fueur de fon front & par des cultures réitérées qu’il
peut tirer du fein de la terre ce pain fouvent amer, qui
fait fa fubfî fiance.
Les efpèces que l ’homme a beaucoup travaillées, tant
dans les végétaux que dans les animaux, font donc celles
qui de toutes font le plus altérées; & comme quelquefois
elles le font au point qu’on ne peut reconnoître leur
forme primitive, comme dans le blé, qui ne reffemble
plus à la plante dont il a tiré fon origine, il ne feroit
pas impoffible que dans la nombreufe variété des chiens
que nous voyons aujourd’hui, il n’y en eût pas un feul
de fembiable au premier chien, ou pluflôt au premier
animal de cette efpèce, qui s’efl peut-être beaucoup
alteiée depuis la création, & dont la louche a pu par
conféquent être très-différente des races qui fubfident
actuellement, quoique ces races en foient originairement
toutes également provenues.
La Nature cependant ne manque jamais de reprendre
fes droits dès qu’on la lailïe agir en liberté : le froment
jeté fur une terre inculte dégénère à la première année :
fi l’on recueilloit ce grain dégénéré pour le jeter de
même, le produit de cette fécondé génération feroit
encore plus altéré; & au bout d’un certain nombre
d années & de reproduélions l’homme verroit reparaître
la plante originaire du froment., & fauroit combien il
faut de temps à la Nature pour détruire le produit d’un
art qui la contraint, & pour fe réhabiliter. Cette expérience
feroit affez facile à faire fur le blé & fur les
autres plantes qui tous les ans fe reproduifent , pour
ainfi dire, d’elles-mêmes, dans le même lieu ; mais il
ne feroit guère poffible de là tenter avec quelque efpé-
rance ,de fuccès, fur les animaux qu’il faut rechercher,
appareiller, unir, .& -qui font difficiles à manier , parce
qu’ils nous échappent tous plus ou moins par leur mouvement
, & par la répugnance fouvent invincible qu’ils
ont pour les chofes qui font contraires à leurs habitudes
ou à leur naturel. On ne peut donc pas efpérer de lavoir
jamais par cette voie'quelle efl la race primitive des
chiens, non plus que "celle des autres animaux qui,
comme le chien, font fujets à des variétés permanentes;
mais au défaut de ces connoiffànces de faits qu’on ne
peut acquérir, & qui cependant feraient nécefïàires pour
arriver à la vérité, on peut raffembler des indices, &
en tirer des conféquences vrai-femblables, ;
Les chiens qui ont été abandonnés dans les folitudes
de l’Amérique, & qui vivent en chiens fàuvages depuis
cent cinquante ou deux cens-ans, -'quoique originaires
de races altérées, puifqu’ils font provenus des
chiens domeffiques, ont du , pendant ce long efpace de
.temps, fe rapprocher au moins en partie de leur forme
primitive ; cependant les voyageurs nous difent qu’ils
re{femblent à nos lévriers (oe)/ ils difent la même chofe
des chiens fàuvages ou devenus fàuvages à Congo (b),
( a ) Hiltoîre des Aventuriers Fiibuftîers, par Oexmelin, Paris
168 6, in-i 2 , tome I , page 1 12 .
- (h/ Hiftoifë générale des voyages, par M . l ’abbé Prévoit, in - 4*
tome I , page 86* B b iij