allez fenfibles pour être remarquées, on
a eu loin de les perpétuer; on les a même augmentées en failànt
accoupler des individus doués des mêmes qualités: de-là font venues
des races nouvelles & diftinéles. Ces races font, pour ainfi dire,
avouées de la Nature, puifqu’elles fe maintiennent dans la foite
des générations ; & les caraélères qui les conftituent, font les
plus naturels à l’elpèce confidérée dans ietat de domellicité,
puilqu’ils fe font développés avant ceux des chiens métis : auffi
les barbets, les danois, les ballets, les lévriers, &c . fe perpétuent
fins altération fenfible, chacun dans fe propre race. Mais
lorfqu’un barbet & une danoife ont produit un métis qui porte
des caraélères des deux races, fi ce métis s’accouple avec un
barbet ou un danois, les caraélères du métis dilparoilfent dans
ce tte
cêtte génération, & la Nature rétablit en entier ceux du barbet
ou du danois.
On voit de même, que dans les accouplemens de deux métis
provenus, l’un d’un barbet & d’une danoife, l’autre d’un b a f
fet & d’une levrette, le mélange des caraélères de ces quatre
races ne peut guère fe faire en proportion égale relativement à
chaque race; car quoique cela ne foitpas abfolumentimpolfible,
il faudrait un haferd fort extraordinaire pour qu’il fe rencontrât
dans le même temps , & dans le même lieu , deux métis de
cette nature, l’un mâle & l’autre femelle , & tous les deux dife
pofes à s’accoupler. En fuppofent mênje toutes ces circonllances
réunies, elles ne feffiroient peut-être pas encore pour empêcher
que l’une des quatre races originaires ne reparût dans le produit
de cet accouplement, puilque, comme nous l’avons d it, il n’eft
guère poffible que les individus qui viendraient de ces deux
métis, reçuffent précifement autant de caraélères des unes que
des autres des quatre races qui auraient produit les deux premiers
métis. H arrive prelque toûjours qu’à la première génération,
un métis a plus de caraélères de l ’une que de i’autie des races
principales dont il fort; dans ce cas, les caraélères dominans
paffent au fecond métis, & peuvent dès cette feconde génération
rétablir l’une des races originaires. C e rétabliflèment doit
fe faire bien plus facilement & plus vite > fi chacun des deux métis
a eu pour père ou pour mère un individu de même race ; par
exemple, fi l’un des métis vient d’un barbet & d’une danoife,
& l’autre d’un barbet & d’une levrette , alors les caraélères du
barbet doivent l’emporter dans la feconde génération fer ceux
du danois & du levrier, par confequent les deux métis peuvent
fouvent produire de vrais barbets.
C’ell ainfi que les races des chiens fe perpétuent & renaiflënt,'
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