
5fîv I r ^N IrT R O D
la manière dont le foetus fort de l’oeuf, ni
comment il fe développe; mais nous avons ,
quelques détails fur la Vipère. Nous favons j
que fes petits, dont la longueur efl de douze
ou quinze lignes lu moment de leur naif-
fance, ne font en état de fe reproduire qu’au
bout de deux ou trois ans, & qu’ils ne parviennent
à leur entier accroiffement que dans
fix ou fept ans. La très-grande différence
qui exifte entre le petit Devin , renfermé
dans fon oeuf, & la grandeur exceifive qu’il
acquiert étant adulte, fait préfumér qu’il s e-
coule un laps de temps confidérable avant que
ce ferpent Joit entièrement développé.
G randeur, Il eft peu de faits au (fi lufceptibles
d’exagération que ceux qui fe rapportent à
la taille des ferpens. L’imagination, vivement
agitée & ébranlée à l’alped d’un objet
effrayant;, eft toujours dîfpofée à ^ enchérir
fur la réalité, C ’eft ce qui eft arrivé à l’égard
de plufieurs Voyageurs qui , faifis
d’effroi & de terreur en parcourant les déferts
de l’Afrique & les contrées fauvages de l’Amérique,
ont compofé leurs relations d’après
les fenfations qu’ils ont éprouvées ( i) . Cependant,
en réduifant tous ce$ récits à leur
jufte valeur, il eft certain qu’il y a des ferpens
d’une grofîeur démefurée, Le genre
des Boas , & principalement l’efpèce que
nous avons appelée Devin, fournit les plus
gros individus. Il n’eft pas douteux que
c’étoit à cette tribu qu’appartenoit cet énorme
ferpent qui arrêta, pour ainfi dire, autrefois
l’armée romaine, près du, fleuve Begrada,
entre Utique 8c Carthage (2) r 8c que, Régu
lus vainquit à Pàide de fes troupes. Çet
animal redoutable , prefîe par la faim ,, fe
jotoit, dit-on,, fur les. foldats qui s’appro-
chpiept de la rivière pour y puifer de,l’eau,
les écrafoit du poids de. fon corps, ou les
.étQiiffoit dans fes replis tortueux , ou. enfin
Jes faifo.it périr par,ion fouffle empoifonné.
L,es dures écailles de fa peau le rendoient
ïnipéiiétrable à tous Içs traits qu’on lui l$n* 1
(1) Qlaus-Magnus. parle d?un ferpent 3e Norvège, qui
^voit plus de deux cents pieds de longueur & vingt pieds
Jg, circonférence• fyv. zi , çhap..43. Les ouvrages de
|}eiiéuçîi£er, de Séba, de Gumilla , de fabat, §ec. ,, font
pleins 4’hjftoires de ferpens monftrueux.
. . (aj Çe fleuve porte aujourd’hui le nom de Mégerda 5 il
Yb jette dans, la niçr ]V|editerranée , .gntre Tunjs & Bi-
U G T I O N ?
çoit; il fallut drefler contre dui -des madii.
nés de guerre & l’attaqiter en forme comtne
une citadelle: enfin après bien de coups inu- I
tiles , une pierre d une grofleur énorme
pouflee avec vigueur, lui brifa l’épine du I
dos 8c l’arrêta dans fa courfe. On eut bien I
de la peine à l’achever, tant les foldats crai-1
gnoient d’aborder un. ennemi encore formi-1
dable , même aux approches de la mort. I
Régulus envoya à Rome fa peau, qui étoit I
longue de cent vingt pieds. Ce fait .paraît I
prefque incroyable ; cependant il eft rapporté I
par Valère-Maxime & par Pline le Natura* I
lifte (1 ), qui allure que cette peau fut fuf-1
pendue dans un temple où on la voyoit en» I
core du. temps de ia guerre de Numance :
ainfi, à moins de renoncer à tous les monu» I
mens de l’Hiftoire, il faut admettre l’exiftence
de .ce terrible animal, dont fans doute.les I
dimenfions ont été un peu exagérées.
Diodore de Sicile raconte encore de
quelle manière on p rit, en Egypte, fous le
règne de Ptolomée , un ferpent long de I
trente coudées. « Plufieurs chaffeurs, dit-il, I
», encouragés par- la munificence de Ptojo-1
sa mée, résolurent de lui amener à Alexan- j
» drie un des plus grands ferpens. Ce monflre
» vivoit fur le bord des eaux : il y demeu*
» roit ordinairement immobile , couche a
» terre 8c replié en cercle ; mais lorsqu’il
» voyoit quelque animal approcher du rivage
» qu’il habitoit, il fe jetoit fur lui avecim-
» pétuofité, le faififîoit avec fes dents, ou
» l’enveloppoit dans les replis .de, fa .quejie. I
» L e s chaffen.rs , l’ayant aperçu de loin,]
»imaginèrent- qu’ils pouïroient aifémenj e
.»prendre dans des lacs & l’entourer .de |
» chaînes. Ils s’avancèrent, donc avec co»-
.?> rage,; mais lorfqu’ils furent, plus près. e
» ce ferpent détnefuré, le feu. qui fortoii e
», fes y eu x , fon dos hériffé. d’écailles, e|
ss bruit qu’il faifoit en s’a g ita n t fa guç-’‘e
» ouverte & armée de dents longues & c/°
ï> chu es , fon regard horrible & féroce es
»glacèrent d’effroi.. Ils osèrent cepen
», avancer pas a pas 8c jeter de f°>ts iel
» fur fa queue; mais à peine ces hens M
» rent-ils touché le corps de l’animal, C1
». fe retournant avec fureur & faifant
» des fifflemens, aigus % il dévora le cha
(i) V a lè r e - M a x im e , ü v . i , ç h a p . 8. P lin' ^
l\v. jj. : .
f N T R O D U C T i Ö N ï
ydiii fe trouva le-plus près de lui ; en tua
» un fécond d’un coup de fa queue ; 8c mit
» les autres en faite. Ces derniers, ne vou-
» lant pas cependant renoncer à Ja récom-
» penfe qui les attendoit, & imaginant un
» nouveau moyen, firent faire un rêt com-
» pofé de cordes très-groffes 8c proportionné
à la grandeur du ferpent. Ils le
» placèrent auprès de fa caverne ; & ayant
» bien obfervé le moment de fa fortie 8c de
» fa rentrée, ils profitèrent du temps où l’é-
» norme animal étoit allé chercher fa proie,
» pour' boucher avec des pierres l’entrée
» de fon repaire. Lorfque le ferpent revint,
» ils fe montrèrent tous à la fois, avec plu-
» fieurs hommes armés d’arcs 8c de frondes ;
» plufieurs autres à cheval : les uns faifoient
» réformer à grand bruit des trompettes ; &
»les autres des inftrumens retentiffans. Le
»'ferpentfe voyant entouré de cette multi-
» tude y fe redrefloit , 8c par fes horribles
» fifflemens, repandoit la terreur parmi ceux-
» qui l’environnoient ; mais effrayé lui-même
» parles dards qu’on lui lançoit, la- vue des
»chevaux, le grand nombre de chiens qui
» abpyoient, 8c le bruit aigu des trompettes ,
» il fe précipita vers l’entrée ordinaire de. fa
» caverne. La trouvant fermée & toujours
» troublé de plus en plus par le bruit des
» trompettes , des chrens & des cha fleurs ,
» il fe jeta dans le rêt, où il fit entendre des
.»fifflemens de rage. Néanmoins tous fes
» efforts furent vains ;. 8c fa force cédant à
» tons les coups dont on l’a (faillit 8c à toures
» les chaînes dont on le lia , on le conduifit
» a Alexandrie’ , où une longue diète appaifa
» fa férocité ».
M a i s f a n s a l l e r c h e r c h e r d a n s - l e s o u v r a g e s
d e s A n c i e n s d e s f a i t s , q u e l e u r a m o u r p o u r
j e m e r v e i l l e u x n o u s , f a i t r e g a r d e r c o m m e
R 'i p e c t s , : n o u s t r o u v o n s d a n s l e s r e l a t i o n s ' d e s
V o y a g e u r s m o d e r n e s d e s r é c i t s p r e f q u e a u ( f i
e x t r a o r d i n a i r e s .
p V .C ir io t X X LJ L'U l’ C iCttLli./ CLLO (LC
vrenoque , par le P. Gumtlla , que les
cwleuvres- qu’on appelle Cap adoras ou
haffeufes, font de la groffeur des Bujos,
auxquels f Auteur ■ attribue une longueur de
uJt aunes ou environ. Il ajoute encore
<îji elles font quelquefois plus longues de
p u leurs a u n e s 8c que l’on ne peut voir fans
étonnement la légèreté avec laquelle elles
furent après la -proie qu’elles ont aperçue
8c qu’elles attrapent fans qu’elle purffe échapper
(i)v • •
Au rapport de Charles Owen , il y a
auprès de Batavia , dans les Indes orientales,
des ferpens de cinquante- pieds de longueur
(2).
Cleyerus a- vu dans ce même pays des
ferpens longs d’environ vingt-cinq pieds.
« J’achetai, dit-il, d’un cha fleur un de ces
» animaux que je diflequai , & dans le ventre
» duquel je trouvai un cerf entier de moyen
» âg.e, revêtu encore de fa peau. J’en achetai
» un autre qui avoit dévoré u-n bouc fau-
» vage , malgré les grandes cornes dont il
» étoit armé ; je tirai du ventre d’un troi-
» lîème un porc épi- entier , armé de fes pi-
» quans (3) »v
Le même Auteur ajoute que- dans le?
Royaume d’Aracan, fur les confins de celui
de Bengale, on a-vu un ferpent monflrueuX
fe jeter auprès des bords d’un fleuve,- fur un
très-grand aurochs ( boeuf fauvage) , 8c donner
un fpeétacle affreux- en combattant avec
ce terrible animal. « On pouvoir entendre ,
dit-il, à la diftance d’une portée de canon ,
le craquement des os de {’aurochsy: brifés par
les efforts.de fon ennemi- (æ) ».
Il eft arrivé plufieurs fois dans différent
-pays, p-articuJièremeiTt aux environs de l’île'
de Panama en Amérique, que des Voyageurs
ont rencontré des ferpens engourdis
au moment de la digeflion , 8c dont les
formes étoient fi monftrucufes ,- qu’ils lèsent
pris pour des troncs, d’arbres renverfés.-
«' Le P. Simon rapporte que dix-huit Efpa-
» gnols étant arrivés dans les bois de* Coro t
» dans la province de Vé-nezuela, 8c fe' trou-
» vaut fatigués de là marche qu’ils avoient
» faite, ils s’affirent fnï une grofle couleuvre *
» croyant que c’étoi-t Un vieux tronc d’arbre
» abattu ; 8c que lorfqu’ils s’y attendoient le'
»^moins, l’animal- commença à' marcher,, ce'
(f) H i ß . Nat. de lOrenoqüe, par le P . Gumitla^ vol.-
3'> 75- •
(i) E j f c ù far VHiß. Nat. des’ ferpens > par Charles-
O wen j pa'g.- f?•-
Hl' Extrait d’une lettré d’André Cléyerus , écrite Je Batavia
à Mentz'élius'. E p h ém . des curieux de -la Nature ^
déc. i j ann. t , pag. 18 .-
(4) I b id . Il y a certaine nient un peu d’exagération dans»
la ccmparaifon que fait Cleyerus du craqueftient des- os- d^
ee-t animalavec le- bruit dtp oanoni