qu’elles fe trouvent enfemble, qu’efles ne fe nuifent pas’,
qu’elles puiffent croître fans obftacle & fe développer
fans s’oblitérer mutuellement î Tout ce qui ne fe nuit
point alfez pour fe détruire, tout ce qui peut fubfifter
enfemble, fubfifte; & peut-être y a-t-il, dans la plufpart
des êtres, moins départies relatives, utiles ou nécelfaires,
que de parties indifférentes, inutiles ou furabondantes.
Mais comme nous voulons toujours tout rapporter à
un certain but, lorfque les parties n’ont pas des ufàges
apparens , nous leur fùppofons des ufàges cachés L nous
imaginons des rapports qui n’ont aucun fondement,
qui n’exiflent point dans la nature des chofes, & qui ne
fervent qu’à l’obfcurcir : nous ne faifons pas attention
que nous altérons la philofophie, que nous en dénaturons
l’objet, qui eft de connoître le comment des chofes,
la manière dont la Nature agit; & que nous fubfti-
tuons à cet objet réel une idée vaine , en cherchant à
deviner le pourquoi des faits , la fin qu’elle fe propofe en
agifîànt.
C ’eft pour cela qu’il faut recueillir avec foin les
exemples qui s’oppofent à cette prétention , qu’il faut
infifter fur les faits capables de détruire un préjugé
général auquel nous nous livrons par goût , une erreur
de méthode que nous adoptons par choix , quoiqu’elle
ne tende qu’à voiler notre ignorance, & qu’elle foit
inutile, & même oppofée à la recherche & à la découverte
des effets de la Nature. Nous pouvons, fans fortir
de notre fujet, donner d’autres exemples par lefquels
ces
ces fins que nous fùppofons fi vainement à la Nature,
font évidemment démenties.
Les phalanges ne font faites, dit-on, que pour former
des doigts ; cependant il y a dans le cochon des phalanges
inutiles., puifqu’elles ne forment pas des doigts dont il
puiffe fe fervir; & dans les animaux à pied fourchu il y a
de petits os * qui ne forment pas même des phalanges.
Si c ’eft-là le but de la Nature, n’efl-il pas évident que dans
le cochon elle n’a exécuté que la moitié de fon projet,
& que dans les autres à peine l’a-t-elle commencé I
L ’allantoïde eft une membràne qui fe trouve dans le
produit de la génération de la truie, de la jument, de
la vache & de plufieurs autres animaux ; cette membrane
tient au fond de la veffie du foetus ; elle eft faite, dit-on I
pour recevoir l’urine qu’il rend pendant fon féjour dans
le ventre de la mère : & en effet on trouve à i’inftant
de la naiftànce de l ’animal, une certaine quantité de
liqueur dans cette membrane ; mais cette quantité n’eft
pas confidérable : dans la vache, où elle eft peut-être
plus abondante que dans tout autre animal, elle fe réduit à
quelques pintes, & la capacité de l’allantoïde eftfi grande,
qu’il n’y a aucune proportion entre ces deux objets. Cette
membrane, lorfqu’on la remplit d’air, forme une efpèce
de double poche en forme de croiffant, longue de treize
à quatorze pieds fur neuf,dix, onze, & même douze
pouces de diamètre. Faut-il, pour ne recevoir que trois
ou quatre pintes de liqueur, un vaifïèau dont la capacité
* M. Daufoenton «il le premier qui ait fait cette decouverte.
Tome V. O'