animaux domeftiques le chien e ft , de tous, celui qui
s’eft attaché à l’homme de plus près; celui qui* vivant
comme l ’homme, vit au/îi le plus irrégulièrement; celui
dans lequel le fentiment domine affez pour le rendre
docile , obéifiant & fufceptrble de toute impreflîon, &
même de toute contrainte; il n’eft pas étonnant que de
tous les animaux ce foit aulfi celui dans lequel on trouve
les plus grandes variétés pour la figure, pour la taille,
pour la couleur & pour les autres qualités.
Quelques circonftances concourent encore à cette
altération : le chien vit aflez peu de temps , il produit
fouvent & en allez grand nombre ; & comme il eft
perpétuellement fous les yeux de l’homme, dès que,
par un halàrd allez ordinaire à la Nature, il fe feia
trouvé dans quelques individus des Angularités ou des
variétés apparentes, on aura tâché de les perpétuer en
unifiant enl'emble ces individus finguliers!; : comme on
le fait encore aujourd’hui lorfqu’on veut fe procurer de
nouvelles races de chiens & d’autres animaux. D ’ailleurs,
quoique toutes les efpèces foient également anciennes,
le nombre des générations , depuis la création, étant
beaucoup plus grand dans les efpèces dont les individus
ne vivent que peu de temps, les variétés , les altérations,
la dégénération même doivent en être devenues plus
fenfihles, puifque ces animaux font plus foin de leur
fouthe que ceux qui vivent plus long-temps. L ’homme
eft aujourd’hui huit fois plus près d’Adam que le chien
ne l ’eft du premier chien, puifque l ’homme vit quatrevingts
ans, & que le chien n’en vit que dix : fi donc,
par quelque caufe que ce puifife être, ces deux efpèces
tendoient également à dégénérer, cette altération ferait
aujourd’hui huit fois plus marquée dans le chien que
dans l’homme.
Les petits animaux éphémères, ceux dont la vie eft fi
courte qu’ils fe renouvellent tous les ans par la génération
, font infiniment plus fujets que les autres animaux
aux variétés & aux altérations de tout genre : il en eft
de même des plantes annuelles en comparaifon des autres
végétaux; il y en a même dont la nature eft, pour
ainfi dire, artificielle & faélice. Le blé , par exemple, eft
une plante que l’homme a changée au point qu elle
n’exifte nulle part dans l ’état de nature : on voit bien
qu’il a quelque rapport avec l’ivroie, avec les gramens ,
les chiendents & quelques autres herbes des prairies;
mais on ignore à laquelle de ces herbes on doit le rapporter
: & comme il fe renouvelle tous les ans, & que,
fervant de nourriture à l’homme, il eft de toutes les
plantes celle qu’il a le plus travaillée, il eft auffi de toutes
celle dont la nature eft le plus altérée. L ’homme peut
donc non feulement faire fervir à fes befoins , a fon
ulàge, tous les individus de 1 Univers ; mais il peut
encore, avec le temps, changer, modifier & perfectionner
les efpèces ; ç ’eft même le plus beau droit
qu’il ait fur la Nature. Avoir transformé une herbe fte-
ri le en b lé , eft une cfpèce de création dont cependant
il ne doit pas s’enorgueillir, puifque ce n eft qu a la
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