dédaignée, & abandonnée aux payfans chargés du foin
des troupeaux. Si l’on confidère auffi que ce chien J malgré
fa laideur & fon air trille & fauvage, eft cependant
fupérieur par l’inftinét à tous les autres chiens, qu’il a
un caradère décidé auquel l ’éducation n’a point de part,
qu’il eft le feul qui m ille , pour ainfi dire, tout élevé,
& que guidé par le feul naturel, il s’attache de lui-
même à la garde des troupeaux avec une alfiduité, une
vigilance, une fidélité fingulières, qu’il les conduit avec
une intelligence admirable & non communiquée, que
fes talens font l’étonnement & le repos de fon maître;
tandis qu’il faut au contraire beaucoup de temps & de
peines pour inftruire les autres chiens, & les dreffer aux
ulàges auxquels on les deftine ; on fe confirmera dans
l ’opinion que ce chien eft le vrai chien de la Nature,
celui qu’elle nous a donné pour la plus grande utilité,
celui qui a le plus de rapport avec l’ordre général des
êtres vivans, qui ont mutuellement befoin les uns des
autres, celui enfin qu’on doit regarder comme la fouche
& le modèle de l ’elpèce entière.
Et de même que l ’efpèce humaine paroît agrefte,
contrefaite & rapetiffée dans les climats glacés du nord ;
qu’on ne trouve d’abord que de petits hommes fort
laids en Lapponie, en Groenland, & dans tous les pays
où le froid eft exceflif; mais qu’enfuite dans le climat
voifin & moins rigoureux' on voit tout-à-coup paroître
la belle race des Eirrlandois, des Danois, &c. qui parleur
figure, leur couleur & leur grande taille, font peut-être
les plus beaux de tous les hommes; on trouve aufti
clans l’elpèce des chiens le même ordre & les mêmes
rapports. Les chiens de Lapponie font très-laids , très-
petits, & n’ont pas plus d’un pied de longueur fa).
Ceux de Sibérie , quoique moins laids, ont encore les
oreilles droites & l’air agrefte & fauvage, tandis que
dans le climat voifin où l’on trouve les ( b ) beaux
hommes dont nous venons’de parler, on trouve auffi
les chiens de la plus belle & de la plus grande taille.
Les chiens de Tartarie, d’Albanie, du nord de la
Grèce', du Danemarck, de l’Irlande, font les plus
grands, les plus forts & les plus puilfans de tous les
chiens ; on s’en fert pour tirer des voitures. Ces chiens
que nous appelons chiens d’Irlande , ont une origine
très-ancienne , & fe font maintenus, quoiqu’en petit
nombre, dans le climat dont ils font originaires. Les
anciens les appeloient chiens d’E'pire , chiens d’A L
banie ; & Pline rapporte , en termes auffi élégans
qu’énergiques, le combat d’un de ces chiens contre un
lion , & enfuite contre un éléphant (c)-. Ces chiens
fa ) II Genio vngante, vol. I I , page 13,
(b) Voyez le troifîème volume de cette Hiftoire Naturelle, à l’arf;
des variétés de I’clpèce humaine.
(c) Indiam petenti Alexandro magno, Rex Albanice dono dederat
imjitatoe magnltudinis unum, cujus Jpecie dekâatus, jujjit urfos, inox
apros Ù“ deinde damas emitti, contemptu immobili jacente eo ; qua fegnitie
tanti corporis ojfenfus imperatof generofi fpiritûs , eum intérimi jujjit,
Nunciavit hoc fama régi; itaque alterum mittens, addidit mandata ne in
parvis experiri vellet, fèd in leône, elephantoÿe ; duos fibi fuijfe hoc illtc -