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» qui leur cailla une furprife extrême « (i).
; Les faits que je viens d’expofer, & une
infinité d’autres que j'aurois pu y ajouter,
fe trouvent, en quelque forte, garantis, ou
du moins deviennent vraifemblables par le
récit que fait M. Adanfon, dans fon Voyage
du Sénégal, de fes propres obfervatioiis fur
une efpèce de ferpent qui porte , dans le
pays, le nom de Serpent géant. Ce favant
Académicien dit qu’au mois de mai 1732,
on lui fit préfent d’un jeune individu vivant,
de Pefpèce que nous venons de nommer. Il
avoit un peu plus de trois pieds de longueur;
le fond de fa couleur étoit d’un jaune livide,
coupé par une large bande noirâtre qui ré-
gnoit tout le long du dos , & fur laquelle
étoient femées quelques taches jaunâtres ,
■ a fiez irrégulières. Tout fon corps étoit lui-
fant, comme s’il eût été vernifîe ; il_ avoit la
tête arrondie & un peu alongée. Suivant M.
Adanfon , ce ferpent n’étoit qu’une foible
image de ceux qui ont acquis leur entier
accroiflement 5 & dont il ne fe ferait jamais
formé une jufle idée, fi, peu de temps après,
on ne lui en eût apporté deux d’une grofieur
médiocre, dont le plus grand avoit vingt-
deux pieds & quelques poitces de long, fur
huit pouces de large. La vue de ces deux
ferpens , qui , de l’aveu des Nègres & de
ceux qui avoient vu beaucoup de ces- animaux,
n’étoient que d’une grandeur médiocre
, ne permit plus à M. Adanfon de douter
de ce qu’il avoit entendu dire fouvent dans
le pays, fur la grandeur extraordinaire des
ferpens de cette efpèce. Les Nègres qui lui
avoient procuré ceux dont il s’agit i c i , I af-
furèrent qu’il n’étoit pas rare den trouver, a
quelques lieues vers l’efi de l’île du Sénégal,
dont la grandeur égaloit celle d’un mât ordinaire
de bateau, Quelques habitans deBifiao
difoient qu’ils en avoient vu dans leur pays
■ qui auraient furpafië de beaucoup ces pièces
de bois. De tous ces témoignages, comparés
avec l’obfervation des ferpens que M. Adanfon
avoit alors fous les yeux, il conclut que
la taille des plus gros de cette efpèce, évaluée
à fa jnfte melure, devoit être de quarante
à cinquante pieds pour la longueur, &
d’un pied à dix-huit pouces pour la largeur (2).
(1) Hiß. Nat. de l ’ Orenoque, par 1p P, Gumifia, roi.
5 , P- 77-
'(é) Hiß. Nat. du Sénégal, par M. Adanfop, p. 151
Çfwiv.
U C T I O N.
Nourriture. Tous les animaux qui exiâer)t
fervent de pâture aux ferpens. Les Cniak, • I
les Couleuvres, les Amphisbènes, les Cad. I
les donnent la chafle aux infeâes, aux vers I
aux reptiles, aux oifeaux & aux petits quadrupèdes.
Les Boas attaquent les chevreuils I
lesdains, les taureaux & même les animaux I
les plus féroces. C ’ell fur le bord des fleuves I
qui arrofent les plaines équatoriales, dans uni
moment fur-tout où la chaleur eft devenue]
plus ardente par l’approche d’un orage, &l
où l’aâion du fluide éleflrique répandu dans |
l’atmofphèrë, donne une nouvelle aâivité I
aux ferpens ; c’eft dans ce moment, dis-je, |
que dévorés par une foif extrême, animés|
par toute l’ardeur d’un fable brûlant, à li
lueur des éclairs , au fon bruyant du ton-1
nerre, le ferpent & le tigre fe difputent l’em-1
pire de ces bords fi louvent enfanglantés. |
Des Voyageurs qui ont été témoins d’un |
de ces combats terribles , difent avoir vu]
un tigre furieux s’élancer tout à coup fit
un ferpent d’une taille monflrueufe , qui,
fi (fiant dé douleur & de rage, ferroit à fon]
tour le tigre dans fes contours multipliés,
l’étouffoit fous fon poids, & brifoit fes os
entre fes mâchoires redoutables. Le quadrupède
eut beau déployer contre fon ennemi
la force de fes dents, le tranchant de fes
griffes, toutes fes armes furent impuiffantes;
il expira au milieu des replis de l’énorme ferpent
qui le teiioit enchaîné.
L ’homme lui-même, malgré l’empire qu’il
pofsède fur tous les animaux, trouve les plus
funefles ennemis parmi les ferpens. Les uns
fe mettent en embufcade ., tombent fut lut
au moment où il ÿ penfe le moins, ltuiimpriment
une morfure mortelle , & fe retirent I
auffï tôt pour éviter fa vengeance (f) ; Jes
autres, plus lents, mais non moins dangereux
, l’attaquent à force ouverte & le éevo-
rent. Au rapport de Pline, fous l’empirete
Claude , on tua, auprès de Rome, un très-
grand ferpent , dans l’eftomac duquel^11
trouva le corps entier d’un petit enfantfa,-
Bofman afittre qu’à la côte d’Or, U V fl
(1) Il eft ici queftion des Crotales ou. Serpent ’MV
nettes. On fait que ceux qui en opt été mordus, meur^
fouvent dans l’efpace de cinq minutés.; & que cessai ^
font d’autant plus à craindre, que leurs mouvemens
très-rapides.
(1) Hiß. Jftit.liv. x8, ehap. 14. gjJ
I N T R O D
ies ferpens djune grofieur extraordinaire , &
011e les Hollandois ont fouvent trouvé dans
leurs entrailles des hommes entiers (1). 1
« Dans le temps que j’étois en Amérique,
dit le P. Gumilla,'une Couleuvre chajjettfe
„ (le Devin) faifit un laboureur par le talon
» & la cheville du pied. Comme il étoit
» homme de courage, il fe faifit du premier
» arbre qui fe préfenta , & l’embrafia du
» mieux qu’il put, en jetant des cris horri-
» blés. Orf accourut pour le fecourir ; & le
» ferpent fe voyant preffé , ferra les dents,
» lui coupa le talon & s’enfuit avec la vîtefie
» d’un trait (2) ». -,
Selon Cleyerus, dans l’île d’Amboine, une
femme grofle fut un jour avalée toute entière
parun ferpent énorme (3). _
Mais aucun des faits que je viens de citer,
n’infpire autant de pitié & d’horreur que
celui qu’on lit. dans l’Hifioire des voyages,
& qui eft rapporté fur le témoignage de Del-
ion. « Pendant la récolte du riz , quelques
» Chrétiens qui avoient clé Gentils , étant
»allés travailler à la terre, un jeune enfant
» qu’ils avoient laifîe feul & malade à la
» maifon , en fortit pour aller fe coucher à
»quelques pas de la porte, fur des feuilles
» de Palmier, où il s’endormit jufqu’au foir.
» Ses pareils, qui revinrent fatigués du tta-
»vaïl, le virent dans cet état; mais ne pen-
» faut qu’à préparer leur nourriture, ils àt-
» tendirent qu’elle fût prête pour aller l’é-
» veiller. Bientôt ils lui entendirent pouffer
» des cris à demi-étouffés , qu’its attribuèrent
» à fon indifpôfition ; cependant, comme il
» continuoit de fe plaindre, quelqu’un fort;:
» & vit en s’approchant qu’une grôfie Cou-
>) leuvre avoit commencé à l’avaler. L’em-
» barras du père & de la mère fut auffi grand
» que leur douleur. On n’ofoit irriter la Cou-
» leuvre, de peur qu’avec fes dents elle ne
» coupât l’enfant en deux, ou qu’elle n’ache-
» vât de l’engloutir. Enfin , de plufieurs ex-
li pédiens, on préféra celui de la couper par
»le milieu du corps, ce que le plus adroit
» & le plus hardi exécuta fort heureufement
[, f1 1) Hiß. générale des voyages, édit, in-1» vol. 14 ,
WV14.
I , (l) Hiß. Nat. de VOrenoque, par le P. Gumilla, vol.
[Bp. 7«.
(î) Extrait cfutie lettre d’André Cleyerus. Ephéiil. des
jnvÙK* de là Nat. déc. », ann. i , 1683 , p. 18.
U C T I O N . x v rj
» d’un feul coup de fabre. Mais la c o u leu v re-
» ne m ourut pas d’abo rd , q u oiq ue féparée e n
» d e u x ; elle ferra de fes dents le corps tendre
» de l’enfan t....,8 c il expira p eu de m om ens
» après ( 1) ».
Déglutition. Ic i fe préfente une objeélipn
que ne m anqueront pas de faire tous ceux
qui auront lu les détails qui précèdent. C om m
ent eft-il po flib le, diront-ils, qu’un ferpent
dont le gofier eft fi é tro it, puifle avaler des
hom m es & des anim aux tout entiers ? La
force de cette objection s’é v a n o u it, quand
on confidère, d’un c ô té , la conform ation des-
m âchoires de ces anitjiaux, q u i n’étant réunies
vers le m ufeau que par des ligamens.
fufceptibles d’une grande dilatation , peuvent
fe féparer l’une de l’autre , & iaiffer entre
elles une large ouverture. E n fécond lie u ,
i’efpèce de préparation que les ferpens font
fubir à leurs viâim es avant de les avaler, en
rend la déglutition beaucoup plus facile. Ils
font dans l’ufage, auffî-tôt qu’ils ont faifi u n
anim al, de lui brifer les o s , en le ferrant
fortem ent dans les replis de leur corps. Q uelquefois
m êm e, po ur l’écrafer plus aifém ent,
ils s’aident des arbres & des groffes pierres
qu’ils trouvent à leur portée ; ils les envelop
pent dans les mêm es contours que leurs
viétim es, & les em ploient com m e autant d e
(1) Hiß. générale des voyages , defcription du Malabar,
édit, in- tz. , vol. 43 , p. 347. Cet événement m’en
rappelle lin autre bien plus malheureux encore, dont la
relation fut confignée dans les papiers publics, il y a environ
douze ou treize ans. Un journalier du Quercî étant
ailé travailler à fa vigne un beau jour du printemps, fa
femme fut le voir à l’heure de midi, & porta avec elle . un
enfant qu elle allaitoit. Ce petit s’étant endormi, fa mère
le coucha à l’ombre fur le bord d’une haie, & s’en revint
caufer avec fon mari. Quelque temps après elle retourna
vers fon nourrilfon ; mais , hélas ! quelle fut fa furprife
& fa douleur, lotfqu’elle le vit étouffé par une grôffe
Couleuvre qui , attirée par l’odeur du lait , s’étoit
iniînuée jufques dans fon eftomac. La moitié du ferpent
pendoit encore hors de la bouche de l ’enfant,
Sc étoit entortillé autour du cou. Le mari qui accourut
aux cris de fa femme, entra dans une telle fureur , que ,
rejetant fut elle la caufe de ce trifte accident, il fe
faifit d’un échalas Sc lui perça le ventre, C’eft ainfi qu’accumulant
malheur fur malheur, cet homme delefpéré fe vit
privé en un jour de fa femme & de fon enfant. Les peres
& les mères apprendront par cet exemple, combien i l eft
dangereux d’expofer les enfans à la rencontre des ferpens qui
font très-friands du laitage.
C