
XÎV Ï N T R O D
cîes objets extérieurs ; qu’ils font alors plus
timides, plus réferyés; & qu’ils fe-tiennent
cachés jufqu’à ce que cette nouvelle enveloppe
ait été fortifiée & endurcie par les
impreffions de l’atmofphère.
Phénomènes extraordinaires, ^ L ’effet le
plus curieux que* préfente l’hiftoire des
reptiles, c’eft de les voir réfifter vigoureu-
fement à des chocs locaux, à des mutilations
partielles qui affedent les organes efîentiels
a la vie ; tandis qu’on les 'voit fuccomber
aux froids modérés dlun hiver peu rigoureux.
Ils peuveiat être privés des parties
affez confidérables, telles que la queue 8c
les pattes , fans cepéndant perdre la vie ;
quelques-uns même d’entre eux recouvrent
ces membres peu de temps après, fur-tout
lorfque la chaleur de l’atmofphcre en favorife
la réprodudion. Mais ce qui parokra encore
plus furprenant à ceux qui ne jugent que
d’après, ce qu’ils ont communément fous les
yeux , c’eft qu’une tortue dont on emporte
Ja cervelle , vit encore pendant environ fix
mois, en exécutant tous fes mouvemens ordinaires
; 8c fi on lui coupe la tête, la circulation
du fang continue pendant plus de
douze jours (i). J’ai vu palpiter le coeur
d’une grenouille-r Touffe y deux }ours apres
qu’on eut enlevé fes entrailles. Tous ces faits
prouvent combien les differentes parties du
corps des reptiles font indépendantes les unes
des autres; 8c l ’on doit en conclure , i° . que
leur fyftême nerveux n’eff pas auffi lié que
celui des autres animaux , puifqu’on peut
féparer les perfs de la tête de ceux qui
prennent racine dans la moelle épinière,
fans que les fources de la vie parodient
fenfiblement altérées au premier moment,
2°. Que leurs vaiffeaux fànguins ne communiquent
pas entre eux comme ceux des quadrupèdes,
puifque , fan,s cela , tout le fang
s'échapperont par les endroits où les artères
auraient été coupées , 8c l’animal refferoit
fans mouvement 8c fans vie,
Un autre phénomène bien furprenant dans
l ’hiftoire des reptiles, c’eft la faculté qu’ils
ont de palier un temps plus ou moins cônfî-
dérable fans manger. Cet avantage dépend
fans doute de la texture de leur peau , la*-
quelle , n’ayant que peu de pores, ne fe
(i) Obfervafioni di frandifço rtddi, Napoli, i6$7 >
U C T I Ô N.
prête point à une déperdition trop fenfibfel
par la tranfpiration. La tortue 8c le <*ocodilt [
peuvent refter environ deux mois fans pren, |
dre aucune efpèce de nourriture ( i) . Ûn I
crapaud a vécu dix-huit mois fans manger & I
fans refpirer, puifqu’il étoit renfermé dans dei I
boîtes fcellées avec exaditude(2). Eh! queI
penfer encore de ces autres crapauds qu’on I
a trouvés tantôt dans le creux d’un arbre, I
tantôt dans un bloc de pierre, où ils vivoient I
peut-être depuis un nombre prodigieux d’an-1
nées, fans air & fons lumière (5) f Tous cesl
faits ne prouvent-ils pas que le fuc d’uni
arbre , l’humidité d’une pierre fuffit pour ljl
croiffan.ce 8c le développement de ces efpècesl
d’animaux.
N o u r r i t u r e . C ’eft feulement dans detl
cas extraordinaires que les reptiles fe paflent I
de manger pendant un temps aullî confidéra-1
ble. Lorfqu’ils jouiffent d’une liberté parfaite I
8c qu’ils trouvent des alimens, ils en prennent I
tous les jours ; 8c chacun choifit ceux qui I
font analogues à fa conftitution. Les grt-1
nouilles 8c les lézards vivent de fangfues,!
de vers, de limaçons, de fcarabées, & de!
diverfes efpèces d’infedes ailés : quelques!
crapauds fe nourriffent de plantes aquatiques:!
les tortues trouvent dans l’eau ou hors de!
l’e au, l’herbe 8c les coquillages qui leur con-l
viennent : le crocodile eft carnivore; il mange!
avec avidité Jes poiflons » les oifeaux dîl
mer, 8c les tortues .* fi la faim le pre ffe ,il
dévore auffi les hommes & particulièrement!
les Nègres, fur lefquels on dit qu’il fe jette!
de préférence (4). Les très-grands crocodiles J 1 *4
(1) EJfais philof fur Us crocodiles, par un Auteuil
anonyme, p. 31.
(x) Éloge de M. Hériffant, Hiß. de TAcadémie dt>I
Sciences, 1773.
• (3) « Étant dans une mienne vigne, dit Ambroife Pare,|
premier Chirurgien d’Henri III, près le village de Meudon J
où je faifois rompre de bien grandes & groffes pierre«!
folides, on trouva au milieu de l’une d’icelles un gr0tI
crapaud v if, & n’y avoit aucune apparence d’ouverture J
& m’efmerveillai comme cet animal avoit pu naître,|
croître, & avoir vie. Lors le carrier me dit qu’il ne seul
falloit efmerveiller , parce que plufieurs fois il av,0‘ I
trouvé de tels & autres animaux au profond des pJcrre*'l
fans apparence d’aucune ouverture ». <2ïuv. chirurg 11 ’I
x5, chap. 18. Voyez aufli les Mém, de VAcad
Sciences, 17 ip.
(4) Catesbi, Carol, %, p. £3»
I N T R O D XV
■ pouvant- être aperçus & évités plus facile-
■ 1 ufent quelquefois d’aruhee. Us vont
Ilfur le bord des étangs, & le vautrent dans
les terrains fangeux. L à , couverts de boue &
avant la forme d’itn arbre renverfé , ils retient
[immobiles * & attendent, avec la ■ patience
bue doit leur donner la froideur de leur lang,
[le moment favorable de faifir quelque quad
ru p è d e . Quelquefois, lorfqu’ils nagent en
■ fuivant le cours de quelque grand fleuve,
K l s s’arrêtent dans les endroits lès plus fré-
■ quentés, &. n’élèvent au deffus de l’eau que
t t a partie fupérieure de leur tête. Dans cette
■ attitude, qui leur iaifîe la liberté des yeux ,
ils cherchent à furprendre les animaux qui
■ viennent ponr fe rafraîchir ou pour boire.
■ lAulTi-tôt qu’ils enaperçoivent quelqu’un, ils
■ plongent, vont jufqu’à lui en nageant entre
■ deux eaux, le faififfent par les jambes, & l’en-
■ painent au large pour l’y noyeç. , , ^
Sïjoua. Les reptiles, comme les plantes, font
■ lillribués avec profufion fur toute la ftirface
Bdu globe, mais dans des féjours diflerens.
Aux uns, la nature a donné la terrç pour
■ lomicile; elle a relégué les autres au fond
'■ des eaux ; en même temps qu’elle a placé
■ des efpèces intermédiaires aux confins des
■ deux élémèns , comme pour en faire le com-
jjnierce vivant, ou plutôt pour montrer dans
■ ces individus les degrés & les nuances des
«differentes habitudes qui réfuitent de la di-
verfi.é des formes. Parmi ceux qui ont en la
»»terre en partage, tels que plufieurs tortues,
Sla plupart des lézards, les chalcides, les
g^Êcamêléons, les uns préfèrent les terrains fecs
-’$■ & élevés, les autres habitent dans les trous
,;|des rochers ou dans les cavernes. Ceux-ci fe
n|traîn"ent lentement fur le fable ; ceux-là grimpent
avec vîteffe jufqu’à l’extrémité des bran-
■ ches : prefque tous cependant nagent &
‘■ plongent avec facilité ; mais ils font obligés,
«ainfi que les reptiles qui refient habituelle-
Ëmenfdans l’eau, de venir refpirer de temps
■ en temps l’air de l’atmofphère. Les efpèces
■ intermédiaires, celles qui font attachées aux
«limites de la terre & de l’eau, ne vivent que
JBdanslesclimats analogues à leur tempérament:
« l u(h les trouve-t-on par peuplades nombveu-
:^Kes dans les vaftes plaines de fange, dans les
'■ favan.es noyées du nouveau continent, où
^«humidité & la température de l’air confpi-
■ rent àleur réproduflion. Dans le Kamtchatka
I jf11 contraire, où les froids font fi rigoureux,
*1 n’y a ni crapauds, ni grenouilles, pas
U C T I O N.
même des ferpens : on y voit feulement une
affez grande quantité de lézards, que les
habitans de ces contrées regardent comme
des efpions envoyés par le -Dieu du monde
fouterrain , pour examiner leurs aétions &
prédire leur mort. C ’ell pour cela qu’ils ont
grand foin de fe tenii* en garde contre
■ eux : par-tout où iis en trouvent , ils
les coupent par morceaux , afin de les
mettre hors d’état d’aller rendre compte à
celui qui les a envoyés. S’il arrive par hafard
que cet animal leur échappe , ils tombent
dans une grande trifteffe , & même dans le
défefpoir. Ils attendent à chaque moment la
mort, & fe la donnent quelquefois par leur
abattement & leurs craintes ; ce qui contribue
à fortifier encore davantage une fuperflition
auffi ridicule (i).
Moeurs. Il y a peu d’animaux fur la terre plus
tranquilles & plus calmes que les reptiles : il
n’y en a guère par conféquent de plus heureux.
Moins agités ait dedans par des pallions
v ive s , moins agiffans au dehors, ils font en
général calmes , doux , & paifibles. S’il y
a parmi eux quelque individu vorace &
deltruéleur, comme le crocodile, c’ell parce
qu’il a une grande maffe à entretenir'; &
d’ailleurs combien n’en oppoferoit-on pas à
cette feule famille fangtiinaire , dont le. ca-
raâère eft abfolument fans férocité. Quelle
douceur n’admire-t-on pas dans les habitudes
(i’un petit-lézard gris , dans les moeurs d’une
grenouille. Toute fa v ie , qui eft de plufieurs
années, elle la partage entre les joiiiffances
paifibles de la promenade & celles du bain.
Toujours en paix avec ellé-tnême, elle n’eli
l’ennemie de perforine , que du ver 8c du
limaçon : elle n’a auffi elle-même que peu
d’ennemis à craindre. Le plus redoutable eft
le fo leil, père & deftruâeur de tout ce qui
végète ; auffi elle fe plaint & coaffe contre lui
lôrfqti’il defsèche les marais. L ’amour, qui
eft la feule paffion qui domine un peu vivement
les reptiles, sème quelquefois la discorde
parmi eux. Le P. Nicolfon fait un
récit très-détaillé des petits combats que fe
livrent les lézards goitreux à Saint-Domingue.
« Lorfqu’un anolis (2) en aperçoit un
V Yr) Dïfcrîpt. du K a m t c h a t k a , par M. KracIieninnLko w,
val. 3 , P !:<>?•
'■ (ij Le lc\ard goitreux eft ici defigné fous le ttona
S anolis qu’il porte à Saint-Domingue.