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Sens d u t o u c h e r . Enfin le toucher paroît
être fort obtus dans les ferpens. Privés des
membres qui , dans les quadrupèdes , les
oifeaux & les reptiles, font les principaux
organes du toucher , ils ne peuvent point
appliquer immédiatement aux différentes fur-
faces la partie fenfible de leur corps. Le
feul moyen qu’ils ont pour recevoir, par le
taèt, Timpreffiort des objets extérieurs, c’elt
de les faifir & de les embraffer étroitement
dans les replis de leur corps. Il doit réfulter
de ce contad une fenfation forte 8c vigou-
reufe, mais qui ne peut laiffer qu’une idée
très-confufe de l’o b je t, puifque l’imprefiion
ne fe fait qu’à travers les écailles dures dont
le corps eft revêtu.
'Accouplement. A u retour du printemps,
lorfque les premiers fou files du zéphyr viennent
ranimer la Nature engourdie par les
froids rigoureux de l’h iv e r , les ferpens,
comme les autres animaux , éprouvent en ce
moment le befoin de fe reproduire. C ’elt
ordinairement dans le mois de mars ou
d’avril que le mâle va chercher fa femelle
8c qu’il l’appelle par un fifflement amoureux.
Malheur alors au voyageur, q u i, en parcourant
les contrées habitées par les ferpens venimeux
, s’égare de fa route & porte fes
as vers la retraite que le ferpent a choifie.
e feu de l’amour lui a donné de nouvelles
forces, il a échauffé fon courage , exalté fon
venin ,* rien ne peut modérer fa fureur. Il
s’élance fur lui avec impétuofîté & le perce
avec les dents meurtrières , dont une feule
atteinte lui donne prefque auffi-tôt la mort.
L ’accouplement des ferpens n’offre aucun
de ces faits merveilleux que quelques anciens
Auteurs lui ont attribué(i) ; durant cette opération
le mâle 8c la femelle , dont le corps eft;
très - flexible, s’uniffent fi intimement & fe
preffentdansnn fi grand nombre de contours ,
qifils repréfentent deux groffes cordes treffees
enfemble. J’ai vu plufîenrs fois, dans nos
provinces méridionales , l’accouplement de
(\) Pline a écrit que le mâle de la vipère , au moment
de fon accouplement, faifoit entrer fa tête dans la gueule
de la femelle ; & que celle-ci, bien loin de lui rendre
careffe pour carefle, lui coupoit la tête à Tintant même
oû elle devenoit mère. . . . ; que lej jeunes ferpens éclos
tans le ventre de la vipère, déchiroient fes flancs pour en
fortir; que par là ils vengeaient, pour ainfîdire, la mort
de leur père, &c. Hifi. Nat. üv. lo t rfap. 6z.
u c T i o N.
la Couleuvre commune. Le mâle 8c la femelle !
choififfent pour, cet effet un endroit abrité &
l’heure du jour où le foleii eft le plus ardent
Pendant cette réunion, qui dure commune!
ment une ou deux heures dans l’efpèce que
nous venons de nommer, 8c plufieurs jours
dans le Fer de lance, le mâle fait fortir pat
l’anus les parties deftinées à féconder la fe.
melle. Ces parties font doubles, quelquefois
quadruples dans cet ordre d’animaux. On ne
fera point furpris de la durée de cet aecon.
plement, fi l’on fait attention que les vif-
cères où la liqueur prolifique fe prépare,ne
peuvent la laiffer échapper que peu à peu,
& que les conduits qui la portent aux organes !
de la génération , font très - longs, fort
étroits 8c plufieurs fois repliés fur eux*
mêmes (i).
Ici il n’y a point de confiance dans le
fentiment, ni de durée dans l’affeètion ; mais
lorfque les défirs font fatisfaits, cette union,
quoique fortement fentie 8c plus vivement
exprimée , s’évanouit prefque anfli-tôt. Le
mâie 8c la femelle fe féparent ; bientôt ils ne
fe connoiffent plus} 8c la femelle va feule,
au bout d’un temps dont on ignore la
durée , dépofer le germe d’une nouvelle
génération.
Ponte des oeufs et naissance des fetits.
Nous avons déjà obfervé, en parlant des
poiffons & des reptiles, qu’il y avoit dans
ces deux ordres d’animaux , des familles
entières dont les femelles pondent des oeufs;
tandis que dans d’autres, les petits fortent
vivans du ventre de leur mère. La même
diftindion a lieu parmi les ferpens ; les uns
font ovipares, comme les Boas 8c la plupart
des Couleuvres ; les autres font vivipares ;
telle eft la Vipère , l'Orvet , Y Acte-
c horde, 8< c.
Nous n’avons pas affez d’obfervationspour
pouvoir déterminer quelle eft la quantité
d’oeufs que les femelles ovipares font à chaque
portée ; il paroît que ce nombre varie
félon la diverfité des efpèces & même lut-
vant la vigueur de la femelle. M. le Comte
de Rafoumowsty a obfervé que la Couleuvre
vulgaire du Mont-Jorat , que nous avons (i)
(i) Les parties de la génération du Boiquird on
repréfentées pl. A,fig. 6. Voyez les tefticules t~t, #
quatre verges p-p & les vaiffeaux qui portent la feu>eBCfl
des tefticules à l'extrémité des verges v-v, & c.
I N T R Ô D U C T I O N .
appelée la Suiffe, pondoit environ trente-
deux oeufs, tantôt plus, tantôt moins. Gefner
affure que la femelle du Serpent à collier en
pond quatorze ; 8c M. de Sept-Fontaines dit
que ce nombre fe porte quelquefois jufqu’à
dix-huit ou vingt. Au rapport de cet amateur
diftingué, les oeufs de cette efpèce font gros
comme ceux des pies 8c collés en forme de
grappe par une matière gluante. Ce caradère
eft commun à plufieurs autres efpèces.
La ponte des ferpens , comme celle des
oifeaux, ne fe fait jamais dans un efpace de
temps immédiat 8c fucceflif ; après la fortie
de chaque oeuf , la femelle a befoin de fe
repofer. Il y a même des efpèces qui parodient
beaucoup fouffrir pendant cette opération.
« J’obfervai, dit George Segérus,
»? Médecin du Roi de Pologne , qu’un fer-
»> pent femelle , après s’être beaucoup roulé'
» fur les carreaux, ce qu’il n’avoit pas cou -
» tume de faire, y pondit enfin un oeuf. Je
» le pris fur le champ , je le mis fur une
»table; & en le maniant doucement, je lui
» facilitai la ponte de treize oeufs. Cette
»ponte dura environ une heure 8c demie,
» car à chaque oeuf il fe repofoit; 8c lorfque
»jecêffois de l’aider, il lui falloit plus de
33 temps pour faire fortir fon oeuf : d’où j’eus
» lieu de conclure que le bon office que je
» lui rendois ne lui étoit pas inutile ; 8c plus
3) encore de ce que, pendant cette opération,
» il ne ceffa de frotter doucement mes mains
«avec fa tête , comme pour les chatouil-
» 1er (i)».
Les oeufs des ferpens offrent prefque tontes
les nuances intermédiaires de grandeur, à
commencer par ceux du F il qui eft un des plus
peut? individus de cet ordre, jufqu’à ceux du
Devin qui eft le plus gros , 8c dont le plus
grand diamètre de l’oeuf a environ trois pouces.
Chaque oeuf eft compofé extérieurement
dune membrane mince, mais compaâe 8c
d un tiflu ferré. Dans l’intérieur, on voit le
peut ferpent roulé en fpiraie au milieu d’une
matière qui reffemble à du blanc d’oeu f de
poule. Les femelles ne couvent point leurs
®ifs ; elles les abandonnent après la ponte.
M unes vont les dépofer dans des trous
^xpofés au midi ou voilins d’un four, comme
ouleuvre commune ; les autres vont les
Pondre fur le fable ou fous des feuillages.
Xllj
(0 Collecl, acatl. part, ètratig. vol. 3 , p. 1.
Le Serpent à collier les pofe fur des couches
de fumier. C’ell ce qui a donné lieu à une
fable accréditée encore de nos jours parmi
le peuple de la campagne. On croit que ces
oeufs ont été pondus par un coq ; & comme
on en voit fortir des ferpenteaux, on s’imagine
que les oéufs du coq renferment toujours
un ferpent. On voit bien que le coq ne les
couve point, cependant on n’en ell pas moins
convaincu que ces oeufs produifent toujours
des ferpens, lorfqu’ils font depofés dans un
endroit chaud & qu’ils font couverts de
fumier.
Les femelles vivipares préfentent de grandes
différences , foit pour le temps de la
portée, foit pour le nombre des petits. Les
Vipères s’accouplent ordinairement deux fois
chaque année , & portent trois ou quatre
mois : les viperedux font au nombre de
vingt à vingt-cinq. La femelle de l’Orvet
ne porte qu’environ un mois , & produit
tantôt fept, tantôt dix ferpenteaux qui ont en
naiflant vingt lignes de longueur.
Le Fer de lance femble tenir le milieu
entre les efpèces ovipares & les vivipares.
Selon l’obfervation d’un amateur éclairé, la
femelle pond des oetifs, & les petits fe dé-
barràlfent de leur enveloppe au moment
même où elle les dépofe à terre : il y en a à
chaque portée depuis vingt jufqu’à foixante.
O11 a remarqué que le nombre étoit toujours
pair.
Quand les petits ferpens font éclos ou
qu’ils font fortis vivans' du ventre de leur
mère, ils relient feuls , ifolés, & ne reçoivent
de leur mère qui les a abandonnés,, ni
fecours, ni affîilance ; ils font réduits aux
feules reffources de -leur inllincl : aulfi eu
périt-il beaucoup avant qu’ils foiejît développés
& qu’ils aient acquis alfezd’expérience
pour éviter les dangers. Les quadrupèdes,
les oifeaux & les reptiles en dévorent Éj:1
grand nombre. :
A ccroissement. L ’horreur qti’on a naturellement
des ferpens , & le danger qu’il y a
d’approcher certaines efpèces, font caufe du
peu de connoilfance que nous avons fur
leurs moeurs & fur leurs habitudes ; notre
ignorance à cet égard s’étend même jufques
fur les individus qui vivent au milieu de
nous , qui font lés moins dangereux & les
plus familiers. Nous ne connoiflbns point
encore le nombre d’oeufs que pond la Couleuvre
commune, la durée de l’incubation.